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Avant le Grand Prix de France, nous avons eu le privilège de pouvoir interroger Eric de Seynes, l’atypique patron de Yamaha Motor Europe qui n’hésite pas à troquer son costume pour un cuir, afin de faire le point sur nos deux pilotes français en MotoGP, mais également sur le gros effort consenti par Yamaha au bénéfice de la compétition à travers son important programme bLU cRU.

Comme toujours, son éclairage est particulièrement intéressant et nous l’en remercions grandement.

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Quittons maintenant le monde du MotoGP pour nous rendre en Superbike où l’on constate un effort considérable de Yamaha avec son programme bLU cRU : On reçoit sans cesse des communiqués de presse concernant des teams bLU cRU, des pilotes bLU cRU , des stages bLU cRU y compris chez Valentino Rossi avec Andy Verdoïa, etc.
Pouvez-vous nous expliquer ce qui se cache réellement derrière ce label ?

Éric de Seynes : « ça répond vraiment à une volonté de marque qui est plus large que ça. Cela veut dire que dans la question, il y a 3 choses : La première c’est que Yamaha a vocation, en tant que constructeur généraliste, à participer à la promotion et au sport moto. Donc pour moi, c’est très important que nous restions acteurs et qu’on arrive à accueillir des jeunes pilotes ou des pilotes qui découvrent le sport moto, et qui ne se fassent pas piéger bêtement, soit par des teams managers plus ou moins honnêtes, soit par des motos qui sont des pièges. Et c’est facile de tomber dans ces travers là ! »

« Donc bLU cRU est une manière d’aider les pilotes à pouvoir avoir accès à un package qui soit compétitif dans un coût maîtrisé, et avec une relative intégrité bien contrôlée, puisqu’il faut toujours être prudent en sport mécanique, qui permet tout de même d’identifier des talents. Ça, on le fait en motocross avec des YZ 125, et on le fait en vitesse. Et je considère que c’est un engagement de la marque vis-à-vis du sport moto dans son ensemble, parce que l’accès n’y est pas simple. On vient d’annoncer l’ouverture d’une Coupe en YXZ avec des SSV, donc on essaie vraiment dans les bases de pyramide de nos différentes disciplines sportives d’avoir cette démarche d’accueil et d’accompagnement des jeunes pilotes et des nouveaux pilotes pour qu’ils ne soient pas piégés bêtement ».

« J’ai eu une écoute très positive, parce que en fait, j’ai commencé par la France il y a 7 ou 8 ans avec Jacques Bolle en relançant la coupe 125 puis la coupe R3. Puis on a lancé ce label bLU cRU au niveau mondial, qui est donc devenu un label légitime de soutien de toutes ces formules de marques qu’on a développées, en Italie, en Espagne, en Angleterre, et c’est maintenant tout à fait un programme européen comme l’étaient en partie la Coupe RDLC durant certaines années où le Challenge Europa avec Kawasaki dans les années 70. Je suis donc resté un fidèle qui considère que j’ai un engagement moral en tant que marque, et je ne peux pas vouloir être numéro 1 du marché dans certains pays et ne pas investir pour pouvoir assurer la promotion du sport moto dans son ensemble ! Donc ça, c’est bLU cRU ».

« Et ce qui est intéressant, c’est d’aider nos pilotes, car maintenant le niveau est plus élevé. Ce que je souhaite, c’est donc que les pilotes puissent acquérir des données en terme de communication, de présentation, de compréhension des teams, parce que aujourd’hui être pilote, c’est être talentueux sur la piste, mais c’est aussi comprendre ce que l’on a autour de soi, parce qu’il y a des gens qui investissent de l’argent et il faut le comprendre. C’est donc un package complet, y compris avec le Motoranch de Valentino Rossi et le stage que l’on y fait pour les pilotes, ou le stage que l’on va organiser en France sur le circuit de ZF Grand Prix où on va avoir près de 30 pilotes qui seront présents. On essaye donc vraiment d’accompagner ça en étant au plus près de la base possible ».

« Après, ça permet aussi d’avoir une responsabilité de détection des talents, et moi, Andy Verdoïa, c’est un garçon que j’ai repéré il y a 5 ans grâce à Christian Sarron qui l’avait remarqué au Castelet où il roulait sur un 80 et où il faisait l’extérieur à tout le monde. Depuis ce jour là, je ne l’ai pas oublié. Je l’ai croisé 2 ou 3 fois lors des présentations de presse de la fédération et j’ai été en contact avec ses parents. Et il y a un an, j’ai vu ses parents abattus car ils avaient perdu beaucoup d’argent en Espagne avec des teams bizarres, et je leur ai dit  » faites-moi confiance, on va essayer de construire quelque chose pour Andy, et on va se concentrer sur des wildcards » ».
« Je suis alors intervenu auprès de mes filiales anglaises, italiennes et portugaises pour demander des wildcards pour Andy Verdoïa sur les différentes courses Superbike. Il y a eu des courses où cela n’était pas possible car cela privilégiait évidemment les pilotes nationaux, mais j’ai réussi à lui trouver 3 wildcards dans la saison et on avait fait avec le YART une espèce de petit deal qui a quand même permis à Andy devenir rouler sur 3 courses du championnat 300. Et à chaque fois, il ne s’est pas raté car si la moto était ce qu’elle était, ce n’était pas une lumière du plateau, il s’est toujours qualifié dans les 10 ou 15 et a toujours marqué des points et montré qu’il était là. Donc à partir de là, j’ai demandé à ce qu’on l’intègre systématiquement dans la sélection bLU cRU. Pour la sélection bLU cRU, on prend les vainqueurs de tous les trophées nationaux Yamaha, donc on a une vingtaine de pilotes qui viennent, et ils passent 3 jours à faire des chronos, à recevoir une formation, etc. À l’issue de ces 3 jours, il se trouve qu’il a pu être sélectionné pour être pilote bLU cRU pour la saison et a pu intégrer un de nos teams, entre guillemets bLU cRU, qui sont des teams récurrents dans le championnat 300, qui connaissent la moto et qui ont des bases de réglages. Donc je suis Andy de très près, pour vraiment lui donner les meilleures chances possibles et qu’il arrive à pouvoir montrer tout son talent et s’épanouir. Ça, c’est pour Andy ».

« Après, j’ai eu la démarche vis-à-vis de la Dorna qui étais de leur dire que je partais du principe que le Superbike avait eu ses lettres de noblesse et qu’il fallait lui redonner ses lettres de noblesse sans chercher à plagier le MotoGP. Donc qu’il ne fallait pas compter sur moi pour développer des teams Factory, mais qu’il fallait compter sur moi pour aider les teams à rouler en Yamaha. Ma démarche a donc été claire et par exemple, en 600, on a eu un team support qui était le team GRT pour aller chercher le titre. Dès l’instant où le titre a été obtenu avec Lucas Mahias, j’ai dit  » à partir de maintenant, on se donne un an, mais on se retire en tant que team officiel parce qu’on a un package qui est au point et que mon objectif est de pouvoir servir le plus de teams privés possible pour qu’ils puissent aller chercher la victoire avec la Yamaha R6 comme meilleur choix possible « . Et ça a plutôt bien fonctionné puisque aujourd’hui, on va dire qu’une grande partie des teams de pointe font confiance à la R6. Et le budget que je mettais dans un team Factory, je ne l’ai pas économisé : je l’ai mis en dotation pour que les teams privés puissent avoir  » tu gagnes, tu prends ! « . Et ça me paraît très logique sportivement, ce qui fait que cela permet maintenant d’avoir un certain nombre de motos de teams que l’on arrive à suivre correctement, et que l’on fournit correctement en terme de renseignements techniques et de développement, et qui en plus touchent de l’argent quand ils font des résultats, ce qui est normal. On vient pour récompenser la performance, et pas un team parmi d’autres qui serait le choix du roi ! ».

« On a donc fait ça en 300, on a fait ça en 600, et en 1000, après les résultats que l’on a fait l’an passé, on était podium, on était maintenant à maturité pour pouvoir proposer un package compétitif pour les teams privés. C’est pour ça que le GRT est passé en 1000. C’est un team satellite, mais même le team Crescent est pour nous un team de référence sans être un team Factory : C’est un team privé sur lequel on fournit des motos et on fait le développement, et aujourd’hui Ten Kate vient nous rejoindre et a le même package ».

« Je suis donc, entre guillemets, en train de réussir mon pari qui était de regonfler la grille de départ, parce que pour moi en MotoGP je peux comprendre qu’il y ait 24 motos sur la grille, mais je rêve d’une grille à 36 motos en Superbike ! Et s’il y a 18 Yamaha, ce sera parfait ! Donc j’essaye vraiment de faire en sorte qu’on ait le meilleur package technique et sportif pour les teams privés, et que là encore  » tu gagnes, tu prends ! « . Et c’est très bien comme ça ».

« Et la deuxième chose que j’ai vraiment essayée de faire, c’est que je voulais redonner du crédit aux titres. C’est pour ça que quand Alfonso Coppola a gagné son titre la première année, on l’a fait monter en 600. Le meilleur pilote bLU cRU en 300, on le fait passer en 600, et cette année, pour l’un de nos teams satellites qui est le GRT, j’avais le plan de prendre Lucas Mahias et le champion du monde 2018, parce que pour moi, il faut que les constructeurs assument que quand on est pilote en 600, on doit passer en 1000. Je ne vois pas pourquoi un pilote Moto2 a toujours une proposition pour passer en MotoGP, et si on veut donner du crédit à la hiérarchie sportive du Superbike, il faut le faire. Et c’est pour ça que mon team support devait au départ faire rouler Lucas Mahias et Sandro Cortese. Il se trouve que Lucas a préféré faire un autre choix et c’est finalement comme ça que Melandri est venu épauler Sandro Cortese pour sa première saison, et avoir un pilote d’expérience à côté de lui. Mais au départ, c’était la moto de Lucas, et Lucas le savait très bien ! Après, il a eu un élan qui l’a emmené sur une autre voie et je le respecte, même si j’ai été un peu déçu parce que tout ce que j’ai essayé de faire pour avoir ce 2e team, c’était vraiment pour lui. Pour moi, on avait passé un pacte où je m’étais engagé à ce qu’il refasse une saison en 600 mais je pouvais ensuite lui garantir un guidon en 1000. Mais je respecte toujours le choix du pilote, que ce soit Johann ou Lucas, parce que au final, ce sont eux qui vont au charbon et risquent leur vie sur la moto. Donc OK, je respecte. Maintenant, il faut aussi regarder sur la durée de la carrière l’intégrité des choix que les marques peuvent vous proposer et faire attention à ne pas trop cramer de jokers quand même, parce que ce n’est pas si simple que ça ».

« Donc aujourd’hui, la démarche en Supersport est vraiment celle-là et s’il y a d’autres teams qui veulent des Yamaha pour rouler en Superbike, on essaiera de faire l’effort pour être capable de les livrer, car je voudrais avoir un championnat qui se distingue plus du MotoGP, et notre approche dépasse celles de Ducati ou Kawasaki qui sont plus dans une approche de teams Factory purs et durs. Nous, on essaie de rester dans une approche plus ouverte ».

 

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