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Après la saison 2022, ils sont 128 : c’est le nombre de champions du monde différents qui ont marqué l’histoire des Grands Prix motos, toutes catégories confondues. Ce nombre peut paraître énorme, bien qu’il ne tienne pas compte des side-cars, trop souvent oubliés. Pourtant, une bonne partie des patronymes sont familiers. Être champion du monde, peu importe la cylindrée, est l’accomplissement d’une vie. D’ailleurs, la majorité des élus, sur les 74 ans d’histoire de l’organisation, ont aussi performé au plus haut niveau, ou au moins, ont laissé une trace suffisamment importante pour que l’on se souvienne d’eux. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Ensemble, revenons sur les oubliés, ceux qui n’ont laissé que leur sacre mondial.

Après être revenu sur le destin de Julián Simón dans l’épisode précédent, concentrons nous sur deux nouveaux pilotes. Le premier ne vous dit sans doute rien ; d’ailleurs, il est le plus vieux champion du monde à apparaître dans cette série d’articles.

L’Australien Kel Carruthers, né en 1938, grandit au milieu des motos vendues par son père. À seulement 12 ans, il se consacre à la compétition et se fait un nom sur l’île-continent. Au fil du temps, il se construit un palmarès impressionnant sur le plan national. À l’époque, il est plus difficile de rejoindre le Continental Circus basé en Europe ; c’est pour cette raison qu’il écume les tracés australiens de la sorte, attendant patiemment son heure.

Finalement, l’opportunité se présente à ses 28 ans. Il migre vers le vieux continent et notamment la Grande-Bretagne, point de chute de nombreux étrangers venus rejoindre l’élite. D’abord sur des circuits courts, il participe à quelques manches du championnat du monde 1966 dans trois catégories différentes, sans grand succès.

 

Un portrait de Kel Carruthers… sur un timbre Yéménite, en 1969.



Il voit les choses en grand pour la saison suivante. En effet, il dispute des épreuves réparties dans les quatre catégories majeures (125cc, 250cc, 350cc et 500cc). Il est particulièrement performant sur les Aermacchi 350cc, mais rode près des trois premières places lors de chacune de ses sorties. En 1968, c’est la révélation. Il s’affiche comme un bon client en 500cc (11e du général), mais surtout, brille en 350cc toujours doté des machines italiennes. Avec trois podiums, il s’empare de la troisième place du général, seulement derrière l’imprenable Giacomo Agostini et Renzo Pasolini.

La progression est fulgurante. En 1969, il débute l’année doté d’Aermacchi d’usine. Après un début de saison assez poussif dans les trois catégories où il disposait de ce matériel, Carruthers s’engage avec l’équipe officielle Benelli en 250cc, sans pour autant abandonner les autres cylindrées. Alors que cette classe était de loin celle qu’il maîtrisait le moins, il se mit tout de suite dans le rythme et remporta sa première course en mondial sur l’île de Man. S’en suivit une saison absolument fantastique, ponctuée par deux autres victoires sur le Grand Prix d’Ulster et en Yougoslavie, ainsi que quatre podiums. Kel ne commit aucune erreur, et s’empara du titre de champion du monde devant un valeureux Kent Andersson.

Le pire, c’est que nous aurions très bien pu avoir affaire à un triple champion du monde oublié ! En effet, il débuta la saison 1970 avec Yamaha en 250cc comme en 350cc. Performant dans les deux catégories, il finit double vice-champion du monde, échouant contre le britannique Rodney Gould dans la première et l’éternel roi Ago dans la seconde. Après cette campagne réussie, Carruthers accepta un rôle doré proposé par Yamaha aux USA, et mit fin à ses activités en mondial. L’Australien mentora un certain Kenny Roberts, puis Eddie Lawson. Il ne s’éloigna pas des paddocks jusqu’à la fin des années 1990. Quelque peu oublié en raison de sa courte carrière au plus haut niveau, Kel Carruthers n’en reste pas moins un visage historique de la moto au XXe siècle.

 

La Benelli 250cc quatre cylindres de 1969. Photo : Valter Panaroni


Vient le temps d’évoquer le deuxième larron du jour. Vingt podiums en trente-trois courses disputées ; pas mal, non ? Ces statistiques sont le résumé de carrière de Paolo Pileri. L’Italien fait ses débuts en mondial en 1971 à 27 ans déjà. Alors admirateur du champion 500cc 1957 Libero Liberati (né à Terni, tout comme Paolo), il se focalisa d’abord sur le motocross avant de préférer l’asphalte.

Ses débuts sont corrects mais marqués par des blessures et peu de participations. Il court d’abord en 125cc ainsi qu’en 250cc, et arrive à scorer quelques podiums dans les deux classes. Alors qu’il avait aidé au développement de la Morbidelli 125cc, son statut change en 1975. Pour sa première saison complète, il livre une implacable démonstration. Avec huit victoires en neuf courses disputées, il écrase la catégorie 125cc et domine largement son coéquipier Pier Paolo Bianchi. Ce primo vainqueur ne parvint pas à réitérer l’exploit.

Les rôles s’étaient inversés en 1976, et désormais, Pier Paolo avait la catégorie sous contrôle. Troisième du championnat, il arrêta définitivement de concourir dans cette classe pour se consacrer aux 250cc et aux 350cc, sans grand succès malheureusement. Son talent lui permettait d’accrocher le podium assez régulièrement, voire la victoire comme lors du Grand Prix de Belgique 250cc 1978, mais il ne jouait plus rien au général.

Le pilote emblématique Morbidelli se retira de la compétition fin 1979, mais lui non plus n’abandonna pas les circuits. Devenu team manager, il conduit au succès de nombreux pilotes comme Loris Capirossi, et fit même effectuer ses premiers tours de roues sur une 125cc à Valentino Rossi en 1993 ! Paolo Pileri, vaillant champion du monde remarqué pour son abnégation et son talent brut, nous quitta en 2007 d’une maladie.

Connaissiez-vous ces deux pilotes ? Dites-le nous en commentaires !

 

Le regretté Renzo Pasolini et Kel Carruthers lors du Grand Prix des Pays-Bas 1970. Photo : ANEFO

Photo de couverture : ANEFO