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Récemment, Ramón Forcada, le chef mécanicien de Franco Morbidelli, a expliqué comment il avait réussi à faire quasiment toute l’intégralité de la saison MotoGP 2020 avec seulement deux moteurs (voir l’article ici).

Des propos de l’Espagnol, on comprend que cet exploit qualifié par Lin Jarvis lui-même de « vraiment extraordinaire ! » a été rendu possible principalement grâce à des vidanges plus fréquentes, mais surtout à une utilisation particulièrement poussée du Soft Limiter.

Késako ? Nous allons essayer de vous l’expliquer de la façon la plus simple possible…

Comme certaines motos de séries actuelles, les MotoGP possèdent deux sortes de limiteurs de régime maximum, le Hard Limiter et le Soft Limiter.

Le Hard Limiter, c’est ce qui correspond au bon vieux « rupteur » qui, à régime donné, disons 18 000 tr/mn pour les Yamaha, coupe tout l’allumage. Il en résulte deux conséquences plutôt négatives : d’une part le moteur, qui se voit subitement privé d’allumage, reçoit une sorte de « choc », et d’autre part malgré la coupure nette d’allumage, le moteur continue à prendre quelques centaines de tours/minute sur son inertie. Quand le régime revient sous les 18 000 tr/mn, l’allumage se remet d’un coup en route, donc « re-choc » puis le processus recommence, etc.

On est alors par définition dans des zones limites pour le moteur et on comprend bien que ces coupures brusques ne sont pas excellentes au moment où on cherche à maximiser la longévité du moteur…

C’est donc là qu’intervient le Soft Limiter, une stratégie électronique incluse dans l’ECU qui, contrairement aux motos de série, est totalement paramétrable dans le boîtier Magneti Marelli.

Si le Hard Limiter est fixé à 18 000 tr/mn, le Soft Limiter va par exemple commencer à dégrader l’allumage en jouant sur l’avance à partir de 17 500 tr/mn. Puis il va renforcer son action à 17 600 tr/mn et ainsi de suite jusqu’à 17 900 tr/mn.

Concrètement, le pilote va sentir un moteur de moins en moins puissant, un peu comme s’il régulait et prenait son régime de moins en moins vite, avant même que le Hard Limiter intervienne pour couper l’allumage.

Les conséquences bénéfiques pour la longévité du moteur sont au nombre de trois :
– Quand le Hard Limiter intervient (s’il intervient), le « choc » sera moins violent,
– Quand le Hard Limiter intervient (s’il intervient), le moteur prendra moins de tours supplémentaires car son inertie sera moins grande,
– Dans la plupart des cas, le pilote sent parfaitement cette zone de « régulation » et change de vitesse avant même l’intervention du Hard Limiter.

On le voit, c’est un travail tout en finesse que de bien régler le Soft Limiter pour prolonger la vie des moteurs en nuisant le moins possible aux performances. Un travail de forçat également, puisque cela doit être adapté pour chaque vitesse en fonction du tracé et de la démultiplication !

Bravo donc à Ramón Forcada qui a su le mener à bien, même si on ne pourra s’empêcher de remarquer que le technicien espagnol joue quand même un peu sur les mots en annonçant que le régime maximum n’a pas été modifié : il parle alors du Hard Limiter, certes peut-être inchangé… Alors qu’il a tout fait pour ne pas le déclencher (et donc réduit de fait le régime maximum utilisé).

Quoi qu’il en soit, le moteur Yamaha a ensuite fait preuve d’une belle fiabilité, ce qui servira sans nul doute pour les saisons à venir !