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Une page est en train de se tourner dans la diffusion des Grands Prix à la télévision, le championnat passant sur Canal Plus. Rémy les a commentés pendant un quart de siècle et nous lui avons posé quelques questions sur cette longue époque chargée de gloire, de grandeur, de courage et de drames.

Rémy, quand tu es arrivé à Eurosport en 1993, tu commentais déjà le mondial Superbike (entre autres) pour une autre chaîne, depuis Londres. De quoi s’agissait-il alors ?

« Je commentais le Championnat du Monde Superbike pour TV Sport à Londres, chaîne qui a ensuite fusionné avec Eurosport et je suis donc venu à Paris. Sur TV Sport, c’était plus des résumés de courses, contrairement à Eurosport qui diffusait les épreuves en live. La couverture était très différente, mais elle m’a permis de me faire les dents. »

En arrivant à Eurosport, ta connaissance des Grands Prix était limitée, puis tu t’y es mis rapidement. Le fait que tu aies toujours été motard au quotidien t’a-t-il motivé ?

« Oui, ça m’a motivé car avec mon frère Jérôme on roulait avec les frères Philippe et Marc Joineau, des pilotes qui ont fait le Dakar, et comme nous de la Côte d’Or (Bourgogne). Je suivais leurs courses de motocross, et le premier champion qui m’a fait vibrer a été Jacky Vimond (ndlr : Champion du Monde de MX 250 en 1986). J’ai eu par la suite la chance de commenter avec lui à Paris des courses de motocross.

« Etant de la campagne, j’ai eu une XR, une TSA à 14 ans, mon frère a eu des motos originales, une 175 PE Suzuki, une Caiman (et je n’en ai jamais vu d’autre que la sienne), une BPS noire, puis il y a eu la mode des TY, les Yamaha de trial. Elles étaient magnifiques, de la 50 à la 250 en passant par la 125. Par ça, j’étais déjà passionné de deux roues. »

Qu’aimes-tu dans ce sport ?

« Le courage des pilotes. Je l’avais découvert déjà un peu dans le motocross. J’ai été très impressionné par le risque, y compris de se tuer. Ce que fait Marquez par exemple est exceptionnel.

« Le courage physique des pilotes est fantastique. Je me rappelle d’une course de Sylvain Barrier à Misano en 1000 Superstock. On a dîné la veille de la course avec lui et Bertrand Stey chez BMW. Il s’était blessé à l’épaule, à Monza je crois, il fallait qu’il se remette l’épaule en place et c’était injouable. Puis le dimanche il y a eu un drapeau rouge au bout de 6 tours et il a gagné la course ! (Ndlr : le 10 juin 2012). Jamais je n’aurais mis un centime sur la victoire de ce garçon.

« J’aime ça aussi car à Assen sur une piste détrempée par un véritable déluge j’ai vu gagner Chris Walker, alors coéquipier de Régis Laconi et Fonsi Nieto. (Ndlr : le 3 septembre 2006, la seule victoire de Kawasaki cette année-là sur 24 courses en WSBK). Ça a été une des plus grosses surprises que j’ai jamais eue. C’est pour ça que j’aime la course : la bravoure ! Aussi le suspens, et la personnalité de certains pilotes, même un peu fou comme Scott Redding. »

Tu as donné des coups de main à de jeunes pilotes (discrètement) pour faire avancer leurs carrières. Rien ne t’y obligeait. Pourquoi as-tu choisi de les aider ?

« Parce que je préférais les voir gagner plutôt que pleurer et échouer. Je l’ai fait au feeling, avec plaisir. Il était compliqué pour moi de les aider à trouver des sponsors, mais je me souviens par exemple d’Arnaud Vincent quand il a fait son premier podium au Sachsenring (Ndlr : en 1998 en 125 cm3). Il était complètement démoralisé avant le départ et je l’ai soutenu en lui disant de ne pas lâcher, que ça pouvait bien se passer. Il y en a deux qui se sont accrochés devant lui en fin de course et il a terminé deuxième.

« J’ai essayé de les aider aussi parce que la plupart avait du mal à vivre du mondial Supersport car il n’y avait pas d’argent. Je connais peu de sportifs de haut niveau qui paient pour pratiquer leur sport. Ça n’arrive pas en foot, par exemple, où en Deuxième Division française tu gagnes bien ta vie. »

Tu as commenté les plus grands évènements sportifs comme la Coupe du Monde de football, les Jeux Olympiques et la Coupe du Monde de rugby. En comparaison, que penses-tu de la qualité des images fournies par l’organisateur du Championnat du Monde moto (Dorna) ?

« Franchement, j’ai presque envie de dire qu’elle est exceptionnelle. C’est d’une très grande qualité, en tout cas.

« De toute façon, la moto c’est télévisuel. On ne pourrait pas faire la même chose par exemple avec un rallye. Il y a de grands stades comme à Valence ou à Hockenheim, et tout s’y prête, comme les caméras embarquées qui depuis l’époque de Doohan apportent des images extraordinaires.

« Depuis les débuts, d’énormes progrès ont été faits et je ne me souviens pas d’avoir eu un sujet de plainte. Avec les caméras embarquées (certaines à 360°), les extrêmes ralentis et les vues d’hélicoptère, tout y est. »

En faisant tes interviews, as-tu connu un pilote encore plus loufoque que Max Biaggi ?

« Qu’entends-tu par loufoque ?

Bizarre, curieux, étrange…

« Max je l’aime bien. Il est devenu facile d’accès pour moi maintenant, mais c’est vrai qu’à l’époque c’était infernal. Au GP d’Australie, il nous a fait changer quatre fois de places pour l’interviewer parce que les endroits ne lui convenaient pas. Il a recommencé à nous faire le coup le jour où il a été titré à Imola, il était épouvantable.

« Franchement, un gars aussi pénible pour travailler… Et en plus je l’aimais bien parce que j’ai toujours été fan de Max. Mais aussi compliqué à travailler, je n’ai jamais connu pire. C’était le plus difficile pour beaucoup de choses.

« J’avais fait son portrait en 1997 et avais été obligé de l’appeler je ne sais pas combien de fois ! Pour l’avoir, j’avais été obligé de le prendre par son ego en lui disant qu’Eurosport avait réalisé et diffusé un super portrait d’Alberto Tomba. Quand il l’a vu, il m’a rappelé de lui-même en me disant « je veux mieux ». Je lui ai dit OK parce qu’il ne marchait qu’à ça, l’égo, l’égo, l’égo. »

Penses-tu que l’importance du nombre de gens qui regardent les GP à la télé est proportionnelle à la présence et aux résultats des pilotes français ?

« J’en suis sûr et certain. Quand Fabien Foret ou Sébastien Charpentier ont été Champions du Monde en Supersport, on faisait beaucoup plus d’audience. Ça avait déjà été exceptionnel avec la finale en Superbike à Imola entre Troy Bayliss et Colin Edwards, mais quand Foret a été Champion du Monde, ça a été mieux. C’est énorme quand des Français gagnent. Et pareil pour le deuxième titre de Charpentier à Magny-Cours : ça a été la meilleure audience de la semaine, tous sports confondus !

« Et pourtant ce n’était « que » du Supersport, ce qui me laisse beaucoup d’espoir pour 2019 avec Lucas Mahias, Corentin Perolari, Jules Cluzel, Jules Danilo, Gaétan Matern et Xavier Navand en mondial.

« Si Mahias gagne la première à Phillip Island et Cluzel la deuxième à Buriram, avec Corentin Perolari dans le top 5, on peut avoir une saison sensationnelle. Et les seules Marseillaises françaises en vitesse résonneront en mondial Supersport ».

Note importante : Si la diffusion des Grands Prix passe sur Canal, celle de la Superbike et du Supersport reste sur Eurosport.

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