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Eric Offenstadt, Pépé pour les habitués, est un personnage hors du commun. Ancien pilote de Grands Prix, il s’est déjà mesuré aux plus grands, à commencer par Giacomo Agostini lui-même.

Mais, d’une énergie incommensurable et doté d’un esprit on ne peut plus inventif, l’homme a tenu à le faire avec ses propres motos, toujours particulièrement originales, qu’il s’agisse d’une Kawasaki a cadre coque et freins à disques à l’époque, ou des HO 500 et But, plus tard. Vous pouvez retrouver tous les détails de ses aventures sur le forum où il est intervenu durant des années.

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Âgé de 77 ans, ce serait mal le connaître que de penser qu’il profite aujourd’hui d’une retraite bien méritée… Non, au contraire, il poursuit toujours sa quête d’une moto plus rapide car plus rationnelle, cette fois avec son dernier prototype à moteur Yamaha, le GECO, appelé ainsi en l’hommage au reptile qui adhère partout.

Sans réelle autre ressource que celles des passionnés réunis de ce projet, simple individu ou société comme Yamaha, Eric Offenstadt lutte au quotidien pour prouver le bien fondé de sa démarche.

Ami de longue date de la rédaction, nous ne pouvions, et n’avions pas envie, de lui refuser ce petit coup de projecteur…

Il vous fait donc ici un très bref résumé de son projet, auquel nous n’ajouterons qu’un petit point de la situation, en fin d’article.

Eric Offenstadt: « Passons sur l’épopée erratique « Geco R09 » basé sur une moto déjà dépassée, que j’ai de plus commis l’erreur de vouloir développer avec de jeunes pilotes sans expérience.
Pourtant cette expérience a été fructueuse en enseignements pour valider la méthode de calcul et de conception « GECO » dont la caractéristique pricipale est de permettre de sortir enfin des compromis maniabilité/stabilité et freinage/motricité.
Il faut aussi avouer que j’avais tout à apprendre en matière de mise au point, ma dernière expérience datant de 2001.
Le R09 nous a surtout appris à Jean Baptiste LABRUYERE et à moi, comment vraiment utiliser l’acquisition de données pour mettre une moto au point scientifiquement.

Avec la Yamaha R1 2015 mise à disposition par Eric de Seynes, nous disposions enfin d’un moteur puissant (195cv roue arrière) et d’un ensemble léger et compact.
Du 1er juillet au 15 Aout 2015 nous avons (Felix Chauveau, Cyril Meunier, Corentin Charton et moi) calculé la cinématique et dessiné les 48 pièces spécifiques, dont les « Tés », colonne de direction, bas de fourche, 3ème amortisseur arrière et tout le système (breveté) contrôlant les supports d’étriers homocinétique.

Nous avons fait environ 1000km en février à Alméria sans découvrir grand chose d’autre que le manque de longévité des axes des basculeurs de couple de freinage constant que nous avons renforcés et montés sur roulements à aiguilles.
Aux essais « VIP » de NOGARO avec toutes les grosses écuries, début mars, nous avions Olivier GOMEZ comme ingénieur « datas » et avons pu commencer à comparer les pressions (BARS) que les différents pilotes pouvaient utiliser.  Nicolas Salchaud, gracieusement prêté par VILTAÏS afficha déjà une meilleure partielle « freinage » et un chrono de 1.31.7 en seulement 5 tours avec des Bridgestone. Pour la première fois un pilote trouvait le proto vraiment plus stable que sa R1 au freinage et avec la faculté de mettre une grosse pression sur l’angle. Il se plaignait par contre de lourdeur dans le « S ».
Grâce à ce roulage, Jean-Baptiste et moi savions déjà que nous devions monter nos « Tés » bis (avec plus de déport) pour plus de maniabilité.
La mise au point basique (amortisseur/fourche) s’est déroulée très vite et très bien avec Stéphane EGEA à Alès (invités par le circuit) pour en arriver à un très bon chrono à 1.1 seconde du record du tour de Zarco en Août 2016.
Stéphane déclarant à l’issue de ce dernier roulage que maintenant la moto était « parfaite ».

Il y eut enfin, grâce à Christophe Guyot et Eric de Seynes l’autorisation donnée à Lucas MAHIAS de venir essayer le GECO à NOGARO le 3 septembre 2016 : Lucas rentrant en voiture de nuit pour être là le matin à Nogaro (sortant de sa victoire en 1000 superstock à Magny-Cours). Merci 1000 fois à lui !
Dans un roulage public, au milieu des « gentlemen riders », cela nous à pris 4 fois 1/4 d’heure pour régler la moto pour lui et surtout pour les Pirelli (plus gros à l’avant et plus petits à l’arrière que les Bridgestone.)
Il faut dire que nous avons découvert qu’on gagne un temps fou sur la mise au point quand elle se fait sur une moto dont on a soi-même dessiné les géométries : on ne part plus « en sens inverse » la moitié du temps.
Lors de l’avant dernière session (Lucas avait envie d’aller dormir), nous lui avons monté des gommes neuves, remonté un poil la moto qui frottait un des carters moteur, et en 6 tours, il réalisa deux fois 1.29.5 le meilleurs temps des R1 officielles au « VIP » (2ème meilleur chrono essais FSBK). Les datas donnent les 2 fois 0.4 secondes perdus lors des doublages, 21,5 bars de pression moyenne avant de lever la roue arrière et 13,17ms2 de décélération sur 150 mètres avant virage contre 12.5ms2 pour les meilleures SBK.
Mais le plus important est ce que Lucas nous a dit à la fin du test et a répété à Christophe Guyot & Eric de Seynes :

1° Le GECO freine nettement plus tard.
2° En bagarre elle est imprenable : « On passe devant au freinage et le gars ne peut pas repasser devant. »
3° Enfin, je retiens qu’il a dit en dernier (comme en s’adressant à lui même) : « Et j’ai l’impression que plus on attaque et plus elle est facile ». (Il faut dire que Lucas n’avait en tout et pour tout roulé qu’une heure pour tout régler, avec une électronique « standard », dépassée d’après lui, des pneus lambda et au milieu des chicanes mobiles.

Nous allons au VIP de NOGARO cette année, avec des optimisations faisant passer le gain au freinage de 3.5% à 4.5%. Ce qui nous permet de régler la moto pour une motricité maximum. Cela correspond 23.5 bars pour décoller la roue arrière, pour un gain de 9 mètres sur un freinage de 200 mètres, mais c’est encore modeste et ne correspond qu’à environ 0.6 secondes au tour au Bugatti.

On nous avait prévenu qu’il était irréaliste de construire un proto avec pour seul budget les cotisations d’une bande de passionnés, l’aide d’une poignée de partenaires indéfectibles et géré par les quelques bénévoles et amis de www.progecomoto.fr 
Il était de plus totalement impossible de le mettre au point sans un budget hors de portée, même d’une écurie privée de MotoGP..  Mais voilà : impossible n’est pas français.

Nous espérons maintenant que les diverses instances intéressées vont agir. »

En attendant, Stéphane Egea a pris la suite de Lucas Mahias, le week-end dernier à Pau, pour valider les suspensions Öhlins, avant que Nicolas Salchaud n’en reprenne le guidon très prochainement à Nogaro.

Crédit photo: Pierre Gabrielle