pub

Jacky scrute toujours attentivement les performances de tous les pilotes dans toutes les catégories, et entretient depuis longtemps des liens étroits et approfondis avec la plupart des techniciens du paddock.

Nous avons fait appel à son expérience et son sens de l’observation pour faire le point sur les Championnat du Monde Grands Prix et Superbike. Après les GP, voici aujourd’hui la deuxième partie concernant le SBK.

Johnny Rea semble écraser le Championnat du Monde Superbike avec cinq titres consécutifs, mais en y regardant de plus près il a été sérieusement menacé par les 11 victoires d’affilée de Álvaro Bautista et de Ducati au début de cette année. Rea est-il un géant aux pieds d’argile ?

« Effectivement, la surprise a été Bautista, le nouveau venu, qui découvrait un certain nombre de circuits, sur une moto nouvelle, même si cette machine avait des caractéristiques proches des MotoGP, donc il était un peu moins perdu que ses coéquipiers, notamment Chaz Davies qui avait du mal à s’y adapter. »

« On a vu un début de saison absolument tonitruant d’Álvaro Bautista, et puis d’un seul coup tout s’est calmé, si je puis dire. Il s’est mis à tomber, à avoir des soucis et à douter. A ce moment-là, Johnny Rea qui est un fin calculateur et un excellent champion, avait déjà engrangé un certain nombre de deuxièmes positions et les points qui vont avec. »

« Quand il a vu la domination de Bautista et de la Ducati, il était fou parce que la Panigale était nettement plus rapide que sa Kawasaki, et donc là il s’est mis à douter lui aussi. Mais au moment où tout a été bouleversé, lui a su rebondir et reprendre l’avantage. Il a été d’abord deuxième presque à chaque course, et même s’il a eu une période de doute quand il a vu que l’autre accumulait les victoires, d’un seul coup tout a changé. Donc il a démontré une nouvelle fois son potentiel, son intelligence, parce qu’il a su ne pas aller au-delà de la limite, et donc ne pas tomber. »

« Il fait partie des pilotes qui savent compter et qui pensent qu’en accumulant les points ils peuvent terminer au moins vice-champion, parce que je pense qu’à un moment donné c’est ce qu’il a commencé à se mettre en tête. Et puis le vent a tourné ! »

Toprak Razgatlioglu est d’après l’avis de Johnny Rea un futur Champion du Monde. Son avenir était tout tracé chez Kawasaki, quittant Puccetti Racing pour remplacer Leon Haslam au sein de l’équipe officielle KRT. Puis le manager personnel de Toprak, Kenan Sofuoglu, a été outré qu’il ne roule pas aux 8H de Suzuka alors qu’il faisait partie de l’équipage vainqueur. Il l’a immédiatement signé chez Yamaha. Etait-ce une bonne idée ?

« C’est effectivement tout ce qui s’est passé. Sofuoglu a été absolument vexé de la situation aux 8 Heures de Suzuka. Chez Yamaha, cela a créé une très bonne opportunité pour eux de recevoir un pilote comme celui-là parce qu’il a démontré à plusieurs reprises l’étendue de son talent. Par exemple à Magny-Cours il a gagné la première course de manière époustouflante. Mais là où je trouve qu’il a été encore plus impressionnant, ça a été en remportant la petite course de 10 tours du dimanche, alors qu’il partait en dernière position. Et là il a remonté tout le monde une nouvelle fois, sur une course très courte. »

« C’est un pilote exceptionnel qui a beaucoup d’avenir. Il est très réservé et très timide. C’est une bonne opportunité pour Yamaha. Cette moto ne cesse de progresser. Sera-t-elle au niveau de la Kawasaki l’année prochaine ? Je ne le sais pas, mais avec lui dessus ça peut être intéressant. Il a une revanche à prendre et ça risque de faire du beau spectacle. »

Penses-tu que, chez Ducati, Scott Redding réussisse là où Álvaro Bautista a échoué ?

« Bautista a été la surprise et la révélation du début de l’année. Puis ensuite il a fait preuve d’irrégularité. En MotoGP, on était habitué à le voir faire des coups d’éclat par le passé. Je pense que Scott Redding lui aussi a une revanche à prendre. Il a brillé cette année en Championnat britannique puisqu’il l’a remporté. Moi j’y crois, à Scott Redding. »

« Sur la longueur de la saison, il n’aura peut-être pas la régularité d’un Johnny Rea, qui lui est aguerri. Mais je pense qu’il peut vraiment faire de très belles choses. Ça devrait être intéressant. Très intéressant. »

Bautista est passé chez Honda. Comprends-tu la stratégie actuelle de Honda ?

« J’ai un peu mal, c’est vrai, moi aussi. Au vu de ce qu’a fait Bautista, il a un fort potentiel, c’est un très bon pilote. Mais j’avoue que j’ai été surpris quand Honda l’a choisi, en lui faisant une offre financière très intéressante, parce qu’on l’a vu perdre complètement confiance, tout rater. Donc est-ce le moment pour Honda d’aller choisir ce pilote-là ? »

« J’apprécie Bautista, dont je ne souhaite pas dire de mal, mais il n’a peut-être pas les reins aussi solides ou les épaules aussi larges pour aller maintenant apporter le titre à Honda. »

« Il y a une nouvelle moto chez Honda, mais aussi une organisation très structurée. Ils vont se baser en Espagne et sont en train de monter toute l’équipe avec des gens compétents. Donc Honda revient en force, dans un effort suivi de très près par tous les responsables japonais. »

« J’ai été encore plus surpris par le deuxième pilote Leon Haslam, alors que les responsables m’avaient dit que c’était un des deux pilotes japonais qui allait récupérer cette position. Ils ne se sont peut-être pas avérés suffisamment rapides, donc ils ont pris Haslam. C’est une écurie un peu surprenante, si je puis me permettre. »

Yamaha est la marque qui dispose du plus grand nombre de pilotes officiels ou assistés. N’y a-t-il pas un risque de dispersion ?

« Oui et non. De toute façon, toutes les motos sont préparées au fief européen de Yamaha Motor Racing à Lesmo – à côté de Monza. Chaque team est géré indépendamment, toutes les motos sortent du même moule, donc pour moi, c’est non. Il y a l’équipe officielle et les teams satellites. Donc il y a beaucoup de travail au siège italien, mais chaque structure est complètement indépendante. »

Enfin en Supersport, que penses-tu de Randy Krummenacher, Champion du Monde sur une Yamaha, qui quitte la meilleure moto de la catégorie pour passer sur une MV Agusta ?

« C’est un nouveau challenge pour lui, de toute manière. La Yamaha a démontré effectivement tout son potentiel ces dernières années. Et la MV Agusta n’est pas si loin que ça. On a vu Raffaele de Rosa faire de belles choses. Je suppose qu’ils vont pouvoir progresser encore un petit peu et je ne serais pas surpris qu’il soit lui aussi régulièrement sur le podium. »

« De là à aller remporter le titre, je lui souhaite, mais il va être un peu seul contre tous. Quoi qu’il en soit, ça va être pour lui un nouveau challenge très intéressant. »

Photos © worldsbk.com, Kawasaki, Ducati, Paddock-GP.com