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Après avoir perdu le dernier titre mondial d’endurance dans les toutes dernières minutes des 8H de Suzuka, les membres du Suzuki Endurance Racing Team étaient d’autant plus déconfits que c’était aussi la dernière course de Dominique Méliand, le « chef » et la figure emblématique du SERT depuis 50 ans.

Dix fois Champion du Monde d’endurance, toujours avec le SERT, Vincent Philippe en est arrivé à un tournant de sa carrière. Dans une entrevue qu’il nous avait aimablement accordé, son point de vue était sans équivoque « Il faut profiter de ce changement au niveau de la Direction du SERT pour évoluer vers le modernisme, le dynamisme. » Vincent, es-tu satisfait de la nouvelle organisation ?

« Les deux jours de test se sont vraiment bien passés. Il y a évidemment de nouvelles têtes, comme promis, beaucoup de bonnes individualités. Après, la difficulté en endurance, c’est toujours de créer cette mayonnaise, ces liens entre chaque poste, pour que ça fasse une équipe très forte. »

« Les surprises ont été positives, avec surtout le soutien des Japonais, dont Yoshimura et des personnes du MotoGP, afin de former cette nouvelle équipe pour qu’elle devienne un team professionnel. Ce soutien est important car il met en valeur l’implication des Japonais. Il y a de bonnes bases pour faire quelque chose de bien. »

Y-a-il eu beaucoup de départs dans le sillage du « Chef », chez les employés permanents comme chez les bénévoles (très importants en endurance) ?

« Il n’y a quasiment plus personne de l’ancien SERT. Tout le monde a un petit peu déserté, car il est vrai que ces trois dernières années ont été très éprouvantes. Ça a pesé dans la balance. L’usure a été difficile à supporter et a disloqué cette équipe. »

« Donc quand on n’a plus son leader, son « gourou », ça se termine et c’est normal. Certains permanents auraient pu rester, mais l’ambiance de ces derniers temps les a incités à partir. Il y a donc plein de nouveaux, qui ont de l’expérience. »

« Là il y avait vraiment beaucoup de monde dans le box – ce à quoi je ne m’attendais pas. Damien Saulnier* a eu peur de l’évènement car ça s’est fait très tardivement. Il faut maintenant que tout le monde trouve sa place, se sente chez lui, et qu’il y ait une hiérarchie pour que demain ça coule de source. »

*Le nouveau responsable du SERT

L’arrivée des 8 Heures de Suzuka a été hallucinante, tant pour la victoire avec la chute du leader Johnny Rea dans les 5 dernières minutes, qu’avec la casse de votre moteur juste avant, quand vous aviez le titre mondial dans la poche. Comment as-tu vécu ses instants incroyables ?

« Franchement, j’aimerais ne pas en parler parce que… »

OK, tu n’es pas obligé.

« Je crois que c’est un des pires souvenirs de ma carrière. Perdre un titre de Champion du Monde et une année de travail dans les cinq dernières minutes, c’est du jamais vu. »

« J’ai mis du temps à absorber la défaite et la déception. A la maison, j’ai été assez exécrable pendant plusieurs jours, voire semaines, puis le temps a fait son travail et maintenant les vacances m’ont fait beaucoup de bien. »

« Donc nouvelle aventure, nouvelles têtes, ça rafraichit, ça fait presque du bien. Je vais de l’avant, même si ça restera une des plus grosses défaites de ma carrière. »

« Tu nous avais parlé de tes adversaires les plus redoutables l’an dernier. Quels sont-ils pour cette saison ?

« Franchement ce sont les mêmes (rires) ! On a vu la saison dernière qu’il était très compliqué de gagner une course. Par contre gagner un Championnat, on est encore capable de le faire. »

« La moto a été bonne toute l’année, sauf au Japon où ça n’a pas été un problème fondamental, mais un dérèglement de l’électronique qui a fait casser le moteur. Donc on est très confiants par rapport à nos résultats futurs. »

« Mais nos adversaires n’ont pas régressé et au contraire ils avancent. En endurance la concurrence entre les manufacturiers de pneumatiques est très développée. Nos adversaires restent les mêmes, ce sont les marques équipées de pneus d’une marque japonaise* que je ne citerai pas. Kawasaki a été Champion du Monde avec des Pirelli, mais attention aussi à l’arrivée des Michelin, qui ne fournit pas encore des teams de pointe pour gagner des courses. »

*(Ndlr : Bridgestone pour FCC TSR, le YART, mais aussi KRT uniquement au 8 H de Suzuka).

« Notre moto n’a pas évolué, mais pas contre les nouveaux arrivés dans l’équipe ont de bonnes idées et ne se retranchent pas dans le confort. Là on a testé pendant ces deux jours des trucs qu’on n’avait jamais essayés. »

« Sortir de notre zone de confort sera peut-être (?) la bonne solution pour évoluer avec la moto et les Dunlop. On a mis du temps à comprendre cette moto, en particulier au niveau de l’électronique. »

« Toutes ces nouvelles têtes et les Japonais vont essayer de nous aider à sortir de cette zone où on était pour explorer de nouvelles choses et franchir des étapes pour aller chercher des victoires. »

« Ce n’est pas évident. Je n’ai aucune certitude. On a vu lors de ces tests du Bol d’Or que ça allait très vite. Mais il y aura des courses de 24 heures, où on sait qu’il y a beaucoup de casse (chutes, erreurs de pilotes, machines soumises à rude épreuve). »

« On a une carte à jouer. Gagner est une autre paire de manches, mais il arrive tellement de choses que c’est rarement le même qui gagne, donc on peut toujours rêver. Il faut croire en nos chances. »

Que penses-tu de l’arrivée de l’usine BMW et du départ de la Honda n°111 ?

« La BMW est très rapide. Le retrait de la 111 est regrettable car ça fait deux places de moins pour les pilotes. »

Photos © Davis Reygondeau pour FIM EWC