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En retournant cette année à Misano, au cœur de cette région véritablement historique pour la moto, nous nous rendrons bien entendu à nouveau sur les lieux de l’accident de Nicky Hayden pour voir si le mémorial minimaliste a commencé à faire place au parc évoqué.

Nous ne pourrons également manquer de voir les divers monuments à l’effigie de Marco Simoncelli ni de nous rendre à Tavullia pour la soirée VR 46.

Mais, logeant chaque année à Riccione, dans la continuité de Misano Adriatico, nous ne pouvons oublier que Angelo Bergamonti y a perdu la vie le 4 avril 1971, dans une course contre Giacomo Agostini rendue dantesque par une forte pluie.

« Hé les gars, vous n’avez rien de mieux à faire que de passer des heures sur un sujet comme ça ? »

Désolé cher lecteur, on ne se refait pas : quand on va à Valence, on visite le circuit abandonné de Sitges, quand on va à Barcelone, on visite l’usine Derbi abandonnée, et à force de déambuler dans les rues de Riccione, on a envie de savoir où était précisément le circuit, ce que visiblement plus personne ne sait, même en Italie, et ce qui s’y est véritablement passé.

Ce dernier point est d’ailleurs sans doute le moins difficile à élucider.

Comme décrit dans notre sujet précédent, des épreuves sont organisées dès l’après-guerre tout au long de la côte adriatique, région qui allie à la fois un bord de mer quasi infini ainsi qu’une population abondante et passionnée.

La première course a lieu à Tortoreto mais les suivantes se regroupent en Emilie-Romagne, à Cervia (Milano Marittima), Lugo, Cesenatico, Rimini, Riccione et Cattolica, voire Pesaro. On les regroupera sous le nom générique de Mototemporada Romagnola.

Les “circuits” sont urbains et, front de mer oblige, se limitent le plus souvent à quelques bottes de paille disséminées dans les virages à angle droit qui relient une poignée de rues rectilignes.

Les courses seront peu à peu regroupées officiellement dans le championnat italien en 1962, mais 1960 marque déjà un changement majeur avec l’ouverture de la Mototemporada Romagnola aux pilotes étrangers.
Dès lors, comme les courses se déroulent en début de saison, de nombreux pilotes internationaux viennent en effet « s’entraîner » en touchant une prime, et mettre au point leurs motos, officielles ou pas, dans ces courses locales.

Parmi eux, rien de moins que des noms comme Hailwood, Read, Duff, Herrero, Redman, Ivy, Simmonds, Findlay, Carruthers ou Andersson, sont venus se mêler aux Italiens, dont les plus célèbres ont été Agostini, Pasolini, Provini, Pagani, Bergamonti, Spaggiari, Parlotti, Grassetti, Villa ou Buscherini : bref, du beau monde !


 Jim Redman, Honda 250cc, Riccione 31 mars 1963 – Mototemporada Romagnola.

En 1971, ancien pilote Morini, Paton, Benelli et Aermacchi, Angelo Bergamonti est officiel MV Agusta, à coté de Giacomo Agostini. Les 2 hommes courent sur des 3 cylindres, en 350cc et 500cc. Le nouveau chouchou des italiens, Bergamonti, remporte la course 350cc à Modène et, pour la première fois, bat son illustre coéquipier en 500cc à Rimini avant de se présenter à Riccione pour une course de la Mototemporada programmée le 28 mars sur le circuit urbain baptisé “Perla Verde” (la perle verte).

Hélas, un fort vent et une grosse pluie sont au rendez-vous, et Amedo Ronci, mécène et président du Moto Club de Riccione, décide sagement de reporter la course internationale à la semaine suivante, ce qui n’était jamais arrivé auparavant.

Après quelques journées ensoleillées, les pilotes sont donc à nouveau réunis sur le front de mer, mais la météo est encore pire que la semaine précédente. La pluie redouble au départ de la course des 350 cc lors de laquelle Giacomo  Agostini prend la tête. L’asphalte est véritablement inondé, avec , comme le montre la vidéo, d’énormes flaques stagnantes propices à l’aquaplaning.

Angelo Bergamonti part prudemment au guidon de sa MV Agusta #6,  puis se lance dans une poursuite frénétique. Au septième tour, l’homme de Gussola trouve Ago encore éloigné mais dans sa ligne de mire. Celui que les Tifosi surnomment « Berga » éaccélère encore mais une flaque le trahit en pleine ligne droite. Après sa chute, certains diront que sa moto l’a heurté, d’autres que c’est le trottoir. Peu importe. Le malheureux pilote de 32 ans décédera dans la soirée à l’hôpital Bellaria de Bologne où il avait été transféré de celui de Riccione au vu de sa condition désespérée.

Pour autant, la course n’a même pas été arrêtée (celle des 500cc a été annulée) et a déclenché une véritable chasse aux sorcières, avec enquêtes et accusations de toutes sortes, poursuites des organisateurs, etc., qui aboutiront par le biais d’une commission interministérielle à l’arrêt des courses sur les circuits urbains en Italie, abrogeant ainsi la circulaire du ministère du tourisme du 30 juin 1962.

Une époque était désormais révolue, celle où la compétition était dans la rue, avec ses motos hurlantes et ses pilotes de cuir noir vêtus que l’on pouvait presque toucher quand ils passaient derrière les bottes de paille…

Le circuit de Misano que l’on connaît aujourd’hui n’avait toutefois pas attendu cette tragédie pour être planifié puisqu’il a été dessiné en 1969 et mis en chantier à partir de 1970, sous le nom de «Circuito Internazionale Santa Monica» (nommé ainsi jusqu’en 2006). Il sera inauguré le 4 août 1972 à Misano-Adriatico, et possédait un tracé alors très similaire à ce que l’on retrouve encore de nos jours.

Le circuit de Riccione :

Dans cette région également fortement marquée par les colonies de vacances mussoliniennes, il n’y a quasiment aucune information sur le tracé du circuit de Riccione, si ce n’est qu’il était situé directement en front de mer, entre la place San Martino et le canal, en passant par la place Roma.

Les deux lignes droites se côtoyaient sur une bonne partie du tracé, simplement séparées par un terre-plein central alors qu’aujourd’hui cette zone a été réaménagée en promenade pour les piétons.

En l’étudiant attentivement, la vidéo nous est toutefois très utile puisqu’elle permet d’identifier certains hôtels encore présents aujourd’hui.

Ainsi, on y reconnaît l’hôtel Abner au premier plan dans la ligne droite…

… et le marchand de glace Nuovo Fiore.

Certains plans de caméra montrent également que l’on faisait une grande chicane sur la place Roma (anciennement place de la mer) avant de continuer vers le canal.

Un S laisse aussi également supposer que le l’on faisait le tour de pâté de maisons avant de revenir sur la grande ligne droite par le glacier Fiore.  On le voit sur cette photo de l’édition 1970.

Malgré tous nos efforts, nous n’avons rien trouvé sur l’autre extrémité du circuit, place San Martino, ce qui donnera sans doute un but supplémentaire à notre déplacement à Misano…

Voici donc notre hypothèse actuelle.

Sources : Massimo Falcioni, Youtube, Riccione Sparita, Pinterest, Google Street View, Via Michelin, etc.