pub

Vendredi dernier, nous nous sommes rendus à la dernière journée du bLU cRU CAMP #3 organisé par Yamaha dans le nord de la France.

C’est sous un ciel parfois gris que nous avons observé une trentaine de jeunes pilotes de vitesse (17) et de cross (13) âgés de 10 à 18 ans (20 ans pour les filles) pratiquer de très nombreuses activités devant un énorme panel de toutes les formes de la presse, allant des influenceurs sur Youtube aux télévisions et radios nationales en passant par la presse écrite et internet, tout ce petit monde étant réuni dans la bonne humeur et dans les meilleures conditions sur le circuit du Pôle mécanique de Clastres.

Pour nous expliquer le pourquoi du comment de ce stage de quatre jours dûment encadré par des formateurs professionnels et les meilleurs pilotes Yamaha, à l’image de Fabio Quartararo, Mathieu Gines, Jules Cluzel, Milko Potisek, Adrien van Beveren, Milko Potisek, Christophe Guyot, Alexandre Morel et Jean-Claude Moussé, qui aurions-nous pu avoir de mieux que Eric de Seynes, le toujours aussi passionné et investi patron de Yamaha Motor Europe ?

Eric de Seynes : « Il y a plusieurs buts ! Depuis toujours, Yamaha est profondément ancré dans le monde de la compétition, puisque 10 jours après la création de la société, on participait à notre première course que l’on avait la chance de gagner. L’ADN de la compétition a toujours fait partie de Yamaha.
On a deux filières : on a une filière d’excellence qui est le MotoGP. D’ailleurs, dans les Grands Prix, Yamaha n’est qu’en MotoGP et notre vocation est d’être au sommet de la technologie et d’avoir des meilleurs ingénieurs. D’ailleurs, un ingénieur qui gagne en MotoGP, sa récompense est de revenir aux produits de série et d’être en charge du produit pour le client de demain. On n’est pas dans une logique où, quand vous êtes ingénieur en MotoGP, vous y restez ad vitam aeternam. C’est un passage où vous devez montrer votre talent, et si vous êtes bon, on va vous mettre sur les produits les plus importants vis-à-vis de la clientèle de demain.

Ensuite, il y a la filière sportive, et c’est notre responsabilité au niveau de l’Europe. Le MotoGP, c’est le Japon, c’est l’ingénierie, c’est le développement et l’innovation. Nous, Yamaha Europe, c’est le sport. Le sport a toujours fait partie de l’ADN de Yamaha, et surtout le sport reste encore dans la moto un lien formidable fort entre le client et la marque : on croit à ce lien de partage ! Dans la moto, on n’a pas des budgets marketing qui nous permettent de faire des campagnes de pub de manière puissante, et l’investissement en compétition, pour nous Yamaha Europe, c’est plus de la moitié de notre investissement global en termes de marketing et de communication par année. Donc 55 % de nos dépenses, c’est la compétition !

Quand vous avez la chance d’être leader du marché en France depuis 25 ans, vous avez une responsabilité morale : être numéro un du marché, ça ne s’achète pas ! C’est le résultat de vos efforts, à la fois sur le plan produit, sur le plan de la distribution, mais aussi sur l’engagement de la société de la communauté moto. Et pour nous, notre engagement est en compétition.
On s’engage vraiment parce qu’on considère que c’est de notre responsabilité de marque à faire en sorte qu’aujourd’hui le haut niveau soit nourri par un certain nombre d’échelons inférieurs dans lesquels un pilote Yamaha doit pouvoir s’exprimer, doit pouvoir être détecté et reconnu, puis aidé pour passer à l’échelon suivant. Ce qui fait que cette filière bLU cRU, c’est une filière de responsabilité de notre engagement, qui fait en sorte qu’au fur et à mesure des années on a pu descendre étage après étage pour mettre en place des structures professionnelles qui accompagnent, qui soutiennent, qui détectent, et qui surtout permettent aux jeunes de passer à l’étape d’après. On a choisi la filière dans la vitesse Superbike parce qu’en MotoGP, qui sont des prototypes, les budgets pourraient être dangereux. En moto, s’il y a quelque chose qui ressemble le plus à la Formule 1, c’est le MotoGP, et moi je n’ai pas nécessairement envie de soutenir ce qui ressemble à la Formule 1, car je trouve qu’aujourd’hui le filtre de l’argent devient beaucoup trop important. Je préfère le filtre du sport ! On a la chance d’avoir une filière vitesse dans la moto qui est le Superbike, le Supersport 600 et le Supersport 300, qui sont des motos issues de la série, et où les budgets n’ont rien à voir.

Aujourd’hui, une saison en 300 c’est à peu près 70 000 €, en 600 c’est environ 200 000 €, et en Superbike, on va dire que vous êtes dans un team et on va dire que c’est à peu près entre 500 000 € et 1 million par pilote. Ça reste donc encore dans des eaux économiquement possibles, sur lesquelles nous on peut jouer un rôle d’accompagnement. C’est la raison pour laquelle on a encouragé les championnats nationaux à s’aligner sur les règlements techniques du Superbike et du Supersport, et petit à petit à descendre dans les catégories.

Et là, vous pouvez commencer à travailler de manière légitime, avec des motos qu’on voit ici en Promosport, puis en Championnat de France 300, puis dans les championnats internationaux. On est vraiment dans cette logique de construction là !

En motocross, évidemment, c’est plus facile puisque même en motocross mondial MXGP 450, vous prenez une moto stock, vous lui mettez une paire de suspensions, vous y allez avec un gros cœur, et globalement vous pouvez faire du top 10. Donc globalement, on a la chance d’avoir techniquement un accès aux produits qui est assez facile. Donc l’enjeu, c’est de détecter le bon pilote, de savoir où sont les bons.
Quand on fait un camp comme le bLU cRU, ça veut dire qu’on a ici 30 jeunes Français qu’on a pu identifier, qui ont fait acte de candidature, et pour lesquels on a noté un package talent de pilotage–mental, motivation, implication et compréhension des enjeux de la course. Parce que la course est exigeante et le mental joue une part extrêmement importante. Dans la moto, on sait tous ce que le pilote est encore dominant, quelle que soit la discipline. Ici, on se donne la chance que dans toutes nos formules de promotion, toutes nos formules qui permettent d’accompagner les différents échelons, on tient aussi compte du mental, on arrive à détecter, et ça nous permet d’être sûr de ne pas rater un pilote. Peut-être que celui qu’on ne rate pas ici en France ne sera jamais champion du monde, mais au moins, à l’échelle des capacités et des potentiels qu’on a en France, nous en tant que constructeur on a l’impression d’avoir assumé notre engagement moral et d’avoir pu participer à ne pas en rater un et leur donner leur chance.

C’est maintenant la troisième édition du bLU cRU Camp, et on a plein d’exemples à ce sujet : toute cette pyramide qui s’est consolidée, plus ces initiatives qui sont mises en place, permettent de dire que sincèrement je ne pense pas qu’on a raté beaucoup de pilotes. Aujourd’hui, il y a des jeunes, comme un garçon comme Andy Verdoïa, qui avait été repéré sur un bLU cRU. On l’a accompagné, car il avait suivi la filière dite espagnole qui est censée mener au MotoGP. Mais les parents étaient épuisés et moi j’ai été effaré de voir qu’ils se faisaient entre guillemets escroquer par des teams qui ne voyaient qu’un porte-monnaie et piquaient 100 000 € aux parents pour une moto quelconque. Andy se perdait donc nous on l’a ramené dans la logique bLU cRU et Supersport, et il a fait deux années de championnat du monde 300 où il a fait podium. Là, on lui a payé une saison en 600, on a vu qu’il n’était pas encore au niveau pour aller batailler devant et on lui a dit  » retourne en Italie, il y a du niveau, roule là, prend le titre et là tu reviens en 600 dans un team manager « . On essaie de l’accompagner au mieux. Moi, un garçon comme Andy Verdoïa, je l’ai au téléphone tous les 15 jours ! Ça veut dire que quand je dis que c’est un engagement moral de la marque, c’est aussi un engagement moral des hommes qui composent la marque. Je ne suis pas le seul : on est tous dans cette espèce d’engagement ! On ne peut pas jouer ce rôle sur les marchés, et notamment en catégorie cross et vitesse, si on n’a pas cette implication là. Le bLU cRU, c’est tout ça ! On parle souvent du bLU cRU en tant que teams des pilotes, mais ce sont aussi les hommes de la marque qui doivent être à la hauteur de l’engagement des pilotes. »

Clairement, l’idée ici, c’est que les meilleurs qui sont là sont en général aujourd’hui dans un niveau où ils devraient ensuite participer à nos challenges internationaux. Ça veut dire qu’au niveau motocross, on a un challenge bLU cRU 125 YZ qui fait que les meilleurs de tous les pays en Europe qui performent en 125 YZR, autour de 15–16 ans, sont invités chaque année sur une grande finale en ouverture du motocross des Nations. Ils roulent donc sur un grand circuit devant la presse et le vainqueur est systématiquement intégré dans un team international en championnat d’Europe, soit en 125, soit en 250. C’est nous qui payons et il intègre déjà une filière. On a un très bon exemple ici qui vient coacher, qui est Thibault Bénistant, qui a fait cela et qui a remporté le titre européen 125, le titre européen 250, qu’on a intégré dans notre team usine 250 pour sa première saison, et il a gagné sa première course dimanche dernier alors qu’il doit avoir 17 ou 18 ans. C’est un pur produit de cette filière là !

En vitesse, on a exactement la même chose, et j’ai discuté avec plusieurs jeunes mercredi dernier en leur disant  » prochaine étape, c’est notre coupe européenne R3 « . J’étais à Assen le week-end dernier : on a 24 pilotes, 11 nationalités différentes, ils ont tous la même moto, ils roulent tous exactement à égalité puisque la moto ne leur appartient pas, et pour 35 000 € de budget, en général un tiers apporté par les parents et le reste par des sponsors qu’ils ont déjà, ils se retrouvent sur un championnat international en ouverture du Championnat du Monde, et le premier intégrera l’année prochaine le team MS Racing qui est un de nos teams support en 300 pour participer au Championnat du Monde, sans payer quoi que ce soit. Et si jamais il y fait bien, il intégrera le 600 et c’est parti. Donc ce qui est très important aujourd’hui, c’est que je pense qu’avec la crédibilité sportive qu’on essaie d’apporter à cette filière qui est issue des motos de série, il y a moyen d’y avoir un pont ensuite en MotoGP et en Superbike. On fait le pari de prendre des jeunes pilotes en Superbike et non pas des retraités du MotoGP. Toprak (Razgatlıoğlu) a 21 ans, Garrett (Gerloff) à moins de 25 ans. Locatelli, qui est passé par le Moto2 et n’avait plus les moyens financiers, a pris le titre 600 et on l’a amené en 1000 cette année, donc j’étais super content qu’il fasse son premier podium. Ce sont des pilotes pour qui, aujourd’hui, ce sont les teams MotoGP qui toquent à la porte !

Toprak, et c’est tout à fait respectable, dans sa vocation sportive il veut être champion du monde Superbike ! C’est-à-dire que pour lui, aller en MotoGP n’a pas de sens tant qu’il n’a pas montré qu’il était champion du monde Superbike. C’est son objectif sportif ! Du coup, on a reçu signer deux ans avec lui en disant  » on va se démerder, tu vas l’être, mais après on est prêt pour le MotoGP si tu as envie « . C’est super, car le cheminement est clair. Garrett, c’est un peu plus ambigu car le MotoGP lui a bien plu quand même (sourires) et il trouve ça sympa, mais il a bien vu aussi qu’il n’était peut-être pas au degré de maturité pour se battre pour se battre devant ou dans le top 10. Il considère donc qu’il est encore dans l’apprentissage des circuits européens qu’il connaît mal, et qu’aujourd’hui les conditions dans lesquelles il est, sans trop de pression mais qui lui permettent quand même de briller et de mettre de temps en temps ses fesses sur une MotoGP, c’est peut-être le bon compromis, et pour le moment on va continuer comme ça. Donc c’est très mûri et moi je pense que c’est top d’avoir des clients qui sont en Superbike et qui disent  » Le MotoGP ? Oui, un jour, mais non, pas maintenant « . C’est vraiment bien parce que ça veut dire que sportivement, l’enjeu et ce qu’ils vivent aujourd’hui en Superbike correspond à leur progression sportive.

Donc la filière, elle est valide, et moi je me bats contre le fait qu’il y a une espèce de snobisme dans notre milieu à considérer que c’est du menu fretin, et que la filière divine est de passer par le Moto3 et le Moto2. Mais à 450 000 € la saison en Moto3, on fait quoi ? Ça ne rime à rien ! On ne peut pas baser l’avenir de notre sport sur une filière aussi coûteuse. Donc nous, on a joué la contrepartie, même si malheureusement on est un peu tout seul (rires). J’aimerais bien que nos concurrents nous suivent, et j’espère qu’on va arriver à les convaincre, mais en tout cas, nous on fait le job. »

A suivre avec une confession sur Johann Zarco/Fabio Quartararo...

Tous les articles sur les Pilotes : Andy Verdoïa, Fabio Quartararo