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Initiée lors du premier Grand Prix de la saison MotoGP au Portugal, ce que l’on peut appeler « L’affaire Marc Márquez » s’est pour le moment diluée dans un flou volontaire qui devient même obscur pour les passionnés que nous sommes. C’est pour cela qu’entre notification de sanction, application de sanction et décision concernant l’appel fait par Marc Márquez et le HRC – REPSOL HONDA TEAM, nous avons demandé à Maître Jérôme Henry, Avocat à la Cour de Paris, de nous éclairer sur ce qui risque d’arriver.

Et sa conclusion est pour le moins surprenante…


Avis sur l’affaire Márquez

Par Maître Jérôme Henry, Avocat à la Cour de Paris

Pour bien comprendre les tenants et aboutissants de cette affaire, il faut rappeler les faits.

1) L’incident : Dimanche 26 mars 2023, Portimão, GP du Portugal catégorie Moto GP

Au troisième tour, arrivent groupés, à l’abord du virage 3, Bagnaia – Oliveira – Martín – Márquez.

Márquez s’infiltre à l’intérieur de la Ducati de Martín mais l’accroche durement et, dans l’accrochage, il perd le contrôle de sa Honda et percute très violemment Oliveira qui prenait sa trajectoire.

Márquez et Oliveira chutent, et Martín doit s’écarter et ne reprend la piste qu’en 11ème position.

Instantanément le collège des commissaires de course indique que l’incident est sous investigation.

2) La procédure disciplinaire

La décision signée par les trois commissaires de course (Andres Somolinos, Freddie Spencer et Tamara Matko) et notifiée à 15h13 à Marc Márquez par Andres Somolinos en personne.

Sa rédaction est claire :

« Le 26 mars 2023 à 14h06’02, au virage 3, vous avez été observé comme étant exagérément agressif et causant un accident impliquant le pilote n°88. Cela (…) est considéré comme un pilotage irresponsable créant un danger pour les autres compétiteurs (…) infraction à l’article 1.21-2 du règlement FIM MotoGP.

Pour les raisons ci-dessus, le collège des commissaires a infligé une pénalité d’un double « tour long » pour la course du GP d’Argentine (en application des articles 3.2.1. et 3.3.2.3.).

Márquez ne fait pas appel de cette sanction, qui devient donc définitive au bout de soixante minutes, et il part pour Barcelone où il se fait examiner par ses médecins, qui décèlent une fracture avec déplacement du pouce droit. Márquez décide de se faire opérer et de manquer le GP d’Argentine, ce qui est publié le 27 mars dans un communiqué de son équipe.

Le 28 mars, le collège des commissaires MotoGP publie un communiqué intitulé « Application de la sanction infligée à Marc Márquez, pilote n°93, par le collège des commissaires FIM ».

Dans ce document, les commissaires rappellent qu’il a été jugé que Marc Márquez avait été sanctionné d’un double tour long au GP d’Argentine pour pilotage irresponsable, et ils indiquent que le collège « clarifie sa décision concernant son applicabilité ».

« Considérant la blessure et le forfait de Marc Márquez en Argentine, et en vue de se conformer à l’intention sous-tendant la décision prise par le collège, le double tour long sera effectué par le pilote au prochain GP auquel il sera capable de participer ».

Le 28 mars à 7h57, le team HRC Repsol accuse réception de cette décision et, le 29 mars à 2h16, soit dans le délai de 24h qui lui était imparti, le team HRC Repsol fait appel, contestant la validité de la décision du 28 mars 2023 et demandant un sursis à exécution, dans l’attente de la décision d’appel.

Considérant que l’appel est régulier en la forme, et que la caution de 1.320 € a bien été déposée, le collège d’appel décide de transmettre le dossier à la Cour d’appel MotoGP, qui dispose d’un délai de quatre semaines pour rendre sa décision.

Or, le GP des Amériques à Austin a lieu le 16 avril, donc l’incertitude est totale concernant la pénalité que Márquez devrait exécuter ou non.

3) L’analyse

Que vont décider les juges de la Cour d’appel MotoGP ?

Déjà ils doivent en urgence statuer sur la demande de sursis à exécution : Márquez et le Team HRC peuvent engager un bras de fer à Austin, et si Márquez n’effectue pas sa pénalité, la direction de course va certes le disqualifier, mais Márquez peut continuer sa course et franchir la ligne d’arrivée, de sorte que la FIM, en plus d’avoir à apprécier la décision du 28 mars, aurait à déterminer les conséquences d’un tel comportement.

Si la décision du 28 mars est invalidée, est-ce que pour autant Márquez serait exonéré de toute sanction pour n’avoir pas obtempéré à sa mise hors course ? Est-ce qu’on va lui rendre les points qu’il aurait marqués selon sa place à l’arrivée ? Ou bien va-t-on décider que ne pas s’arrêter au drapeau noir mérite sanction ?

Et s’il effectue au contraire sa double pénalité mais que la décision du 28 mars est invalidée, comment va-ton réparer le préjudice causé à Marquez et à Honda ? Faire faire un double tour long à tous les autres pilotes sauf lui lors d’un prochain GP ? 😀

On voit que cette perspective n’est pas souhaitable pour la FIM.

Il est donc très vraisemblable que les juges de la Cour d’appel vont soit accorder le sursis à exécution dans un premier temps, soit prendre leur décision suffisamment vite pour ne pas avoir à se prononcer sur la demande de sursis.

Mais alors comment se présente cette affaire devant la Cour d’appel ?

La question devient à déterminer si Somolinos, Spencer et Matko avaient le droit de prendre cette seconde décision, le 28 mars.

On constate, à sa lecture, qu’il n’y est fait aucune référence à un article du règlement FIM MotoGP.
Manifestement, les commissaires n’ont pas trouvé sur quel fondement s’appuyer pour justifier leur décision.

Et je les comprends car, ayant moi aussi fait cette recherche, je ne vois dans le règlement FIM MotoGP aucune disposition qui les autoriserait à modifier après coup une décision qui est de surcroît devenue définitive puisque personne n’en a interjeté appel.

À la limite, que les commissaires prennent une seconde décision, à la demande d’une des parties concernées, pour expliciter une précédente décision ambigüe, peu claire, sujette à interprétations divergentes, peut-être.

Mais ce n’est pas le cas ici : Leur décision du 26 mars était parfaitement claire, sans ambigüité.

Dès lors, à mon avis, la Cour d’appel MotoGP ne peut pas faire autrement que d’invalider la décision du 28 mars, qui n’était autorisée par aucun article du règlement FIM et donc annuler la pénalité de Marquez.

Jérôme Henry

Avocat à la Cour


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