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Le dimanche 19 mai 1985, Christian Sarron remportait le Grand Prix d’Allemagne sur le Circuit d’Hockenheim, devant Freddie Spencer, Ron Haslam et Eddie Lawson. Il soutient désormais mordicus Fabio Quartararo, au sujet duquel il déclarait il y a un an « Il faut savoir, comme Fabio, ne pas trop se poser de questions et tenter sa chance. » Le Champion du Monde 250 cm3 de 1984 avait 1000 fois raison, comme El Diablo vient de nous le prouver à Jerez.

« Ce qui m’a absolument épaté chez Fabio, dans son pilotage et sa gestion de la course, c’est qu’il a su rester calme, a expliqué Christian. Bon d’accord, il a raté son départ. Raté ? Disons plutôt qu’il ne l’a pas réussi. Mais il est resté bien serein. Et même lorsqu’il s’est fait doubler, d’abord par Jack Miller, ensuite par Maverick Viñales, il ne s’est pas affolé. Il est resté calme, concentré, ce qui est déjà une première qualité, alors qu’il était parti de la pole position, puis s’était fait doubler par d’autres pilotes. Il ne s’est pas énervé, il est resté très propre. »

« Il m’a bluffé. S’il y a un pilote qui est un métronome et un puriste, c’est Jorge Lorenzo. Parmi les pilotes récents, car j’en ai connu d’autres avant comme Giacomo Agostini et Luca Cadalora. »

« C’est justement ce côté précis et régulier qui m’a surpris chez Fabio. Il l’a été tout au long de la course, sans faire d’erreurs. On voyait nettement Viñales faire des erreurs, Márquez et d’autres pilotes derrière également. Le seul qui n’en faisait pas – ou pratiquement pas – c’était Fabio. Et ça m’a vraiment étonné. »

« Il a un pilotage extrêmement coulé et efficace, avec beaucoup de vitesse de passage. Sans égaler dans ce domaine Lorenzo, il est un des pilotes de MotoGP qui a le pilotage le plus pur, le plus propre, et il l’a démontré en course sans s’énerver. Ça m’a vraiment surpris. Finalement, on se rend compte qu’il a su mettre la pression aux autres. »

« En ce qui me concerne, je suis très content de ce qui lui est arrivé car l’année dernière, il aurait déjà mérité d’avoir une victoire. Il n’a alors pas eu la réussite, la chance, l’expérience, ni non plus toujours la machine. Ce dimanche, j’ai pu constater que par rapport à la Yamaha de Viñales, la Honda de Márquez et la Ducati de Miller, sa Yamaha me semblait tout à fait bien en termes de performance. Il y a beaucoup moins d’écart que l’an dernier. Cette année, les performances des motos sont tout à fait similaires, même à l’accélération, ce qui n’était pas le cas la saison dernière. »

Toi, Régis Laconi et Fabio êtes trois des quatre vainqueurs français en catégorie reine, tous les trois sur Yamaha. Pourquoi sur Yamaha ? Est-ce un hasard ? Est-ce dû au positionnement de Yamaha en France ?

« Il y a une bonne part de hasard. Si tu remontes au quatrième vainqueur français, c’était Pierre Monneret qui avait remporté le Grand Prix de France à Reims en 1954 sur Gilera, quand tous les pilotes d’usine étaient absents. Il a eu la Gilera d’usine parce qu’il allait devenir concessionnaire pour la marque. »

« Pour Régis Laconi, c’était le team satellite Yamaha Red Bull. Régis a fait un choix de pneumatiques osé sur un circuit que personne ne connaissait sur le mouillé. Ce choix s’est avéré judicieux et il n’y a même pas eu de bagarre. Ce qu’il a fait a été méritoire, et il a pu gagner facilement parce qu’il avait des pneus bien adaptés. Régis montera une seule fois ensuite sur le podium en MotoGP, lors du GP suivant en Australie. »

« A mon époque, il n’y avait pas beaucoup de motos d’usine dans des teams satellites. Moi, j’en avais une chez Yamaha, Pierfrancesco Chili en avait une chez Honda. Dans l’histoire de la course moto, Yamaha a souvent été plus impliqué que Honda en GP auprès des teams satellites. Ceci explique qu’il est peut-être un peu plus logique que Yamaha ait des victoires avec des pilotes français dans des teams satellites. Fabio est dans un team satellite avec du matériel 100% d’usine. Moi j’avais juste la moto, pas le développement en cours de saison. »

« Autant l’an dernier ça a été une surprise que Fabio ait été à ce niveau, y compris pour lui-même (rire), autant cette année on pouvait s’attendre à le voir devant après la fin de saison qu’il a effectuée en 2019. Comme la Yam d’usine a progressé, je pense que non seulement Fabio va gagner d’autres Grands Prix, mais il va se battre pour le titre. »

Fabio et Maverick Viñales sont premier et deuxième du championnat. Le fait qu’ils seront équipiers la saison prochaine peut-il jouer sur le championnat de cette année ?

« Il faut que je réfléchisse à ta question… Adversaires cette année, coéquipiers l’an prochain, je pense honnêtement qu’entre deux pilotes Yamaha équipés du même matériel, il y a une très forte compétition, qu’ils soient ou pas dans le même team. »

« Pourquoi ? Parce que celui qui est en place depuis un peu plus longtemps, c’est-à-dire Viñales, voudra justifier que ce sera lui qui défendra au mieux les couleurs de Yamaha, donc il mettra un point d’honneur à essayer d’être devant Fabio. »

« Maintenant, quand on voit le talent de Fabio, ses résultats et son potentiel, Viñales a déjà dû se poser des question l’année dernière en fin de saison, même si lui a gagné un Grand Prix en fin d’année (en Malaisie) alors que Fabio n’en a pas remporté. »

« Cette année les positions sont inversées, avec une victoire pour Fabio, mais aucune pour Viñales qui va tout faire pour gagner. A mon avis, soit cette année il y en a un qui domine l’autre complètement, et celui qui sera dominé risque de partir perdant, et vice-versa. »

« En fait, je vais formuler ça autrement pour être plus précis : si Viñales est dominé par Fabio cette année, il risque de partir un peu perdant l’an prochain, avec Fabio dans son équipe. Par contre si Fabio perd cette année, il est capable de hauts et bas, comme il l’a montré en Moto3 et en Moto2. Ça ne serait alors pas de très bon augure, mais ça n’empêcherait pas que l’an prochain, il puisse essayer de tout faire et de se battre pour essayer d’être devant. »

 

Photos © Yamaha

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