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Attaquer Kawasaki en Superbike et Supersport, c’était comme tenter de gravir l’Everest en tee-shirt et en baskets. Pas impossible, mais avec peu de chance de réussir. Cela ne rebuta pas Éric qui tel Don Quichotte monta sur son fidèle destrier et pourfendit l’adversaire : sur sa R1, Michael van der Mark, qui n’avait jamais remporté une course de WSBK en 88 départs, réalisa le doublé cette année à Donington, avant que son coéquipier Alex Lowes ne gagnât sa première course dans la catégorie à Brno pour son 117e départ. A cela s’ajoutait les titres mondiaux obtenus par Lucas Mahias et Sandro Cortese en Supersport sur leurs R6 en 2017 et 2018, assorties du titre constructeur. C’était la fin d’une série de 12 titres (pilotes + constructeurs) pour Kawa depuis 2015 en SSP et WSBK. Éric de Seynes est le Président, Chief Executive Officer de Yamaha Motor Europe, et également Executive Officer de Yamaha Motor Co., Ltd. Comment a-t-il rehissé Yamaha au sommet ? C’est ce qu’il nous explique ici.

La domination de la catégorie Supersport avec la R6 (4 titres mondiaux en 2017 et 2018) a-t-elle été difficile à obtenir ?

« Gagner en compétition, et particulièrement sur un Championnat du Monde n’est jamais aisé. Ce niveau de la compétition moto doit se respecter, et c’est pour cela qu’il faut mettre tous les atouts de son côté. Même si nous sommes un constructeur, nous avons des budgets financiers qui sont raisonnables, et pas illimités. Je suis d’ailleurs extrêmement vigilant pour qu’ils le demeurent, car c’est la meilleure façon de les préserver et de faire en sorte que notre engagement en compétition demeure sur le long terme.

« J’aime la course et je crois profondément en ses valeurs. Je ne connais pas un meilleur territoire pour démontrer les performances des motos que nous vendons à nos clients, mais surtout pour nous dépasser, partager et développer nos valeurs humaines uniques autour de la passion moto et de la recherche de la performance.

« Pour revenir à ta question, les titres 2017 et 2018 n’ont pas été si difficiles à aller chercher et cela pour trois raisons : Tout d’abord la YZFR6 est sûrement la meilleure moto du plateau, d’origine elle permet déjà des performances formidables. Ce n’est pas un hasard si elle a toujours été la moto d’entrainement de Johann Zarco lorsqu’il courait en Moto2 et si elle est restée une référence sur les grilles des championnats nationaux 600 depuis son introduction il y a maintenant 20 ans ! Lorsque le nouveau modèle est sorti en 2017, il était pour moi évident que nous devions retourner en mondial 600 Supersport.

« Ensuite les pilotes, depuis 2014 j’étais proche de Lucas Mahias auquel j’ai toujours cru. Je lui ai proposé pour la saison 2016 un guidon officiel en Superstock 1000 mondial qu’il a refusé, préférant rester en 600 dans un team privé. Cela s’est mal passé, et nous nous sommes mis d’accord avec Christophe Guyot pour qu’il rejoigne le GMT94 et puisse remporter son premier titre mondial en endurance en 2016. En parallèle, il a effectué quelques piges en STK1000 avec succès ! Dès lors, je l’avais en tête de ma liste pour mener notre retour en 600 WSS. Le choix de Federico Caricasulo s’est aussi imposé par sa jeunesse et son talent.

« Enfin, s’est fait le choix du team GRT. Nous connaissions son propriétaire Filippo Conti, qui est un homme passionné et de parole. Il avait réalisé de belles choses avec MV Agusta et était ouvert à changer de marque, nous nous sommes vite mis d’accord et avons beaucoup travaillé. La base de la moto était excellente, mais nous avons dû réapprendre les subtilités de la préparation moteur et de l’électronique. « Enfin, lorsque l’on revient sur un Championnat du Monde avec une nouvelle moto, il faut réapprendre les réglages de base de la machine adaptés à chaque configuration de circuits, ce que vos concurrents connaissent déjà. Cela met une pression très importante sur les essais, qui sont du coup, toujours trop courts ! La saison a donc été intense, ponctuées de très beaux moments humains comme sportifs, et parfaitement clôturée avec les titres constructeurs et pilotes en 2017 comme en 2018 ! »

Plutôt qu’un seul team officiel, comme ce fut le cas par le passé, Yamaha soutient actuellement deux équipes en Superbike comme en Supersport. Pourquoi ce choix ?

« Ce choix remonte à l’essence même de notre engagement en Championnat du Monde Superbike. Pour moi, ce championnat représente une formidable opportunité sportive pour les pilotes et les teams qui n’ont pas les moyens financiers de s’attaquer à la pyramide du MotoGP. Ils peuvent y trouver un terrain de démonstration de leur talent qui peut leur permettre d’accéder un jour au MotoGP comme Mick Doohan (vainqueur sur Yamaha en Championnat du Monde Superbike en 1988, avant de passer ensuite en GP 500), Colin Edwards, Ben Spies, Cal Crutchlow ou Loris Baz encore récemment.

« Enfin pour un constructeur ce championnat permet de démontrer les vraies qualités sportives et de performances de ses modèles et en ce qui concerne Yamaha, cela correspond bien à notre ADN. Les YZFR3, R6 et R1 d’aujourd’hui sont les TA125 et TZ 250/350 ou 750 d’il y a quarante ans.

« En fait c’est vraiment le Championnat du Monde MotoGP qui a évolué et s’est rapproché, dans sa philosophie, de la F1 automobile, mettant sur la piste des prototypes uniques, extrêmement coûteux et complexes à mettre en œuvre. C’est bien pour représenter la vitrine ultime de notre technologie, mais cet élitisme me dérange pour la bonne santé de notre sport. Nous devons veiller à conserver des Championnats du Monde qui gardent une certaine accessibilité, avec des budgets encore gérables et qui ne réservent pas l’accès à la victoire à ceux qui ont le plus de moyens financiers.

« Pour moi, comme pour Dorna, c’est tout le sens de la pyramide des championnats Supersport 300, 600 et Superbike 1000, et c’est pour cette raison que je n’ai pas souhaité recréer un ou des teams « Factory ». Quel est le sens d’aller débaucher les meilleurs électroniciens, chefs mécaniciens, préparateurs de teams privés, d’investir dans des semis et hospitalités alors qu’ils existent dans des structures privées déjà professionnelles ? Pourquoi un constructeur devrait-il venir déstabiliser ce que certains teams ont mis des années à bâtir, par passion et par engagement ? Je ne souhaite pas que Yamaha entre en compétition directe avec les teams qui font confiance à nos machines, à notre marque. C’est pour cela que notre retour en SBK s’est fait en totale association avec des teams privés que nous avons choisis : Crescent en 1000 et GRT en 600, mais aussi en STK1000 et en Supersport 300 où notre programme BluCru est venu appuyer de nombreux teams.  

« Si je regarde les résultats sportifs des deux dernières saisons, nous pouvons être satisfaits des résultats comme de l’esprit dans lequel nous les avons obtenus : 3 titres de Champions du Monde constructeurs et pilotes sur 4 en 300, les 4 titres possibles en 600 et 3 fois sur le podium des classements généraux pilotes et constructeurs en SBK.

« Pour la saison qui vient, nous aurons des « Supported Teams » en 300, afin de suivre au mieux nos jeunes pilotes BluCru dont les jeunes Français Andy Verdoia, Hugo de Cancellis ou encore Romain Doré. En 600, les teams supports de pointe seront sûrement le GMT94, avec Jules Cluzel et Corentin Perolari, ou encore le team Kallio qui a remporté le titre avec Sandro Cortese cette année. Enfin, nous aurons en SBK 1000 deux teams avec Crescent et GRT. Nos quatre pilotes : Michael Van der Mark, Alex Lowes, Marco Melandri et Sandro Cortese ont beaucoup de potentiels et je suis très heureux de rester fidèle à Michael et Alex qui nous ont apporté nos premières victoires cette année et aussi d’avoir pu faire monter Sandro Cortese en SBK, ce qui représente pour moi une vraie responsabilité.

« Il est important que le Champion du Monde 600 soit soutenu pour accéder à la catégorie supérieure. C’est ce qui se passe en Moto2 et MotoGP chaque année, et je souhaite que Yamaha participe à cet effort en Supersport 600 et SBK 1000. J’avais proposé à Lucas de pouvoir bénéficier de cette possibilité pour cette saison 2019 mais il a préféré rester en 600 et je respecte son choix, même si je le regrette. »

Que pense Eric de ses adversaires en Superbike et Supersport, de Yamaha en MotoGP, et de Johann Zarco ? Vous le saurez demain sur notre site en lisant la deuxième partie de son interview !

Photos © Yamaha

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