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Alors que nos champions motocyclistes se comportent plus qu’honorablement dans les divers Championnats du monde, un danger aussi insidieux que bien réel plane sur l’existence même du sport motocycliste en France.

Cette menace, si elle reste majoritairement inconnue du grand public, est actuellement le souci numéro un de la Fédération Française de Motocyclisme qui se bat bec et ongles, à savoir juridiquement et financièrement, pour que survive le sport motocycliste en France.
Si elle ne remporte pas son combat, les compétitions pourraient s’arrêter.

En début d’année, Monsieur Jacques Bolle, son président et ancien vainqueur de Grand Prix, à bien voulu prendre sur son temps pour nous éclairer la situation.

L’article est long et parfois difficile, mais le risque encouru par tous ceux qui souhaitent encore que le sport motocycliste dans sa globalité perdure, justifie que l’on fasse l’effort d’en prendre connaissance.
Pour cette raison, nous le publions en deux parties.

Deuxième partie (la première est accessible ici). 


Concrètement, que fait la Fédération ?

Jacques Bolle: « On a donc trouvé, grâce à notre courtier, un assureur anglais, mais parallèlement on a initié une démarche vis-à-vis de la cour de cassation pour essayer de trouver une solution juridique en essayant de rétablir un petit peu le balancier  à une position plus centrale, peut-être en revenant sur la théorie de l’acceptation du risque, mais, par contre, en renforçant considérablement  les garanties d’assurance liées à la licence.  Et là on n’est plus dans le domaine des garanties de la Responsabilité Civile, qui sont là pour couvrir des dommages que vous causez à autrui. Parallèlement il y a un autre type d’assurances, qui sont les garanties « individuelles accident » , que vous souscrivez, vous, pour les sinistres qui peuvent vous arriver, peu importe que vous soyez responsables ou pas, ou qu’il y ait un tiers ou pas.

Avec la licence fédérale, il y a des garanties « individuelles accident », mais qui ne sont pas d’un niveau considéré comme suffisant, même si celles de la Fédération Française de Motocyclisme sont sans doute les plus élevées parmi toutes les licences sportives. Par exemple, quelqu’un qui devient paraplégique va toucher environ 200 000 euros. C’est une grosse somme mais est-ce suffisant pour un jeune de 20 ans qui va être paraplégique pendant toute sa vie ?

La solution que nous avons préconisée et proposée au gouvernement, c’est donc de coupler le retour de la théorie de l’acceptation des risques à un niveau de garanties plus important au niveau des licences, et à rendre obligatoire cette assurance complémentaire « individuelle accident », puisque ce n’est pas le cas actuellement.
Ainsi, en cas de sinistre, quelqu’un n’aurait plus besoin d’attaquer la responsabilité civile de  l’organisateur, qui bien souvent n’y est strictement pour rien, mais serait pris en charge grâce à la garantie qu’il aurait lui-même souscrit pour la pratique de ce sport à risques, ce qui pour moi est beaucoup plus vertueux sur le plan moral. Aujourd’hui, on va chercher la responsabilité de quelqu’un qui n’a commis aucune faute pour pouvoir être indemnisé, pour compenser le fait de ne pas avoir souscrit soi-même de garanties.
De fait, le système actuel est totalement déresponsabilisant.
C’est d’ailleurs ce qu’implicitement nous reprochent les magistrats de la cour de cassation avec le système actuel; que les organisateurs d’activités à risques aient confié à la solidarité nationale la prise en charge des blessés de cette pratique. C’est ce qui se passe également quand on envoie un hélicoptère de secours en haute-montagne, des  secours pour sortir des spéléologues ou des avisos de la marine nationale pour secourir les marins lors des courses en solitaire ; ça coûte des fortunes et aujourd’hui, la société considère de moins en moins que c’est à la solidarité nationale de prendre cela en charge, mais plus à ceux qui organisent ces pratiques là. »

Ce phénomène est-il spécifique à la moto ?

Jacques Bolle: « Non, ce n’est pas spécifique à la moto. C’est tout d’abord une évolution de la société, où il faut toujours qu’il y ait des responsables. Sur le plan juridique, on appelle cela la responsabilité sans faute ou la responsabilité de plein droit. En fait, cela a débuté dans le domaine médical, où on a commencé à voir des médecins condamnés alors même que l’on ne pouvait pas démontrer qu’ils avaient commis de faute. C’est le cas lors d’une intervention bénigne, faite dans les règles de l’art, mais qui se termine mal à cause d’un événement inconnu.
On a commencé à indemniser les patients et on a appelé cela la responsabilité sans faute.
En matière de sport, ce sont les sports mécaniques qui ont été impactés en première ligne, d’autres disciplines peuvent également l’être, comme l’équitation ou le VTT. »

Ce phénomène est-il spécifique à la France ?

Jacques Bolle: « L’évolution sociétale est mondiale, même si elle vient des USA, où les gens engagent des procédures pour tout et rien, avec une démarche plus financière que morale.
Par contre, l’évolution de la jurisprudence en matière sportive concerne pour l’instant essentiellement la France, même si la Belgique semble entraînée dans notre sillage. On peut penser que c’est quelque chose qui va petit à petit impacter tous les pays de l’Ouest de l’Europe ; Belgique, Allemagne, Espagne, Italie, etc.
La Suisse semble avoir quelque chose de différent depuis un certain nombre d’années ; dans le cas d’une activité à risques, vous êtes indemnisés, mais dans des proportions moindres, pour tenir compte du fait que vous aviez conscience des risques que vous preniez.
En France, aujourd’hui, cela n’existe pas; on considère maintenant que vous avez le droit à la même indemnisation, que vous pratiquiez consciemment un sport à risques, que si vous vous faites faucher en marchant tranquillement sur un trottoir par un automobiliste ivre.
Personnellement, je trouve cela discutable voire choquant. »

On le voit, la situation est extrêmement fragile et ne tient qu’à un fil ; une série d’accidents et de jugements entérinant jurisprudence et tendance actuelle, et l’assureur britannique se verrait contraint de revoir ses tarifs à la hausse ou de passer la main. A ce moment, le sport moto en France aurait probablement beaucoup de mal à survivre…

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