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Des MotoGP de plus en plus chargées en appui sur le train avant, des pilotes et des teams qui doivent composer comme ils peuvent avec une pression du pneu avant qui diminue le feeling quand elle monte trop, des contrôles qui tardent à se mettre en place : Nous avions toutes les raisons de profiter de cette pause des Grands Prix pour faire le point avec Piero Taramasso, manager de la compétition deux-roues de Michelin.

Et nous n’avons pas été déçus : Informations claires et précises, voire même exclusives et rassurantes quant à un futur sur un sujet qui, jusque-là, constituait un véritable casse-tête pour les équipes MotoGP !
Merci à lui !

Retrouvez la première partie ici.

 


On avait bien vu la problématique du pneu avant, avec une pression qui variait quand même beaucoup par rapport au minima de 1,88 bar fixé par Dorna et Michelin, et au maximum de 2,2 bars ou quelque chose comme ça, où les pilotes disent que ça devient inconduisible. La règle qui va être mise en place, c’est quoi ? C’est 50% des tours au-dessus du minima ?

Piero Taramasso : « Oui, oui, comme tu dis, il y a cette problématique. Là, on parle surtout du pneu avant parce que c’est celui-là qui est un peu plus sollicité, et c’est vrai que quand la pression est à 2,2 bars ou plus, le pilote perd du feeling, et donc à ce moment-là il est obligé de changer de trajectoire ou de s’écarter pour refroidir le pneu, ou freiner moins fort. Donc il y a des choses que le pilote peut faire pour éviter ça et il y a aussi des solutions techniques : Les teams ont travaillé beaucoup sur ça, donc ils ont trouvé des solutions techniques pour réduire ça. Par exemple, avant, ils mettaient des caches (flasques) sur les freins avant et ces caches gardaient beaucoup de chaleur, et toute cette chaleur allait sur la roue et chauffait beaucoup, donc la pression montait. Aujourd’hui, ils ont compris que ce n’est pas la bonne façon de faire, donc il y a des aérations et des ventilations pour réduire ce phénomène. Par ailleurs, c’est un phénomène qui est un peu plus évident sur certaines motos, moins sur d’autres, et un peu plus embêtant pour certains pilotes alors qu’il y en a d’autres qui ne sont pas sensibles du tout à ça. Mais si on parle de valeur pure, la valeur mini aujourd’hui c’est 1,88 bar. Ça veut dire qu’avec la tolérance du capteur qui est de 0,03, ils peuvent descendre jusqu’à 1,85. Donc, ils peuvent jouer : Ils ont quand même une marge entre 1,85 et 2,15 par exemple, soit 0,3 bar, ce qui est quand même une grosse marge. Donc avant qu’ils arrivent à être “inconduisibles”, il y a une grosse marge, et il faut vraiment avoir fait quelque chose de pas correct pour monter si haut. »

On sait que cela concerne surtout ceux qui sont derrière d’autres motos en paquet où ça monte beaucoup apparemment…
« Pour moi, ça va être sous contrôle parce que les teams ont beaucoup travaillé, ils ont compris comment il fallait faire pour contenir ça. Et après, il y aura un contrôle. Nous, on donne un mini qu’il faudra respecter. Comme tu disais, pour la course du dimanche, oui, il faut qu’ils soient à cette pression mini dans 50% des tours. Je prends un exemple parce que parfois les gens ne comprennent pas, parfois ils pensent que cette pression mini, c’est la pression mini au départ. En fait, ça, ce n’est pas la pression des départs, c’est la pression à laquelle on demande d’arriver durant 50% de la course. Donc, si on fait un exemple, ils peuvent commencer à 1,45 ou 1,50, puis on sait que la pression monte. Elle monte en 1,52, 53, 55, 60, 65, 70. Et après elle se stabilise entre 1,85 et 1,88 ou 1,9. Puis, 1,9, 1,9, 1,9, ils peuvent rouler à 1,9 pour la moitié de la course et c’est bon. La pression mini qu’on donne, c’est le pic où il faut y arriver et rester pendant la moitié de la course. »

Combien de tours faut-il pour qu’un pneu se stabilise en température et en pression ?
« Ça dépend comme tu le chauffes avant, mais il faut compter 5-6 tours. Oui, après 5-6 tours chronos, la pression est stabilisée, à l’avant comme à l’arrière. Et pour la course Sprint, ça ne sera pas 50%, ça sera à 30% des tours que l’on demande. »

Ça, c’est une bonne information que l’on n’avait pas !
« Oui, c’est une bonne information, et si tu regardes, ce n’est pas excessif, on ne demande pas des miracles. Sur 12 tours, ça va très rapide. Et puis aussi, ce qu’il faut savoir, c’est que cette méthode de travail est ce qu’on utilise depuis 4 ou 5 saisons, donc on n’a rien changé, les valeurs sont les mêmes, la façon de travailler est la même, la façon dont se comportent les pneus est la même. C’est juste qu’avant, comme il y avait des capteurs différents, des tolérances différentes, on ne pouvait pas mettre en place des systèmes tels que va être le nouveau système. Mais il n’y a rien qui change. »

Pensez-vous qu’il y aura des marques plus impactées que d’autres ?
« Non ! Honnêtement, non, et je peux le dire avec assez de sûreté, parce qu’on travaille comme ça depuis plusieurs saisons avec toutes les marques, et tout le monde était vraiment à chaque fois très proche des valeurs. Des fois, ils étaient un peu plus bas, des fois, ils étaient un peu plus hauts, mais on n’a jamais eu de gros problèmes. Et souvent, quand ils étaient bas, ils étaient dans l’ordre de la tolérance de l’instrument de mesure. Donc pour moi, ça ne va pénaliser personne. Et encore une fois, ça ne va rien changer parce qu’on fait déjà comme ça avant, ils feront juste attention et peut-être vont-ils prendre une petite marge en plus pour pas risquer d’être trop bas. »

Est-ce que, dans les Grands Prix à venir, il y a des points d’interrogation pour Michelin ?
« Oui, côté Moto GP, je dirais que c’est l’Inde. Ça va être un peu une surprise pour nous, parce qu’on n’y a jamais roulé, donc on ne connaît pas le circuit. Donc là, on apportera une spécification en plus à l’avant et une spécification en plus à l’arrière, juste au cas où on serait surpris des conditions, si le circuit génère trop de thermique ou est trop abrasif. Et sinon, on regarde très attentivement la moto électrique, parce qu’on a changé de fournisseur. Aujourd’hui, c’est Ducati qui fournit des motos qui sont plus légères et plus rapides. Et nous aussi, on a changé la gamme de pneus par rapport à l’année dernière. Au Mans, ça a bien fonctionné, mais il faudra voir sur tous les circuits comment ça fonctionne: on a un seul type de pneu, un avant et un arrière pour faire toutes les courses, et cette année il y en a le double: il y a 16 courses, 8 Grands Prix, et donc on regarde ça, surtout parce que c’est une nouvelle gamme avec plus de matériaux durables. A l’arrière, on a 52% de matériaux durables et c’est un peu la direction que veut prendre le championnat, et c’est aussi l’objectif du groupe Michelin, donc on est très intéressé de voir comment ça se passe. »

Cette volonté de matériaux durables et un seul pneu, cela présage l’avenir des pneus tourisme ?
« Oui, en fait, la moto sert un peu de laboratoire pour accélérer la recherche et l’innovation sur cette technologie, et ça peut aller dans les pneus du commerce, comme ça peut aller aussi dans les pneus MotoGP. Nous, on le place vraiment entre les deux, et dès qu’il y a quelque chose d’intéressant et qu’on peut utiliser d’un côté ou de l’autre, on le fera. »