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De façon très régulière, et depuis maintenant plus de deux années, Hervé Poncharal nous fait l’honneur de nous partager son point de vue après un Grand Prix (Voir ici).

Écouter ses propos qui sont le fruit d’une expérience de 40 ans est toujours un plaisir, d’autant que l’homme n’a pas sa langue dans la poche. Nous vous partageons ainsi ses émotions, qui peuvent fluctuer au fil des épreuves de la déception à la plus grande des joies, sans pour autant occulter les petits grincements de dents passagers ou, au contraire, les envolées qui vont bien au-delà du sport…
Et nous l’en remercions grandement !


Hervé, depuis notre dernière conversation après la Thaïlande, vous êtes parti pour une tournée de 3 courses consécutives qui ont vérifié, une fois de plus, l’observation du « copié/collé » entre les saisons 2018 et 2017. En gros, comme l’année dernière, Johann Zarco y a fait de très bonnes courses…

Hervé Poncharal : « oui ! Et encore une fois, vous me tendez la perche, mais comme l’année dernière je vois tout un tas d’observateurs avertis, de connaisseurs, de personnes qui sont dans le paddock depuis des années, qui disent que les Yamaha ont progressé parce qu’ils ont mis le doigt sur ceci ou cela en électronique. Je vous dirai oui, mais à ce moment-là pourquoi Zarco, et on peut même dire Syahrin, ont été beaucoup plus performant alors que nous, on a reçu zéro plus zéro. Je vous le garantis. Donc oui, je pense qu’on a fait une belle tournée même si j’ai beaucoup de regrets, et je pense que le pilote et l’équipe technique aussi, on a beaucoup de regrets sur Phillip Island parce Johann avait pris le pneu soft à l’arrière, et c’était le seul dans le groupe de ceux qui pouvaient faire de bons résultats. Je pense que c’était la bonne option parce que les pneus durs ont beaucoup patiné sur la 2e partie de la course. Et quand vous connaissez le tropisme de Johann pour ce circuit là, la course qu’il a faite l’année dernière et l’envie qu’il avait de briller après sa belle qualification, il était au très bon endroit. Il était 4e au coude à coude avec Márquez quand il est tombé, et tous les espoirs étaient permis. On ne le saura jamais, mais sans cet incident de course qui était ultra spectaculaire et qui nous a fait très très peur, je pense sincèrement qu’il y avait moyen à ce que la tournée Asie–Pacifique soit encore plus forte. Mais bon, on est déjà content et on se contente de ce que elle nous a apporté, mais Phillip Island reste quand même comme un petit os qu’on a dans la gorge ».

Puisque l’on parle de ça, quand Johann décrit sa chute, il raconte qu’au moment où cela se passe, il pense d’abord qu’il a perdu la course puis seulement ensuite à survivre. Est-ce la même chose dans le box ?

« C’est fabuleux, et c’est pour cela que les pilotes sont des extraterrestres. Et c’est pour cela qu’on est obligé de les aimer. Parce que ça reste avant tout des gens qui sont 200 % impliqués dans leur mission qui est d’être pilote et de faire le meilleur résultat possible. Et c’est vrai qu’avant de se dire « plus tard, je vais me faire très très mal » car cela pouvait être très pénalisant sur l’intégrité physique, il a pensé à la course. Il nous l’a d’ailleurs dit, « et merde, je ne vais pas pouvoir finir la course que je sentais bien », et puis instantanément après, quand il touche le sol, c’est l’instinct de conservation.
Nous, c’est l’inverse, car ça se passe tellement vite que, quand on le voit, il est déjà par terre. On n’a pas le temps d’avoir la pensée première que lui a eue sur « merde, la course est foutue ». Quand on le voit qui s’envole, on est en apnée, on ouvre les yeux, on ouvre la bouche et on crie, comme tous les commentateurs et où le public ont fait. Surtout que la veille, on avait eu la chute de Syahrin, moins rapide car dans le bac à graviers, et quand je l’ai récupéré au centre médical il était quand même très contusionné et avait très mal. Deux jours plus tôt, le vendredi, Cal Crutchlow s’était fait une très mauvaise blessure. Donc en une fraction de seconde, tu penses à tout ça et tu pries pour qu’il n’aille pas dans le bac à graviers et qu’il ne tourne pas sur lui-même comme un pantin désarticulé car c’est là où on se fait mal. On a donc été très très heureux de le voir très rapidement se relever, marcher, et mettre le pouce en l’air pour montrer qu’il était OK. La vitesse à laquelle il s’est relevé et a rassuré tous les gens qui étaient là nous a d’ailleurs bluffé ».

Puis on arrive au Grand Prix de Malaisie, avec, comme l’an dernier, un podium à la clé…

« Et une pole position, même si certains diront qu’il n’a fait que le 2e temps. Un podium, qui est le premier depuis Jerez. Et là, cela faisait longtemps qu’on l’attendait, et lui peut-être encore plus que nous. On re-duplique ce qu’on avait fait l’année dernière, puisque l’année dernière il fait le 2e temps derrière Pedrosa et 3e en course derrière les 2 Ducati sous la pluie. Au niveau météo, c’était le contraire : l’année dernière, la qualification a été sur le sec et la course sous la pluie. Là, on a fait la qualification sur une piste humide et la course sur le sec. On est très heureux. Je pense que cette tournée outre-mer a été géniale. Elle a été géniale par les résultats, parce que Thaïlande belle course, Japon belle course malgré tout, Australie on n’en a parlé, et superbe résultat en Malaisie : back on the podium ! Mais là aussi été géniale par l’ambiance, parce Johann, même s’il a eu des moments d’énervement pendant le milieu de saison, là on l’a retrouvé beaucoup plus serein, beaucoup plus drôle comme on l’a connu en 2017. Avec beaucoup plus d’empathie et d’implication avec son équipe technique, notamment Guy (Coulon) et Alex (Merhand). On l’a vu beaucoup bien parler de Guy et d’Alex, et même de Ben son technicien suspensions Öhlins, dans ses communiqués de presse. Et on a passé des bons moments ! En Australie, on dort dans des bungalows, et Johann était dans celui de Guy, Fido (Jérôme Poncharal), Steve (Blackburn) et Gérard (Vallée), donc on va dire le bungalow des vieux, entre guillemets. Le soir, il dînait avec eux et regardait les séances sur son ordi, il discutait beaucoup et avait en tout cas une proximité qui nous a fait plaisir. Et c’est vrai que dans ces Grands Prix outre-mer, notamment en Australie, on retrouve l’essence de ce qu’est une équipe. Tu n’as plus les hôtels, les médias, les machins, et on est tous ensemble le soir. Il est venu faire un barbecue dans mon bungalow le jeudi soir, où il y avait d’ailleurs Miguel Oliveira, Hafizh Syahrin, Remy Gardner, etc., qui étaient là aussi. Ça fait plaisir, car on est alors vraiment la journée et la soirée tous ensemble, en osmose et en immersion, plus que lors des courses en Europe. Donc de bons moments, que ce soit pour les résultats ou pour les relations humaines, avant que chacun se sépare ».

A suivre…

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