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Après le succès que l’équipe Tech3 a obtenu au Grand Prix de France, à savoir une victoire en Moto3 avec Dani Holgado et une superbe quatrième place en MotoGP avec Augusto Fernández, nous avons évidemment souhaité recueillir les propos d’un Hervé Poncharal légitimement très heureux.

Ainsi fut-il fait, mais nous avons également demandé au patron de l’équipe de Bormes-les-Mimosas quelle était sa réaction aux déclarations de Francesco Bagnaia dans GPone demandant un différentiel de performance de 6 ou 7 dixièmes entre les motos officielles et les motos clients. Et là, le président de l’IRTA n’a pas mâché ses mots…

Nous commençons donc par publier cette question d’actualité, la suite venant demain.


Monsieur Poncharal, après le Grand Prix de France où 4 motos satellites ont terminé aux 4 premières places, nous avons lu dans la presse italienne que Francesco Bagnaia commence à distiller l’idée que les motos non officielles devraient être moins performantes que les motos d’usine. Qu’en pensez-vous, vous qui seriez alors directement impacté et qui avez déjà connu une telle période où c’était le cas ?

Hervé Poncharal : « Ce que j’en pense, c’est que, comme bien souvent, le dimanche soir quand je rentre avant de me coucher, je n’ai pas vécu assez de MotoGP donc je lis tout ce qui s’écrit sur un peu tous les sites nationaux et internationaux, et je suis tombé sur un site italien où y avait une interview de Pecco Bagnaia qui parlait un petit peu de son problème avec Maverick Viñales, et puis je lisais comme ça et j’ai été très surpris de la part du champion du monde en titre, de quelqu’un qui est respectable, que je respecte énormément, pour qui j’ai beaucoup d’admiration, et qui est toujours assez posé dans ses commentaires, de lire une énormité, je pourrais même dire une énorme connerie, parce que Pecco Bagnaia, comme tout pilote, vient du Moto3, il est passé par le Moto 2, il est arrivé en MotoGP dans une écurie indépendante qu’on peut appeler privée ou satellite, on l’appelle comme on veut, et il était content d’avoir une moto performante qui lui permettait de se faire remarquer. Et puis, au fur et à mesure de son évolution dans cette catégorie MotoGP, on lui a proposé un guidon d’usine, ce qui est un petit peu le parcours rêvé et que tout pilote talentueux souhaite avoir. »

« Et quelle n’a pas été ma surprise, alors qu’il a bénéficié de ce système, il a pu avoir des motos performantes dans des structures indépendantes, de lire que ça serait bien qu’il y ait 6 ou 7 dixièmes au tour décidés par les ingénieurs des constructeurs qui sont présents sur la grille de MotoGP, donc, qu’on castre les motos des teams privés de 6 ou 7 dixièmes au tour. C’est à peu près le déficit qu’il souhaiterait leur voir imposer pour pouvoir s’amuser entre riches et puissants. Il a même noté les 4 fantastiques qui étaient Rossi, Stoner, Lorenzo et Pedrosa à l’époque où les motos d’usine étaient bien plus performantes que les motos des teams indépendants et que c’était une belle situation. »

« Et là, quand on sait le travail qu’on a fait, nous, pour pouvoir avoir une grille décente, nous les équipes indépendantes, avec la Dorna, avec la FIM, avec la MSMA, on est arrivé à convaincre les constructeurs qu’il fallait qu’ils nous équipent de machines performantes, que c’était pour leur intérêt pour promouvoir des jeunes pilotes, pour avoir une politique sportive digne de ce nom, pour avoir plus de retour d’informations, ce qu’on appelle le retour de datas de plus de pilotes. Et finalement, on est arrivé à ce que quasiment toutes les motos qui étaient sur la piste soient des motos d’usine de l’année, à part quelques Ducati qui ont un an mais qui sont très performantes, mais en tout cas chez Honda, dans le groupe Pierer Mobility, on a des motos qui sont des 2023, et je pense que c’est une situation fabuleuse ! Comme vous l’avez remarqué, les 4 premières positions au Grand Prix de France, c’était 4 écuries indépendantes, et c’est fabuleux de voir que la course au titre est grande ouverte, qu’il y a un point entre Bezzecchi qui est un jeune pilote qui arrive sur une moto Ducati d’un team privé et qui est un point derrière Bagnaia sur la moto officielle de la même usine. C’est génial pour tout le monde, c’est génial pour le sport, c’est une belle émulation et ça nous permet nous, les écuries indépendantes de convaincre nos partenaires, qu’on peut appeler les sponsors aussi, de se joindre à nous parce qu’on leur dit qu’on n’est pas là uniquement pour faire du remplissage de grille mais qu’on est là aussi pour faire des performances! On peut gagner des courses et éventuellement viser le titre. »

« Et franchement, quand j’ai lu ça, après quasiment 15 ans de travail pour arriver à faire comprendre que c’est la situation dont je viens de parler était la situation idéale pour qu’on ait un super show et que pour tous les acteurs, je parle là aussi des équipes, puissent vivre décemment, puisse payer leurs mécaniciens décemment, et puissent payer leurs pilotes décemment. Ça, il l’oublie aussi, parce que si on n’a pas de résultat, on n’a pas de sponsor, on ne paye pas nos pilotes, et quand il est arrivé en MotoGP dans une écurie indépendante, il était content d’être traité avec du matériel qui était performant et d’être traité comme un pilote professionnel avec des mécaniciens qui étaient professionnels. Donc à un moment donné, je pensais que quand on avait le niveau qui était le sien et donc on était champion du monde en titre, on vous avait dit et appris qu’il fallait tourner sa langue 7 fois dans sa bouche avant de dire une ânerie. Et là, il a dit une énorme ânerie ! Ça m’a personnellement beaucoup choqué parce que c’est antisportif. »

« Une des valeurs qui pour moi est une des valeurs de base du sport, c’est le respect et l’équité. Et ça, c’est quelque part un manque de respect de, encore une fois, pas castrer mais pénaliser. En plus, il a donné des montants de la pénalisation, de 6 ou 7 dixièmes : Dans sa grande mansuétude, il n’a pas atteint la seconde. Et c’est quoi le sport dans ces cas-là ? Parce que, ce qu’on veut voir, ce sont des motos qui se battent, mais aussi des hommes qui se battent ! C’est un manque de respect vis-à-vis même de ses collègues de la VR46 ! Ce serait bien qu’il en parle à Bezzecchi… »

Pensez-vous que cette idée pourrait recevoir un certain écho chez les constructeurs qui évidemment caseraient alors leurs motos de l’année passée à moindre coût, comme c’était le cas dans le passé ?
« Non, ça m’a juste déçu de la part de quelqu’un pour qui j’ai toujours beaucoup d’estime. Mais non, je pense que ça n’aura aucun impact parce que les constructeurs présents aujourd’hui en MotoGP connaissent la valeur et l’intérêt d’avoir des machines de la même saison avec des pilotes performants dessus pour pouvoir justement faire progresser le matériel. Il y a un constructeur aujourd’hui qui a perdu ses équipes satellites et qui n’est pas heureux de les avoir perdues, et qui touche du doigt la réalité de n’avoir que 2 motos sur la grille. Donc à mon avis ça n’aura pas de conséquences, mais je trouve que c’est dommage que quelqu’un, qui est quand même notre leader puisque c’est le champion du monde en titre, se laisser aller à des commentaires aussi peu intéressants. Je pense que la situation aujourd’hui est fabuleuse : On a 279 000 personnes qui sont venues voir un méga show et c’est parce qu’il y a un super show, des superbes batailles avec des  vainqueurs potentiels qui sont quasiment aussi nombreux que ceux qui sont sur la grille, qu’on a ce succès là. Donc, non, je n’ai pas de souci, mais je vous remercie de me donner l’occasion de pousser un petit coup de gueule. Parfois c’est bien pousser un petit coup de gueule : Il y a des gens qui disent “Ouais, Poncharal, il cire les pompes à tout le monde, il sert la soupe et il est toujours content. Il est lisse”. Non, je ne suis pas lisse ! »

A suivre…

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