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Pour espérer obtenir le titre suprême, Ducati se doit d’utiliser les services d’un Champion du Monde. Grâce aux subsides de son propriétaire Audi et aux qualités de l’équipe technique dirigée par Luigi Dall’Igna, c’est Jorge Lorenzo qui a été choisi. L’autostrada vers le triomphe est grande ouverte. Sauf que…

Sauf que Ducati n’a aucun droit à l’échec. Pourquoi ? Parce que la défaite cuisante connue avec Valentino Rossi est encore dans toutes les mémoires, et qu’une deuxième Berezina serait dramatique pour Ducati, sa réputation et ses ventes. Un échec est une erreur. Un deuxième échec serait « une persévérance diabolique* » dont la marque de Bologne aurait le plus grand mal à se remettre.

Le premier but va être de ne pas commettre de nouveau les erreurs du passé. Quand Casey Stoner fut Champion du Monde en 2007, l’apport de Fillipo Preziosi (directeur général de Ducati Corse de 2003 à 2013) fut marginalisé. Quand Valentino Rossi échoua en 2011 et 2012, on mit tout sur le dos de Preziosi, qui fut limogé « pour raisons de santé », ce qui était ajouter l’insulte à la blessure. Pourtant le patron (Claudio Domenicali) est en 2016 toujours le même, tout comme l’essentiel du personnel du service course qui travaille à l’usine et qui a peu changé. Il n’est pas question ici des équipes d’exploitation terrain, qui suivent souvent le pilote où il va. Il sera d’ailleurs intéressant de voir si son actuel responsable technique Ramon Forcada suivra Jorge Lorenzo chez les Rouges, ou si le pilote espagnol héritera du crew chief actuel d’Andrea Iannone, Marco Rigamonti, et de ses sept techniciens tous italiens, y compris celui d’Öhlins.

Depuis Stoner et Preziosi, la Bolognaise a changé. Luigi Dall’Igna, transfuge d’Aprilia, est venu prendre en charge l’ensemble des opérations, avec le soutien d’Audi. Le groupe automobile allemand a un certain savoir-faire en matière de moteurs, avec bien sûr Audi et Volkswagen, mais aussi Bugatti, Lamborghini et Porsche. Quelques petits conseils teutons, et hop, la Desmosedici se retrouve nettement la plus puissante du MotoGP, sans consommer ni casser plus que les autres. Ducati a fort à faire avec une opposition colossale comme celle de Honda et de Yamaha, mais le constructeur italien peut compter sur la force de frappe d’un groupe à la puissance gigantesque. Par exemple son chiffre d’affaires était de 202,5 milliards d’euros en 2014, à comparer aux 106,5 de Honda.

Dall’Igna va devoir s’occuper dans un premier temps des deux sujets les plus importants : l’adaptation de Lorenzo au style de la Ducati, et de la Ducati au style de Lorenzo. L’Ibère a un style très coulé, progressif, fin (comparé par exemple à Marc Marquez), auquel convient parfaitement la Yamaha.
Faudra-t-il pour autant transformer la Ducati en Yamaha ? C’est douteux, comme l’a prouvé la tentative en ce sens de Rossi et de son équipe technique, alors que Stoner a connu le succès en utilisant la Ducati telle qu’elle était.

Mais autant des Casey Stoner et des Marc Marquez sont capables de souder la poignée droite comme des cinglés (comme à la sortie du esse entre Correntaio et Bucine pour Marquez lors du dernier tour du GP), autant l’immense talent de Lorenzo repose sur la précision du geste et sa répétitivité presqu’à l’infini. Quand Jorge part devant, adios amigos, la course est finie. La Ducati n’est pas encore taillée pour ce genre de pilotage, mais Gigi a su fournir en son temps des 250 Aprilia à Lorenzo qui lui ont permis de remporter deux titres mondiaux en 2006 et 2007, avec 17 victoires en 33 courses. Le technicien italien connait le style et les besoins de son futur pilote espagnol, et cela va bien aider car il va y avoir la pression.

Cette pression va être multiforme. Les nombreux tifosi sont sevrés de victoire depuis trop longtemps. Les Ducatisti du monde entier attendent avec impatience de pouvoir apposer une petite couronne de laurier autocollante sur leur réservoir ou leur carénage. Audi n’a pas jeté un tombereau d’euros dans la bagarre pour finir deuxième.

Et enfin dernière pression, la pire : tous à Bologne entendent déjà les ricanements de Rossi en cas d’échec.

 

*« Errare humanum est, perseverare diabolicum ». L’erreur est humaine, persévérer est diabolique.

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