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Il y a de très grands moments dans la vie où le bonheur  peut se dérouler Et lentement Et brutalement.  Il y a des millions d’exemples, les ballets de Béjart, aussi violents que décomposés, Michel Ange recouvrant dans une douleur extrême, il travaillait à genoux, les murs et le plafond de la Sixtine « al fresco », l’Adagio du cinquième concerto de Beethoven (Sokolov et Kempff en ont fait un must mondial)…

Mais si le pilotage est un art, une obsession du chrono, une envie permanente de la trajo parfaite (quand je vois Zarco ou Lorenzo en courbe c’est du Mozart, mais justement on ne les a pas vus) le GP de Brno a été solitaire, sans relief et sans son, sauf en Moto3 où de bout en bout on s’est battu façon Azincourt jusqu’au bouquet final…

Depuis le vendredi du GP, on sentait pourtant les pilotes jeunes pousses prometteuses du MotoGP très impatients de se mesurer et même de se farcir celui qui entre pas à pas dans la légende des GP, Marc Márquez…

On le balance en essais, on le serre dans les stands, on le bat dans les warmup, on le charrie en conf de presse, parfois même on parvient à lui piquer une pole, et tout ça dans la rage, le bruit et la fureur…

Le GP de Brno lui, a été silencieux, comme un film muet, mais au moins dans les cinémas d’avant guerre il y avait un pianiste dans la salle !

Bon, on a vu Márquez poser le coude à deux reprises pour ne pas perdre l’avant (sa fameuse « salvada ») lui était au taquet, se battant finalement contre lui-même, pour prouver aux jeunes et aux moins jeunes j’imagine, c’est de la psy à deux balles mais j’assume, qu’il est toujours le taulier.

Mais c’était aussi beau que Charlies Watts et Jagger attaquant « Sympathy for the devil… » un vrai frisson.

Personne n’y a rien pu. Dovizioso n’a jamais fait au moins  semblant de l’attaquer et le reste du monde était à dache. Marquez passe la ligne d’arrivée de façon magnifique mais solitaire, les bras écartés, là encore, il manquait la musique.

Il faut aller à la troisième place pour trouver deux attaques, entre Rins et Miller.

D’autres bagarres ? J’ai vu Pol Espargaró bouchonner tout le monde, de Rossi à Viñales en passant par Quartararo, la baston forcée en quelque sorte.

Bref, il y a eu quelques tours très longs et c’est insupportable.

Alors oui, on a vu des Safety cars rouler avant le GP durant quarante minutes pour vérifier le séchage d’une piste douchée dans sa ligne droite, ses virages de sortie et d’arrivée inondés par une averse à la c… J’avoue que la solitude du GP a commencé comme ça, voir une voiture toute seule à l’écran durant plus d’une demi-heure, ça craint grave.

Il fut un temps où dans ce genre de situation, les réalisateurs TV avec lesquels je bossais, les journalistes, les cameramen rivalisaient de créativité. Parce qu’une course qui ne part pas (ou qui part quatre fois !) ce n’est pas lancinant, c’est un moment très excitant au contraire mais à condition de le montrer, de le mettre en scène. La tension dans les stands ça se filme…

Il fut un temps où à la fin des GP (de F1) dans les salles de presse de direct, les journalistes se levaient et écoutaient avec délice le commentateur brésilien qui  parlait (hurlait…) tout seul durant encore une demi-heure après l’arrivée. Et l’applaudissaient quand il rendait l’antenne.

Les pilotes n’ont rien à se reprocher, jamais, c’est un axiome, non négociable.

Mais le spectacle, le show, il giocco, on peut le dire dans toutes les langues, c’est aussi un art et c’est dans les moments de silence que le son et la lumière doivent  être les plus bruyants et les plus brillants…

La télévision suit la mode low-cost, c’est une horreur.

Dommage parce que Márquez se battant contre lui-même ça valait un festival de ralentis, l’acrobatie est aussi un art… à condition de le montrer…

Et d’avoir au commentaire des gens un peu enthousiastes, inspirés, ayant l’envie de partager un moment exceptionnel.

Márquez et ses adversaires, les ingés, les mécanos sont payés pour gagner des courses, pas pour organiser le spectacle. Le spectacle c’est à nous de le mettre en scène.

Pardon aux fans, nous avons failli.

PS : Je n’ai pas écouté les commentaires de Canal Plus, je ne suis pas abonné, peut-être auront-ils su, à l’instar de Mozart susnommé, mettre une musique sur le spectacle muet.

 

 

 

 

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