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Les courses marquantes sont communes en Grands Prix motos. Très spectaculaire par essence, notre sport se démarque par sa célébration du courage. Heureusement, les manches du mondial sont aujourd’hui moins dangereuses que par le passé mais pour en arriver à un environnement plus sûr, des électrochocs ont été nécessaires. Parfois, ils impliquaient un drame. Aujourd’hui, nous allons revenir sur une histoire totalement inconnue, mais ô combien importante pour l’histoire de notre discipline favorite. Retour en 1973, année noire. Attention : Cette rétrospective traitera du décès de plusieurs personnes. Si vous êtes sensibles à ce sujet, nous vous invitons à lire un autre article, et pourquoi pas celui paru hier sur le Grand Prix d’Inde.

Depuis la création du championnat du monde en 1949, les sports motos sont considérés comme parmi les plus dangereux sur terre. La comparaison avec la Formule 1, lancée en 1950, ne tient même pas la route. Parfois, on observe deux, voire trois morts par weekend tant les grilles sont remplies et les catégories nombreuses. La fin des années 1960 et le début des années 1970 représente une période particulièrement sombre, sur deux comme quatre roues, car la sécurité n’évolue pas aussi vite que les machines.

L’année 1973 est sans doute la pire de toutes. Tout d’abord en Formule 1, avec la disparition de Roger Williamson à Zandvoort dans des conditions atroces, puis de François Cevert, idole des français, à Watkins Glen plus tard dans la saison. Étrangement, la moto semble « épargnée » pour une bonne partie de l’année. Mais le 20 mai, le pire se produit du côté de Monza. Nous sommes revenus en longueur sur ce macabre épisode dans deux rétrospectives qui concernaient les victimes, à savoir Jarno Saarinen et Renzo Pasolini. Dès lors, le sport moto prend un coup, notamment en Italie. Si ce fait majeur est assez documenté, l’événement qui suit l’est beaucoup moins. Alors que la saison bat son plein, d’autres courses sont organisées partout en Europe, mais qui ne comptent pas pour le championnat. C’est le cas du prix de Loka.

 

La petite bourgade de Škofja Loka, en Slovénie. Photo : Doremo


Il s’agit d’une course organisée à Škofja Loka, en Slovénie, alors état Yougoslave. Située dans le Nord-Ouest du pays, la ville est paisible, trônant au milieu des Alpes juliennes qui constituent la région. Depuis 1962, des pilotes répartis en six classes se disputent la victoire sur un tracé routier long de 4,5 km. La majorité des participants est moins connue, mais l’on note tout de même la victoire de Hans-Georg Anscheidt (triple champion du monde 50cc) en 1965 dans sa catégorie de prédilection.

Le sport moto est assez populaire en Yougoslavie, et pas moins de 30 000 spectateurs se déplacent pour le Nagrada Loke. Le 27 mai, soit sept jours après la tragédie de Monza, une centaine de coureurs se rassemble pour y prendre le départ. La course des 50cc se déroule sans anicroche, et Herbert Rittberger y remporte la victoire sur Kreidler. La classe 250cc est arrachée par le Suisse Gyula Marsovszky, vice-champion du monde 500cc 1969. Jusqu’ici, tout va bien.

Au beau milieu de la course des 350cc, on annonça un grave accident du côté de Stari Dvor, un passage a priori sans danger. Rapidement, on se rendit sur les lieux pour constater l’ampleur des dégâts. L’Italien Emanuele Maugliani a perdu le contrôle de sa Yamaha TZ 350 à cause d’un problème sur sa roue avant. Il quitta le circuit à très haute vitesse. En sortant de la piste, sa moto toucha des spectateurs. Le pilote fut tué sur le coup, tout comme deux fans, simplement séparés de la route par une corde. Nous allons les nommer afin de leur rendre hommage ; il s’agissait de Marko Peternel, sept ans, et Maria Kastelic, 78 ans.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, la course n’est pas arrêtée tout de suite. Il fallut attendre le 12e tour pour apercevoir le drapeau rouge, afin que les ambulances puissent emprunter le circuit pour se rendre au plus vite à l’hôpital le plus proche, à Ljubljana. Malheureusement, sur le chemin, la petite sœur de Marko, Mojca, quatre ans, décéda à son tour. La dernière victime de cette terrible sortie de route fut un Bosnien du nom d’Esad Alešević, 21 ans. Une dizaine d’autres fut blessé, mais heureusement, survécu. Une cinquième victime est parfois mentionnée, mais aucune source ne permet de confirmer ce fait.

Il s’agit du pire accident de l’histoire de la moto à cette époque, au moins depuis la Première Guerre mondiale. C’en était fini du prix de Loka, sans surprise. Toutes les autres courses de la journée sont annulées, et plus jamais les pilotes ne posèrent leurs roues sur ce circuit maudit. La presse européenne s’indigna, notamment en Italie où le pays avait connu la disparition de deux pilotes une semaine seulement auparavant.

Le Continental Circus est profondément chamboulé par ces deux drames. Yamaha s’était déjà retiré du mondial après la disparition de son pilote Saarinen. Les plus concernés sont les constructeurs italiens, Harley-Davidson (qui se retire totalement du mondial) et les pilotes eux-mêmes, d’autant plus que le prochain rendez-vous n’est autre… que le Tourist Trophy de l’île de Man. D’ailleurs, Jack Findlay est le seul top-pilote au départ. Puis, ironiquement, vient le Grand Prix de Yougoslavie, couru à Opatija. L’équipe MV Agusta est très méfiante, si bien que Giacomo Agostini et Phil Read sont contraints de courir sous leur propre responsabilité. Lors des premiers essais 350cc, le Britannique heurte une pierre, sans gravité heureusement. Dès lors, et devant le potentiel danger que représente le circuit, MV plie bagage.

 

Une ville sympathique, dans un pays magnifique comme la Slovénie, un mélange d’Autriche et de Yougoslavie.


Si le mondial retrouva son ambiance habituelle quelques temps plus tard, les mentalités changèrent. Les circuits trop dangereux furent pointés du doigt, et nul doute que le prix de Loka 1973, pourtant oublié de l’histoire, joua son rôle aux côtés du drame de Monza dans cette sensibilisation. Bien sûr, cela ne stoppa pas tout de suite l’hémorragie (qui se prolongea jusque dans les années 1980 pour la moto). Rien qu’en cette année 1973, on perdit encore Kim Newcome à Silverstone, alors deuxième du mondial 500cc. Citons encore Calvin Rayborn, André-Luc Appietto, Oscar Pastro, Carlo Chionio, Renzo Colombini, Renato Galtrucco, Francisco Cufi et František Srna pour n’oublier aucun de ces héros. Il est important de se souvenir d’eux, et de ne pas fermer les yeux sur un passé qui nous concerne tous.

Aviez-vous déjà entendu parler de cette histoire ? Dites-le nous en commentaires !

Photo de couverture : Celle-ci n’a été choisie que pour l’illustration : rassurez-vous, Theo Timmer, ici en préparation lors du TT Assen 1973, va bien ! Le Néerlandais, spécialiste des 50cc, a même été vice-champion du monde de la discipline en 1981.