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Lors d’une des journées détection organisées par la Fédération Française de Motocyclisme début août sur le circuit Carole, nous avons pu faire le point avec Jacques Bolle, son président, sur l’état de la reprise de la compétition après la crise sanitaire liée au Covid-19.


Les difficultés du MotoGP et de la Formule 1 ont été largement diffusées dans les médias spécialisés. Au niveau national, à quel point cela a-t-il été difficile de pouvoir relancer les entraînements puis les compétitions ?

Jacques Bolle : « En fait, on n’a eu de cesse de travailler avec l’administration et les pouvoirs publics pour redémarrer le plus tôt possible, parce que, comme partout, il y a des gens qui sont frileux et pour lesquels le principe de précaution doit être primordial, y compris d’ailleurs au sein des acteurs du sport moto ! Parmi les circuits, certains ont préféré attendre avant de ré-ouvrir alors que notre position était “dès que ce n’est plus interdit, on rouvre !”. Et c’est par exemple ce qu’on a fait au circuit Carole où on était un des premiers circuits de France à ouvrir, simplement parce que l’interdiction était tombée. Cela nous a d’ailleurs valu d’avoir des services de police qui ont débarqué, mais comme on leur a démontré que plus rien ne nous interdisait d’ouvrir, ils en ont convenu. Mais c’est vrai que la première réaction de certains a été d’appeler le préfet en lui disant “la Fédération nous dit qu’on peut ouvrir : est-ce que vous êtes d’accord ?”. Or bien souvent, on dit que poser une question à l’administration est le meilleur moyen de faire débuter les problèmes, donc on a eu des préfectures qui ont répondu non alors que le ministère disait le contraire. C’était une des difficultés et on a passé notre temps à jongler là-dessus, comme avec la règle des 10 personnes maximum, car on pouvait parfaitement mettre plusieurs groupes de 10 personnes à l’intérieur d’un circuit à condition qu’ils ne se mélangent pas entre eux. Pendant les mois de mai et juin, il a fallu expliquer ça et c’était souvent un peu compliqué. »

Même si les choses semblent maintenant bien reparties, il est sans doute un peu tôt pour dresser un bilan concernant le nombre de licenciés. À cet égard, l’année 2020 était bien partie mais on peut aisément imaginer qu’il y a eu un coup d’arrêt brutal. Où en est-on aujourd’hui ?

« Il y a eu un arrêt brutal mi-mars, bien évidemment. Les licences entraînements sont reparties, et de belle façon, à partir de moment où on a rouvert les circuits, donc à partir de la mi-mai. Aujourd’hui, en matière de licences entraînement, on a peu de retard par rapport à l’an passé. C’est moins vrai en matière de licences compétition, et pour cause, puisque les compétitions viennent seulement de redémarrer il y a quelques semaines. Pour l’instant, on a donc globalement un retard important. »

Nous nous trouvons aujourd’hui aux journées détection de la FFM, donc vraiment la base de la pyramide, à l’heure où l’actualité éclaire le sommet de celle-ci en vitesse avec nos deux pilotes français Fabio Quartararo et Johann Zarco qui s’illustrent brillamment. Êtes-vous fier de cela et quel est votre rôle dans ces performances de très haut niveau ?

« Je rappelle simplement que pendant très longtemps, en tout cas au début des années 2010 et jusqu’aux années 2015, on nous disait qu’on avait beaucoup de pilotes français en Grand Prix, puisqu’à l’époque on en avait 5 ou 6, et que quelques-uns marchaient bien, comme Johann Zarco qui a pris deux titres de champion du monde en Moto2, mais qu’on n’avait personne en MotoGP. Aujourd’hui, je dirais que c’est un petit peu l’inverse : on a deux pilote talentueux en MotoGP, dont un qui peut clairement être champion du monde cette année, mais par contre nous n’avons plus de garçons en Moto3 et en Moto2. C’est donc là-dessus qu’on essaie de travailler, car c’est aujourd’hui que la relève de 2025/2026 se travaille. C’est ce qu’on fait aujourd’hui ici sur le circuit Carole avec les journées détection, et c’est ce qu’on fait aussi avec Claude Michy, avec la structure qu’on a montée en European Talent Cup. C’est un travail de longue haleine qui n’est pas facile. Claude pensait que trouver des jeunes talents était plus facile que ça, mais des jeunes garçons qui ont réellement le potentiel de devenir le Fabio Quartararo de demain ou le Johann Zarco de demain, il n’y en a pas 10 par saison : il n’y en a peut-être même pas un toutes les deux ou trois saisons ! Soyons clairs, on peut aider des garçons qui pourront peut-être accéder en Grands Prix, mais performer réellement en Grands Prix c’est être champion du monde, voire être champion du monde en MotoGP. Je me souviens très bien d’une réflexion que m’avait fait Johann Zarco un jour : “j’ai eu plus de retombées après les six tours que j’ai faits en tête de mon premier Grand Prix MotoGP au Qatar, que pour les deux titres de champion du monde Moto2 obtenus les deux années précédentes”. »

« Donc on sait qu’aujourd’hui, si on veut que les grands médias parlent de moto, ce n’est pas en étant champion du monde en Moto3 ou en Moto2, c’est en étant en bagarre pour le titre en MotoGP. D’ailleurs on le voit aujourd’hui avec Fabio Quartararo : Des médias qui ne nous appellent d’habitude jamais commencent à prendre contact avec lui ou avec la fédération pour parler de moto. Avoir un Français qui fait deux lundis de suite la une de l’Équipe, ce n’était jamais arrivé ! »

Avec la crise sanitaire, les débriefing des pilotes MotoGP ont maintenant lieu en visioconférence. On y trouve effectivement des structures comme l’AFP ou CNN qui n’étaient pas forcément sur les circuits avant. Cette médiatisation peut-elle également vous aider à trouver des talents ?

«  Moi, je l’espère ! Ceci dit, je cite souvent l’exemple du tennis. Lorsque Yannick Noah avait remporté Roland-Garros, il y a plus de 30 ans, la fédération de tennis avait fait 20 ou 30 % en plus la saison suivante. Mais si un gamin veut faire du tennis, ses parents l’inscrivent dans le club local, lui achète une paire de baskets et une raquette de tennis, et c’est fait : le gamin à 5 km pour aller au club, et a déboursé 100 € d’investissement. Ce n’est malheureusement pas vrai du tout en sport moto, on le sait, et principalement en vitesse. C’est d’ailleurs pour ça que le motocross est plus accessible : on a beaucoup plus de participants et de licenciés en motocross car tous les départements ont plusieurs terrains de motocross. En vitesse, par exemple, si vous habitez Brest, le premier circuit c’est Le Mans ! On n’est donc pas du tout sur le même investissement que pour le gamin qui veut faire du tennis : on est sur un investissement lourd des parents. Il faut que ceux-ci mettent des moyens financiers mais aussi des moyens humains, c’est-à-dire qu’il faut qu’ils se rendent disponibles pour emmener le gamin s’entraîner : il faut partir tôt le matin, rentrer tard le soir, puis faire la mécanique ensuite. En tennis, on l’emmène puis on va le rechercher au club, quand ce n’est pas le bus municipal qui s’en charge. »
« Donc une belle performance ou un titre de Fabio va nous aider, ça c’est certain, mais de là à penser qu’on aura 30 % d’augmentation des licenciés l’année prochaine, je n’y crois pas ! »

Après 12 ans, on arrivera en fin d’année au bout de votre dernier mandat en tant que Président de la Fédération Française de Motocyclisme. De quoi êtes-vous le plus fier ?

« Écoutez, de toute façon je vais faire une conférence de fin de mandat, donc ce sera alors le moment de développer tout ça. Ceci dit, il y a bien sûr le rachat des terrains, quelque chose qui a été plébiscitée par un peu tout le monde. C’est une initiative qui nous permet de sauvegarder l’activité motocycliste lorsqu’elle est menacée. Lorsqu’un terrain risque de disparaître, on se substitue au propriétaire et on lui propose de lui racheter le foncier, ce qui permet de faire perdurer l’équipement, avec l’équipe qui est sur place et qui continue à le gérer. Aujourd’hui, on a racheté 15 terrains et je pense que c’est une politique qui va se poursuivre. Peut-être que dans 10 ans, on en aura une quinzaine de plus. »

« C’est l’une de mes satisfactions, et l’aide que l’on a apportée aux sportifs en est une autre. La fédération n’avait jamais aidé financièrement les sportifs jusqu’à présent. Aujourd’hui, on les aide, notamment financièrement, ce qui quelquefois leur permet de pouvoir boucler des budgets. Alors bien entendu, on ne prend pas en charge la totalité d’un budget d’un pilote, parce que notamment en vitesse cela coûte très, très cher, mais bien souvent cela permet de le finaliser. Loris Baz avait dit il y a quelques années : “si cette année je peux rouler en Grands Prix, c’est grâce à la fédération et à Claude Michy qui m’ont permis de boucler le budget”. Il est donc arrivé à plusieurs reprises que l’aide de la fédération soit déterminante. »