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Cherchez la définition d’ « atypique » dans l’Encyclopédie des sports mécaniques : apparaîtra une photo de John Kocinski en train de s’énerver, de quitter la piste ou d’exploser un moteur consciemment. Doté d’un talent incroyable et d’une personnalité… « spéciale », revenons sur cet OVNI bad-boy, qui marqua l’adolescence de tous.

Né en 1968 dans l’Arkansas, il commença la moto à seulement 4 ans, et fut tout de suite très rapide. Il gravit les échelons américains, jusqu’à devenir pilote officiel Yamaha à seulement 17 ans, en championnat AMA, encore réputé. Il écrase tout sur son passage. Le grand Kenny Roberts le prend alors sous son aile.

Il effectue quelques piges remarquées sur l’année 1988 : engagé sur les deux premiers grands prix de la saison, il termine respectivement à la cinquième et quatrième place, dont la pôle pour sa deuxième course en mondial. En 1989, il réitère, mais en plus sérieux. Deux courses en 250CC : deux victoires et deux pôles. Mais jouant sur plusieurs tableaux, il n’est pas encore en mesure de disputer une année complète. Le team Marlboro–Yamaha lui donne quand même une opportunité en 500CC au Grand Prix de Belgique. Il découvre la catégorie reine avec une cinquième place. À 21 ans, il s’affirme déjà comme un pilote dangereux à l’avenir.

 

Kocinski (n°19) au Grand Prix du Japon 1991, bataillant avec les tous meilleurs : Rainey, Doohan et Schwantz.

Roberts ne peut se tromper en l’engageant à plein temps en 250CC pour l’année 1990. Le bilan est effarant : sept victoires, huit pôles en quinze course. Mais ce titre de champion du monde glané avec la manière sera malheureusement le seul que Kocinski possédera.

Car oui, John K, c’est avant tout un caractère. Arrivé en 1991 en 500CC uniquement, il est le coéquipier de Wayne Rainey. Pour un compétiteur et quelqu’un qui déteste perdre, on peut logiquement comprendre la frustration de Kocinski, qui a pour voisin de box l’un des meilleurs pilotes de tous les temps. Quatrième au général en 1990 avec une victoire en Malaisie, et troisième l’année d’après avec également une unique victoire : résultats corrects, mais difficile à encaisser quand Rainey remporte deux titres coup sur coup.

D’ailleurs, au Grand Prix des États-Unis 1991, un fait assez connu rapporte que John était incroyablement énervé après sa chute. Celui-ci serait parti directement du circuit à toute allure. Un policier, constatant l’excès de vitesse, tenta de l’arrêter mais en vain. Retrouvé plus tard, ce dernier écopa d’une amende et de services à rendre.

Atteint de troubles obsessionnels compulsifs (TOC), ce pilote au talent pourtant indéniable eu une carrière en dent de scie, et ce n’est rien de le dire. Certaines histoires vérifiées ou non circulent à son sujet. Il aurait lavé son garage au jet haute pression au plein milieu de la nuit, réveillant le voisinage, ou avait pour habitude de secouer les draps des hôtels les plus luxueux par souci d’hygiène. Le fait que ces anecdotes ne soient pas toutes avérées rend le personnage encore plus mystérieux et mémorable.

Après avoir quitté Yamaha, il retrouva une place en catégorie intermédiaire, chez Tech3. Courant sur une Suzuki RGV250, sa saison commence en demi-teinte. À part un podium en Australie, rien à se mettre sous la dent. Puis vient la course d’Assen.

 

La Cagiva C594 frappée du n°11. Il termine le championnat à la troisième place.

 

Il semble revenu dans le coup. Détenteur du meilleur tour en course, la bataille fait rage entre l’Américain, Tetsuya Harada et Loris Capirossi. Mais au bout de l’effort, Kocinski ne peut rivaliser avec ses adversaires, et passe la ligne en troisième position : c’est la goutte d’eau. Dans le tour de décélération, il pète littéralement les plombs. Il casse son moteur délibérément, d’énervement, et refuse de monter sur le podium. Tech3 le débarque instantanément, le laissant sans guidon.

Le « problème » avec ce type de pilote, c’est qu’ils sont très rapides. Et Cagiva ne s’y trompa pas : ils l’engagent pour les dernières manches de la saison, et à raison : Il fait la pôle et gagne à Laguna Seca sur sa magnifique GP500, renforçant un peu plus l’image d’OVNI qui était cependant déjà bien en place.

Engagé avec les Italiens pour 1994, il gagne la toute première course, et fait une année solide, pour terminer troisième du championnat. Mais la marque à l’éléphant abandonne ses projets de Grand Prix, laissant Kocinski sur le carreau. Après deux années muettes, il se relance en Superbike avec Ducati puis pour prendre un titre mondial en 1997 chez Honda. Il quitta la catégorie cette même année, non sans avoir percuté son coéquipier Aaron Slight lors de la derrière course alors qu’Honda avait la possibilité de faire un doublé au championnat. Que voulez vous…

Des détracteurs, il en avait, comme beaucoup d’autres dans l’histoire. Mais lui, peut se vanter d’avoir eu ses employeurs et coéquipiers contre lui. John Kocinski était un mystère, que l’on se remémore aujourd’hui avec nostalgie. C’était l’Américain, avec un grand A. Dire qu’il avait un caractère de cochon et une belle gueule est par définition subjectif. Son talent, lui, mettait tout le monde d’accord.

 

Photo de couverture : Rikita / Grand Prix du Japon 1990