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En 1997, Kenny Roberts surprend le monde de la course en quittant Yamaha après une splendide carrière de pilote pour créer sa propre équipe de motos.

Basant sa nouvelle société à Banbury, en Angleterre pour tirer profit de l’industrie de la Formule 1 , Roberts fait construire un moteur 500cc trois-cylindres 2-temps par Tom Walkinshaw Racing.

La moto réussit à décrocher une pole position avec Jeremy McWilliams au Grand Prix d’Australie 2002 contre la nouvelle génération des MotoGP mais il semble évident que la réglementation favorise maintenant les 4-temps 990cc.

Durant l’hiver 2002/2003, avec l’apport financier de la société malaisienne Proton (constructeur automobile malaisien propriétaire de Lotus depuis 1998), Kenny Roberts fait donc concevoir un moteur 5 cylindres en V (3 devant, 2 derrière) par John Barnard, l’ex-ingénieur en chef du team Ferrari F1, à l’image du moteur de la Honda RC211V à 75,5°. Le V5 Proton à 60° est fabriqué par Lotus.

Kenny Roberts : « Nous avons étudié le règlement, pris en compte les différentes possibilités et, comme Honda, nous en avons conclu que le cinq cylindres était le meilleur choix. Les motos à quatre et à cinq cylindres ont la même limite de poids : 145 kilos. Dès lors, pour quelle raison voudrait-on faire un quatre cylindres ? Une fois la décision prise, l’architecture moteur s´imposait d´elle même. La nouvelle Proton KR se rapproche de la Honda de par son moteur en V transversal, avec trois cylindres devant et deux derrière ; le bloc Honda est toutefois beaucoup plus ouvert avec un V à 75.5°. L´angle de notre moteur est de 60°; Nous avons choisi cet angle après avoir mené des simulations sur ordinateur et étudié le problème avec nos ingénieurs. Nous pensons que le moteur est plus compact ainsi. En F1, tout le monde utilise des V10, mais personne n´accuse qui que ce soit d´avoir copié sur quelqu´un d´autre. Nous ne voulons pas essayer de réinventer la roue, comme ce fut le cas avec la 2-temps. C´est la dernière chose que nous voulons. Nous sommes une petite compagnie d´ingénierie indépendante et nous ne voulons pas nous lancer dans un programme de recherche et développement de trois ans. C´est pour cela que nous ne voulons pas nous inspirer de la F1, de la distribution pneumatique par exemple. Nous voulons mettre au point une machine qui soit dans le coup dès ses débuts. »

Initialement attendue à Jerez, La KR5 se fait attendre et les KR3 2-temps, moins rapides mais plus légères, sont de nouveau utilisées.

Kenny Roberts : « Le développement de la nouvelle moto va aussi vite que possible, mais elle ne sera pas alignée en course avant qu’elle ne soit prête. C´est irritant, mais c’est ce à quoi nous nous attendions. »

Chuck Aksland, team manager, confirme : « Notre première objectif était Jerez, mais lorsque tout se met en marche, vous tombez alors sur le problème suivant. C´est une nouvelle moto très complexe et il y a beaucoup de systèmes à essayer avant que nous ne sachions à quel point elle est plus rapide que la deux temps. »

Finalement, le moteur V5 fait ses débuts lors du Grand Prix d’Italie 2003, au Mugello, toujours avec Jeremy McWilliams et Nobuatsu Aoki. Puissant, le moteur de la KR5 a toutefois besoin de plus de développement sur l’électronique pour exploiter pleinement son potentiel, ainsi que de pneus plus compétitifs. Le meilleur résultat de sa carrière est atteint, encore une fois, par Jeremy McWilliams lors du Grand Prix d’Australie 2003 (11e en course alors qu’il avait fait 6e en France avec la KR3).

En 2004, une seule machine est alignée régulièrement pour Nobuatsu Aoki (et parfois une pour Kurtis Roberts ou James Haydon), et malgré une 13e place inscrite au Mugello, il devient évident que l’équipe de Kenny Roberts n’est pas en mesure de développer le moteur pour concurrencer les usines japonaises dominantes.

Kenny Roberts signe donc un partenariat avec KTM pour la fourniture d’un V4 à 75 degrés pour 2005, d’une puissance de 230 ch à 15 500 tr / min, rappel pneumatique des soupapes, bielles en titane, paliers lisses, embrayage à sec,  carter sec, boîte de vitesses à cassette et arbre à cames par cascade de pignons.

En effet, après avoir envisagé de monter une équipe officielle, les Autrichiens acceptent finalement un accord avec Kenny Roberts pour intégrer leur moteur dans son châssis Proton KR. KTM fournit les moteurs, le salaire du pilote (Shane Byrne) et les pneus Michelin, Kenny Roberts se charge du reste. Au total, une quinzaine de moteurs seront construits.

Nobuatsu Aoki effectue le premier roulage à Brno (photo ci-dessous), puis Jeremy Mc Williams, parti une année chez Aprilia, est rappelé en renfort pour procéder aux premiers essais sur le circuit de Jerez. Le britannique boucle son meilleur temps en 1’43.00 et estime qu’il aurait pu battre le record du tour en course (1’42.788) établi par Rossi en 2003.

Jeremy Mc Williams : « J’aurais probablement pu faire mieux. Si j’avais eu un ou deux jours de plus, j’aurais pu descendre dans les 1’42.0. J’ai été impressionné. Je ne m’attendais pas à cela. Il y a un gros potentiel, mais la moto est déjà facile à piloter. Les sensations sont trompeuses : je ne pensais pas aller aussi vite. Le comportement est super et le moteur est souple, docile. Cette machine n’a rien à voir avec la Proton V5 que j’ai pilotée en 2003. Elle est bien meilleure à tous points de vue. Le châssis est efficace et le moteur est puissant, avec une plage d’utilisation assez large et avec de sacrées montées en régime. Lors de ces essais, nous n’étions qu’à quatre ou cinq km/h des Honda en vitesse de pointe ! »

Chuck Aksland, team manager, partage l’enthousiasme général : « C’est la première fois que le pilote ne demande pas plus de chevaux. Nous disposions d’une version supérieure du moteur, mais Jeremy n’a pas voulu l’essayer. Celui qu’il a testé marchait déjà si bien ! Ces bons chronos sont venus couronner une séance d’essais globalement très positive. Grâce à l’aide de Michelin, nous avons pu tester une combinaison, entre notre châssis, le moteur KTM et leurs pneus , qui pourrait nous permettre d’être compétitifs. Nous avons mis huit ans à en arriver là, en acquérant connaissances et expérience, souvent dans la difficulté. Techniquement, c’est le meilleur package que l’on ait jamais eu. »

Une seule moto est alignée au premier Grand Prix à Jerez, avec Shane Byrne à son guidon.

Malheureusement, l’euphorie retombe vite et, faute d’un ECU performant, la Proton-KTM ne pourra jamais faire mieux que 15e, à Laguna Seca. Malgré une dernière pige prévue de Jeremy Mc Williams, et faute d’entente financière avec le champion américain, la firme autrichienne se retire en cours de saison, à la veille du Grand Prix de la République tchèque à Brno, laissant le team du légendaire américain sans moteur pendant 6 courses.

La décision, fruit de longues délibérations au sein de la direction de KTM, n’affecte en rien les programmes 125 et 250 de la marque.

Parmi les raisons motivant cette décision, le changement de réglementation réduisant la capacité des moteurs à 800cc à partir de 2007 – alors que KTM a débuté en MotoGP cette année avec un V4 990cc. Le communiqué publié par KTM indique aussi que la volonté de la firme était, à l’origine, d’être un simple motoriste en MotoGP, et non pas de soutenir officiellement un team. KTM a toutefois apporté une aide financière au Team Roberts, lui permettant ainsi d’engager Shane Byrne et de pouvoir courir sur des gommes Michelin. KTM a aussi pris en compte l’intérêt présenté par le développement d’un 990cc condamné à être remplacé à court terme.

Avec l’aide de Honda, la Proton est finalement équipée du 5 cylindres de la RC211V, in extremis pour le dernier Grand Prix de l’année à Valence.

Les choses vont tout de suite mieux et 2006 voit Kenny Roberts Junior s’emparer de la 6e place du championnat du monde !

2007 voit l’introduction d’une nouvelle réglementation concernant les moteurs de MotoGP, limités à 800cc, et Honda fait une nouvelle fois face à la demande de l’Américain trois fois champion du monde 500cc en fournissant des RC212V.

Mais, tout cela est déjà une autre histoire car depuis fin 2005, Proton ne finance plus le team, et celui-ci, devra cesser ces activités fin 2007, en raison du manque de soutien financier…

Sources: MotoGP.com et KTM.