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Avertissement :

Contrairement à l’immense majorité des articles de notre site, cette nouvelle rubrique ne reporte pas seulement des informations, elle laisse une certaine liberté, voire une liberté certaine, aux pensées de son auteur habitué du monde littéraire qui publiera sous le pseudo de Vernon Stoner.

Ici, on relate, bien sûr, mais on extrapole aussi, on suppute, on échafaude, bref, on discute et on échange !
Vous avez le droit de répondre en commentaire, de corriger, de clamer votre indignation, ou, au pire, si cela vous engendre vraiment des aigreurs d’estomac, de changer de rubrique…

Vous êtes toujours là ? Petits curieux, va… Allez, gaaazzzz !


Inutile d’opérer un long saut dans le passé pour retrouver les railleries colportées à l’encontre de l’usine autrichienne suite à son arrivée dans le MotoGP en 2017.

Les blagues plus ou moins vaseuses fleurissaient au quotidien sur les réseaux sociaux, et nombreux étaient ceux à prédire un retrait prématuré de KTM qui passait alors pour une bande de prétentieux inconscients du bourbier dans lequel ils mettaient les pieds. Les réfractaires au jus d’orange s’en donnaient à cœur joie, ne se privant pas d’égratigner au passage la qualité des motos de série issues de Mattighofen. A la décharge de ces médisants à l’humour parfois douteux, il faut reconnaître que l’historique des constructeurs nouveaux venus en catégorie reine laissait présager un tout autre dénouement à court terme.

Un peu d’histoire…

La dénomination MotoGP est entérinée en 2002 avec l’avènement des moteurs quatre temps suivi, à partir de 2007-2008, de changements drastiques du règlement visant à limiter les coûts. Pour info, le dernier départ d’une moto deux temps se déroule en 2003 lors du Grand Prix de République Tchèque. Cet état de fait entraîne de nombreux bouleversements dans les teams et certains ont bien du mal à faire la transition tandis que d’autres, comme Ducati et Kawasaki, en profitent pour tenter de se faire une place sous ce nouveau soleil.

La firme de Bologne fait ses débuts dans le championnat 2.0 (#écologie) en 2003. Même si les résultats sont honorables avec une victoire de Loris Capirossi dès la première année, et un top 10 au général pour les deux pilotes, Capirex étant secondé de Troy Bayliss, durant trois ans Ducati n’est jamais en mesure de jouer la couronne. Ceux qui suivaient déjà les Grands Prix à cette époque se souviennent sans doute des controverses sur les machines des rouges. Entre fiabilité laissant à désirer, et moteur trop puissant pour un châssis plus à l’aise en ligne droite qu’en virage, peu auraient misé un kopeck sur le sacre Italien. Mais, en 2007, un extraterrestre débarque chez Ducati en la personne de Casey Stoner. L’Australien offre le Graal à la Desmosedici sans pour autant faire taire les critiques vis à vis de la moto estampillée Marlboro. Car, à l’instar d’un Marc Márquez et sa RCV, Stoner semble être le seul à pouvoir s’accommoder de la délicate Italienne. D’autres grands noms comme Melandri, le regretté Nicky Hayden, et même le vénéré Valentino Rossi, s’y casseront d’ailleurs les dents. Malgré plusieurs places de vice-champion, ce titre reste le seul à ce jour glaner par le staff de Borgo Panigale

Le parcours de Suzuki est différent. Si l’usine japonaise est déjà auréolée d’un joli palmarès en Grand Prix, l’ère du quatre temps change la donne. Après le titre de Kenny Roberts Jr en 2000, les bleus sombrent dans une disette de succès à peine éclairée par quelques coup d’éclats épisodiques de Roberts, John Hopkins, et Chris Vermeulen. Tant et si bien que Suzuki se retire des Grand Prix en 2011 pour raisons économiques. L’entreprise d’Hamamatsu opère son retour en 2015 avec de grandes ambitions. Hélas, malgré les bons résultats de Maverick Viñales et Álex Rins, on est encore bien loin d’envisager un nouveau titre mondial et, si les vannes graveleuses pleuvent moins que sur Ducati, il n’en demeure pas moins que Suzuki est considéré comme un team de seconde zone. Comme vous le savez, Joan Mir vient de remettre les pendules à l’heure et de faire taire les mauvaises langues. Enfin, pas tout à fait, mais ça c’est une autre histoire dont je vous parlerai bientôt…

Kawasaki débute également dans l’ère MotoGP en 2003. Si la marque n’est pas numéro un au pays des samouraïs, elle reste une géante de l’industrie moto avec un palmarès respectable en Grand Prix dans les seventies. Mais, là aussi, c’était avant… La première année est catastrophique et les pilotes d’Akashi finissent respectivement 22, 23, et 26e du championnat. Le renfort de Shynia Nakano en 2004 met du baume au cœur avec un premier podium à domicile et une dixième place au général, en sus du quatrième rang constructeur devant Suzuki, Aprilia, et quelques marques tombées dans l’oubli tel que Proton, Harris, et Moriwaki. Hélas, par la suite, malgré plusieurs podiums, dont ceux de nos français Olivier Jacque et Randy de Puniet, les verts ne décollent jamais vraiment au classement et, en 2009, c’est le coup de théâtre. Kawa rompt son contrat avec la Dorna et se retire du MotoGP, laissant en héritage quelques teams privés comme Hayate qui ne convaincront pas plus.

Crédit : MotoGP.com

Et KTM dans tout ça ? Comment une marque qui n’a même pas de véritable sportive au catalogue (est-ce utile de reparler de la tentative RC8 ?…) pourrait s’imposer en championnat de vitesse ? Absurde, dites-vous ? Peut-être pas… Il est vrai que KTM avait déjà fait une incursion en GP, mais en tant que simple motoriste pour Proton. Une expérience sans doute utile, mais loin de suffire.

Le périple orange débute en 2017 avec le tonitruant Pol Espargaró, accompagné du flegmatique Bradley Smith, au guidon de la juvénile RC16. L’objectif est clair, ne pas squatter le fond de la grille toute la saison. Sans surprise, aucune victoire ni pole position ne ponctuent cette entrée en matière, mais Espargaró, Smith, et Mika Kallio venu faire quelques wildcards, rentrent à plusieurs reprises dans le top 10, parvenant ainsi à dérider brièvement un Pit Beirer aux aguets. L’espagnol termine la saison 17e, suivi par le Britannique à la 21e place. Malgré ces relatifs bons résultats, le monde de la moto a la dent dure et les quolibets déferlent une nouvelle fois sans pitié sur les réseaux sociaux. Mais l’Autrichien n’est pas du genre à s’en laisser compter et, loin de se décourager, KTM courbe l’échine et redouble d’efforts en 2018. La troisième place de Pol Espargaró lors de l’ultime manche de Valence sous la pluie prouve que le dur labeur finit toujours par porter ses fruits. L’Espagnol progresse jusqu’à la 14e place au général, tandis que l’Anglais grimpe au 18e rang. Mais ce n’est pas tout. La grande nouveauté de l’année est la création d’un team satellite avec Tech 3 qui, à la surprise générale, quitte Yamaha pour intégrer le projet RC16.

Crédit : MotoGP.com

Pour 2019, l’écurie française Tech 3, faisant fi d’un florilège d’avis négatifs leur prédisant une descente aux Enfers, rejoint donc contre toute attente le giron de Mattighofen, entraînant le double champion Moto 2 Johann Zarco dans son sillage. Le tricolore a quitté la famille d’Hervé Poncharal et est désormais pilote officiel Red Bull KTM Factory Racing en lieu et place de Bradley Smith, relégué au développement, et la saison débute avec de grands espoirs. L’armada orange, forte de quatre machines et d’un pilote français en verve, entend bien confirmer le podium de Valence et passer à la vitesse supérieure. Est-ce bien nécessaire de rappeler la suite des événements aux motards de l’hexagone ?… Notre Johann national ne fera jamais mieux que dixième au GP de Catalogne, et quittera prématurément KTM au deux tiers de la saison, avouant ensuite que ce transfert n’était pas son choix mais celui de son ancien manager, Laurent Fellon. Pendant ce temps, le cadet des frères Espargaró continue sa progression en intégrant par huit fois le top 10, avec une treizième place comme plus mauvais résultat, nonobstant les abandons. L’Espagnol pointe au onzième rang du général 2019 et prouve ainsi que la RC16 est sur la bonne voie. Miguel Oliveira, rookie chez Tech 3, confirme également l’évolution autrichienne avec des résultats corrects, dont une huitième place au GP d’Autriche devant son employeur. Miracle ? Non, pas vraiment. Car si miracle il y a, c’est celui d’un certain Dani Pedrosa qui, étrangement, n’est pas resté dans le giron du HRC et a été intelligemment recruté au poste de pilote test fin 2018. Le pilote Ibérique n’a certes jamais été sacré en catégorie reine, mais il jouit d’un palmarès impressionnant : champion 125, double champion 250, 31 pole position et 31 victoires en Moto GP. Excusez du peu ! KTM ne s’y est pas trompé en s’adjugeant les services du jeune retraité. Et au vu de la saison 2020, personne ne peut nier que les progrès généraux de la RC16 (perte de poids, réglages accessibles rapidement, etc), conjugués à une approche positive (on n’accuse pas la moto quand ça ne se passe pas bien, et on bosse dur), en plus des remarques constructives du petit Espagnol, ont transformé la petite clémentine acide en grosse orange bien mûre. Jugez plutôt :

Pol Espargaró : cinq podiums, cinquième au général
Miguel Oliveira : deux victoires, neuvième au général
Brad Binder (rookie) : une victoire, onzième au général
Classement constructeur : quatrième
Classement par équipe : troisième pour KTM Factory, septième pour Tech 3

On peut arguer que le contexte, saison courte sans Márquez, a favorisé les outsiders, mais on ne peut pour autant contester que ce bilan soutient sans peine la comparaison avec Ducati, Kawasaki, et Suzuki, ayant un passé bien plus conséquent dans le domaine de la vitesse. Que ça plaise ou non, en seulement quatre ans, la moto made in Mattighofen a fait taire ses plus ardents détracteurs et prouvé qu’avec une ténacité de fer et des moyens, s’imposer rapidement comme team de pointe au plus haut niveau était possible. Sans oublier que la descente aux Enfers soi-disant prévisible de Tech 3 s’est soldée par les deux premières victoires du team français en MotoGP… CQFD

La conquête du titre mondial doit commencer à tourner dans la tête d’un Pit Beirer que l’on a même vu sourire sous son masque. Et si le prochain jeune prodige à débarquer dans la catégorie reine optait plutôt pour du schnitzel que pour des sushis ou les pastas de la mama…

Ce succès donnera t-il à KTM l’envie de se pencher à nouveau sur le projet d’une sportive de série ? Possible, on entend des rumeurs ci et là… Nul doute que certains motards seraient ravis de piloter une machine différente dérivée d’une MotoGP, capable de remporter des courses qui plus est. En espérant que la fiabilité soit au rendez-vous, et que l’esthétique origami soit retouchée en profondeur, bien entendu.

Quoi qu’il en soit, les rageux des réseaux sociaux se sont tus ou encensent à présent la marque autrichienne… Et sinon, votre verre d’orange pressée, avec ou sans pulpe ?

Vernon

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