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Pourquoi la régularité en Grands Prix est-elle une notion galvaudée ? C’est la question à laquelle nous essayons de répondre. Nous vous recommandons vivement la lecture de la première partie, parue hier, afin de comprendre tous les enjeux de cette étude. Vous pouvez la retrouver juste ici !

Dans le précédent épisode, nous avions constaté le biais concernant la perception d’un pilote et de sa régularité. Concentrons-nous désormais sur la constance à l’échelle d’une saison.

En réalité, peu de pilotes arrivent à compiler des bons résultats sans chute ou du moins, en marquant toujours les mêmes points. La plupart du temps, ces saisons passent inaperçues. En effet, la MotoGP actuelle repose sur des temps forts, des highlights, et il est préférable pour un pilote de faire deux très bons résultats dans la saison et de ne pas se montrer le reste du temps, plutôt que de faire uniquement des sixièmes et septièmes places. Pour illustrer ce phénomène, jouons à un jeu. Préférez-vous être Miguel Oliveira, c’est à dire remporter deux courses de manière magistrale mais être considérablement distancé au championnat, ou plutôt Brad Binder, sans victoire jusqu’à présent, mais extrêmement régulier ?

Binder réalise une saison exceptionnelle. Photo : Michelin Motorsport


Il n’y a pas réellement de bonne réponse, ce n’est qu’une question d’interprétation. Cependant, le management de KTM y a vu clair et a conservé Brad Binder. La complexité de la notion de régularité est la raison pour laquelle beaucoup peinent à comprendre le choix de la firme autrichienne de se séparer d’Oliveira.

Si, pour une fois, le pilote régulier est préféré, c’est loin d’être systématiquement le cas. Quand l’on ne gagne pas, on ne laisse pas de souvenirs mémorables auxquels les équipes, les spectateurs et les journalistes peuvent se raccrocher. Prenez Morbidelli. Il y a fort à parier que sa deuxième place au championnat 2020 prenne beaucoup de place dans son contrat avec Yamaha, alors que dans les faits, l’Italien n’est nulle part depuis un an et demi.

C’est pourquoi aucune équipe n’a donné une chance à Bradley Smith après son passage en demi-teinte chez KTM. L’Anglais est tout simplement l’un des plus constants de son temps, mais les teams ont jugé que le plafond qu’il pouvait atteindre était simplement trop bas, pas assez remarquable.

III) Est-ce que la régularité est importante dans la quête d’un titre ?

Depuis 2016, pas tant que ça. La donnée principale est la vitesse. Un champion du monde doit aller vite, jouer devant avant tout. Seuls les plus grands champions de tous les temps arrivent à combiner vitesse et régularité sur les trois niveaux explicités précédemment. Ici, l’exemple le plus probant est sans aucun doute Marc Márquez, qui, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, est le plus régulier de sa génération comme nous le prouve sa saison 2019.

Les pilotes que l’on qualifie à tort de « réguliers » ne font pas exprès de l’être, et c’est pourquoi cette notion est si volatile. Prenez Aleix Espargaró cette année. On le retrouve souvent entre la troisième et la huitième place, mais tout simplement parce qu’il ne peut pas aller plus vite. Alors, certes, il ne tombe pas. Cela n’enlève rien à son talent et à son incroyable exercice 2022. Effectivement, pour marquer des points, il faut éviter de tomber. Cela relève plus du bon sens que de la stratégie, et tous les pilotes en sont conscients.

Marc est régulier, mais extrêmement rapide. C’est pourquoi il est si dangereux. Photo : Michelin Motorsport

 

C’est peut-être triste à dire, mais la vitesse battra (presque) toujours la régularité. Il est difficile de comparer les saisons entre elles, car à chaque fois, le contexte est différent. Excepté 2006, 2013 et 2020, le pilote le plus rapide de l’année en cours s’est toujours imposé au championnat depuis l’avènement de la MotoGP en 2002. Même lorsque les situations étaient serrées, comme en 2015 ou 2017. En 2022 encore, Bagnaia, malgré ses quatre abandons, est devant Espargaró car sa vitesse est simplement trop importante.

Les chutes pénalisent de moins en moins (et heureusement), car la sécurité augmente. De nos jours, il est plutôt rare de voir une erreur qui stoppe net la carrière d’un pilote, bien que cela puisse arriver, notre sport restant extrêmement dangereux. Ainsi, il est plus facile de construire sa confiance malgré des abandons pour des pilotes au mental fort comme Pecco, qui parvient, deux semaines après un gros volume, à remonter sur la plus haute marche du podium.

Conclusion :

Un pilote qui chute, même souvent, n’est pas plus irrégulier qu’un pilote qui termine 5e puis 14e. La régularité s’exprime de différentes manières, et n’est définitivement plus aussi importante que le rythme, la confiance et la vitesse pour s’imposer au plus haut niveau mondial. C’est ici le sens de l’histoire, et les courses sprint en 2023 ne feront qu’accentuer ce phénomène, mettant en valeur les « performers » plutôt que les vrais « réguliers » souvent dans l’ombre.

Que pensez-vous de la question ? Dites-nous votre avis dans les commentaires, tous seront lus et débattus.

En fait, que pourra-t-on faire face à Pecco s’il arrive à esquiver les chutes dans le futur ? La question fait peur. Photo : Michelin Motorsport

Photo de couverture : Michelin Motorsport