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Peu à peu, les pilotes français, comme leurs homologues italiens, peuvent à nouveau goûter aux sensations d’une moto sur circuit après une longue période de confinement.

Mike Di Meglio, David Muscat et Valentin Debise s’étant donnés rendez-vous hier sur le circuit Win Kart de Carcassonne, nous nous y sommes rendus pour voir comment se passaient ces retrouvailles avec le bitume et faire le point sur leurs situations sans nul doute très hétérogènes, donc forcément intéressantes …

A 20 euros le droit d’entrée, une quarantaine de pilotes était présents hier pour s’entraîner sur le tracé audois, que ce soit aux commandes de petites motos de piste style Yamaha R125, Yamaha R3 ou Honda 500, de Supermotards ou de kartings.

Les séances 2roues/4roues d’un quart d’heure se sont donc alternées toute la journée sous le chaud soleil du midi, permettant à chacun de retrouver ses marques dans une décontraction bon enfant qui avait malheureusement tendance à rendre les masques sanitaires et le gel hydroalcoolique plutôt rares…

Toutefois, comme l’illustre parfaitement notre photo de couverture, la distanciation sociale était globalement respectée et nous n’avons pu apercevoir qu’une seule poignée de main, à mettre au compte des habitudes passées.

Malgré le rythme parfois soutenu de quelques participants, toutes les séances se sont bien déroulées et nous n’avons noté aucune chute avant de faire le point avec nos trois pilotes de vitesse qui se faisaient plaisir sur l’asphalte…


Mike, qu’est-ce que ça fait de rouler pour la première fois sur un circuit, après six mois d’abstinence ?

Mike Di Meglio : « ça fait du bien (grand sourire) ! Les premiers tours, ça faisait bizarre, simplement de remonter sur la moto, car ça fait deux mois et demi que je fais du home-trainer chez moi, ce qui ne fait pas travailler l’équilibre. Mais j’ai tout de suite eu la banane sous le casque et j’ai rapidement retrouvé les sensations. Ce genre de journée est important pour retrouver du feeling, en espérant que l’on reprenne vite les courses ».

Y’a-t-il des muscles spécifiques à la moto qui font un peu mal car ils n’ont pas travaillé pendant des mois ?

« Pas vraiment, mais je suis assez surpris car, en fait, c’est plus dans le domaine de la concentration que je suis fatigué. Mais physiquement, non, rien, ce qui veut dire que j’ai bien bossé. Avant cette journée, j’ai fait un peu de karting et j’avais un petit peu de mal sur la fin avec la fatigue, et là c’est un peu pareil, mais physiquement, non, ça va ».

Avec un calendrier des compétitions qui risque de se concentrer beaucoup sur la deuxième partie de l’année, et donc potentiellement comporter des concurrences de dates entre l’endurance et la MotoE, où va ta priorité ?

« La priorité reste toujours l’endurance, car dans mes contrats c’est toujours prioritaire. Mais je ne suis pas le seul à être dans les deux championnats puisqu’il y a aussi par exemple Niccolo Canepa et Xavier Siméon. On est donc plusieurs pilotes à faire ces deux programmes donc je pense que les promoteurs feront en sorte que l’on puisse tout faire ».

Aujourd’hui, ta première course, tu la vois quand ?

« On sait que le MotoGP a des chance d’aller à Jerez en juillet. Ce n’est pas encore sûr à 100 % mais je pense que dès qu’il y aura une course MotoGP, ils vont essayer de caser une course MotoE en même temps, car nous ne sommes pas très nombreux dans cette catégorie et cela semblerait pouvoir être en accord avec la problématique de déplacer le moins de monde possible sur une épreuve de Grand Prix ».

En MotoGP, et sans doute ailleurs, on entend beaucoup parler en ce moment de réductions de salaire. Sans entrer dans les détails, es-tu concerné ?

« Pour le futur, on ne sait pas encore car on n’a pas encore discuté, mais à l’heure actuelle j’ai la chance de travailler avec des personnes intelligentes qui savent que si on nous ne paie plus, ça va être très compliqué. Donc elles nous permettent de vivre et de continuer à nous entraîner, que ce soit physiquement ou avec des motos comme aujourd’hui. Nous sommes des pilotes professionnels et on ne fait que ça, contrairement aux pilotes amateurs qui ont une autre activité en même temps. Nous, si nous ne sommes plus payés, nous ne pourront plus nous entraîner comme il faut. Mais pour le moment, ça se passe bien ».

 

Valentin, comment se sont passées tes retrouvailles avec une moto ?

Valentin Debise : « j’ai vraiment respecté le confinement, avec seulement de la course à pied pendant deux mois, mais j’ai commencé à rouler dès le lundi où on a pu rouler. Mais il a plu toute la semaine à Albi, donc j’ai fait du trial et de l’enduro sous la pluie. Là, c’est la première fois sur le bitume, mais ça me semble moins difficile que le trial et l’enduro car je ne suis pas un expert de ces deux disciplines. J’ai plus l’habitude de la vitesse et je sais à quoi je dois penser : je connais par cœur mes défauts et mes qualités, et même si j’essaie de corriger les premiers, je les ai pour le moment bêtement repris par automatisme. Avant cette journée en moto, j’ai fait du karting pour réhabituer mon cerveau à la vitesse, puisque l’impression de vitesse est multipliée en karting par le fait qu’on va plus vite et qu’on est plus bas. Du coup, sur la moto, je n’ai pas de problème par rapport à la vitesse et la reprise a surtout consisté à pouvoir faire les gestes techniques rapidement. Les faire, c’est facile, mais les faire rapidement est indispensable pour augmenter la vitesse. C’est pour ça que je viens sur une piste de karting. Ensuite, quand je serai dans les bons chronos, je verrai si j’ai l’opportunité ou pas d’aller rouler sur les grands circuits. Mais déjà, je suis super content de refaire de la moto et je pense que je n’étais pas le seul à attendre avec impatience de pouvoir remonter en selle sur un circuit ».

Rouler avec Mike et David, qu’est-ce que ça t’apporte ?

« C’est toujours plus sympa de rouler avec les copains ! On fait quand même quelque chose d’exceptionnel et nous sommes très chanceux de ne pouvoir faire que ça, donc si en plus on peut partager ces moments là entre copains et se tirer la bourre sur la piste, on ne peut pas rêver mieux ! ».

Après ton année sabbatique la saison passée, on t’a laissé avec des projets partagés entre plusieurs directions avant le confinement : USA, Endurance, tests Michelin MotoGP. Où en es-tu aujourd’hui ?

« En ce qui concerne les tests Michelin, je ne veux pas m’avancer là-dessus mais je pense que, logiquement, il y en aura très peu, voire pas du tout, puisqu’il il y aura sans doute beaucoup moins de courses qu’initialement prévu en MotoGP.
Pour l’endurance, c’est un peu pareil car il y a une grande incertitude sur ce qui va vraiment se passer ou pas. J’ai donc recentré mes projets sur les USA et, à une semaine près, j’étais en train de conclure pour pouvoir faire la saison que je voulais avec le team Supersport que je voulais. Avec la crise sanitaire, c’est un peu parti en cacahuètes mais j’ai toujours des contacts avec cette équipe, et du coup, je vais refaire ce que j’ai fait la première année que je suis parti en Amérique : j’avais tout vendu en France, pris mes cliques et mes claques, une valise, deux combinaisons, et j’étais parti là-bas pour saouler les gars jusqu’à ce qu’ils me donnent un contrat et me laissent rouler. Du coup, je vais faire pareil et je suis en train de tout vendre : mes motos, mon camion et ma voiture. Je vais donc aller là-bas avec un peu d’argent de ce que j’aurais vendu. Je ne sais pas exactement ce que je vais faire, mais ce qui est sûr, c’est que je vais aller retrouver cette équipe pour essayer de les convaincre de me donner quelque chose : qui ne tente rien n’a rien et, comme d’habitude, j’y vais au culot et je n’abandonne pas ! On verra, c’est risqué, mais je prends le risque ! ».

 

David, qu’est-ce que ça fait de reprendre le guidon d’une moto, après six mois passés devant la télé ?

David Muscat : « non, non, je ne vais pas mentir et j’ai un peu/beaucoup roulé en dirt track alors que je n’avais pas vraiment le droit, mais en vitesse, oui, c’est la première fois, et ça fait du bien ».

Pour le moment, on te retrouve sur une petite cylindrée alors que tu roules en Superbike FSBK. Ça aide quand même ?

« Oui, il faut faire de tout. On apprend de tout. Si tu n’apprends plus, il faut arrêter ! Je le fais depuis un moment maintenant, et ce n’est que positif : pour réussir, il faut travailler, sinon ça ne marche pas ».

Y a-t-il une émulation à rouler avec Mike et Valentin, ou bien chacun est-il concentré sur son propre pilotage ?

« Non, pas d’émulation, pas ici. Il n’y a rien à gagner (rires). Après, je suis différent et ce n’est pas pareil pour moi quand c’est la course. Mais là, on travaille et on s’entend bien, ce qui n’est déjà pas mal, et ça fait du bien à tout le monde de rouler. Mais on apprend aussi de tout et de chacun ».

Cette année, tu vas refaire le championnat de France pour la combientième fois ?

« Je ne sais pas, et ce n’est pas trop un problème pour moi, mais on n’est pas sûr de partir : c’est ça l’inquiétude ! On ne sait pas trop comment ça va se passer et c’est un peu compliqué d’engager des frais, surtout dans cette situation économique un peu compliquée. Après, je ne sais pas trop quel intérêt commercial il va y avoir de faire le championnat au niveau de mes patrons, et j’attends des réponses à ces questions là ».

Tu es un monument du championnat Superbike. Ton activité de pilote te permet-elle d’en vivre ?

« Honnêtement, je n’ai pas du tout l’impression d’être un monument (rires) mais oui, ça permet d’en vivre. Le problème, c’est que j’ai toujours vécu en ne faisant que des courses de vitesse et pas de course d’endurance, et je suis un des rares en France à faire cela donc c’est quand même compliqué pour pouvoir en vivre correctement. Mais je suis quand même aidé par Ducati et par les partenaires que j’ai, comme les magasins Patrick Salles qui font le lien direct avec l’usine Ducati pour que je puisse le faire. Sans ces aides, de Ducati en particulier et des partenaires, ce serait compliqué, mais tout le monde y trouve son intérêt car il faut bien reconnaître qu’aujourd’hui, personne ne fait rien sans intérêt ».

Directement ou indirectement, la suite de ta carrière peut donc être tributaire de la reprise du marché moto après le déconfinement. Comment vois-tu cette reprise ?

« La situation du marché de la moto, on la connaît aujourd’hui et elle n’est pas bonne du tout. On ne va pas se le cacher mais, à mon avis, ce n’est pas à cause du confinement : c’est un problème qui, à mon avis, existait déjà depuis un moment et était latent. Le confinement n’a fait qu’accélérer le truc. Après, il y a deux solutions : soit tu fais le mort et tu n’es pas dynamique, et tu ne sais pas trop ce qui va se passer, soit tu es dynamique et tu essaies de faire des choses que les autres ne font pas pour te mettre en valeur. Je pense qu’essayer de sortir du lot est une bonne solution mais je ne connais pas les stratégies économiques que vont employer les marques. Mais je pense que c’est dans ces moments-là qu’il faut redoubler d’efforts ».

Aujourd’hui, la première course est planifiée pour quand ?

« En août, mais je ne pense pas qu’elle se fera, car les organisateurs vivent avec les entrées. Or les autorités ont autorisé 5000 spectateurs jusqu’à fin août, et dans le parc, on est déjà 1500. Ça laisse 3500 entrées pour les organisateurs, ce qui me paraît économiquement très compliqué pour ces derniers. Donc peut-être qu’on commencera à Carole car ils ont peut-être besoin de moins d’entrées pour pouvoir faire les courses. Je ne sais pas.
C’est compliqué et il ne faut pas blâmer la FFM car ils sont plutôt dynamiques dans ces moments-là : ils cherchent les meilleures solutions pour tout le monde et on ne peut pas les en blâmer. On a même la chance d’avoir une fédération dynamique à ce niveau-là ! ».

 

 

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