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Ce « Spy Attitude » est un peu inhabituel puisqu’il commence par une interview exclusive d’Hervé Poncharal dont les deux premières parties se trouvent ici.

Pourquoi ?

Cela apparaît a priori contradictoire avec la nature même de notre série d’articles inquisiteurs, puisqu’il semble évident que le big boss du team Tech3, malgré les excellentes relations que nous entretenons avec lui, ne va pas nous livrer le moindre secret concernant la Yamaha M1 qu’utilisera probablement Johann Zarco la saison prochaine…

Mais il y a tellement eu d’articles dans la presse à ce sujet qu’il nous semblait indispensable de faire le point le plus précis possible avec celui qui en savait sans doute le plus !


Hervé Poncharal, on a entendu et lu un peu partout que Johann ne disposerait pas d’une moto d’usine l’année prochaine. Que pouvez-vous nous dire ?

Hervé Poncharal : « Bon, peut-être que les choses pourront évoluer lors des négociations dont je vous ai parlé pour 2019 et 2020 quant au statut de Tech3 (voir ici). Mais pour 2017 et 2018, dans le contrat qui nous lie à Yamaha, rien n’est précisé quant aux spécifications de la machine, rien ! Ils doivent juste me fournir des M1. De toute façon, cela ne voudrait rien dire car pour Yamaha, notre modèle de l’année prochaine sera un modèle 2018, même si on sait que ce sera une moto qui a roulé en 2017 et que le vrai millésime est 2017. Cette année, on roulait avec une 2016, mais chez Yamaha, elle s’appelait Zarco 2017. Donc c’est très compliqué, mais de ce que l’on m’a dit à Valence, et qu’on nous a reconfirmé à Sepang, et que vous avez d’ailleurs relaté à la suite de la conférence de presse à Valence (voir ici), il est clair que, à moins qu’il y ait un changement de dernière minute, il y aura deux pilotes « full usine » avec les motos 2018, avec les dernières évolutions et qui seront en permanence updatées tout au long de la saison, c’est Valentino Rossi et Maverick Vinales.
De ce que je sais aujourd’hui, le 12 décembre, Johann Zarco aura le même traitement et le même type de support qu’il aura eu cette année en 2017. Et il y aura, entre guillemets, le même écart qu’il y a eu cette année. Alors cette année, l’écart n’était pas très important, ce qui nous a permis de faire les perfs que l’on connaît. Alors est-ce que l’année prochaine, ils vont trouver des développements et que l’écart sera plus grand, c’est possible mais je n’en sais rien. Mais en tout cas, Yamaha a confirmé qu’ils ne feraient pas ce que Honda a fait avec Crutchlow, où là, le matériel est du même millésime, et ce que fait Ducati avec Petrucci, où là aussi le matériel est du même millésime. En fin de compte, chez Ducati et chez Honda, il y a trois pilotes d’usine, même si le troisième est dans une structure indépendante. Ça, Yamaha nous a dit qu’ils ne le feraient pas et qu’ils ne changeraient pas leur manière de gérer leur implication en MotoGP, au travers de leur équipe officielle et de l’équipe indépendante satellite qu’est Tech3. »

Techniquement, Valentino Rossi a déclaré qu’ils allaient utiliser des châssis 2016…

« C’est la base de départ pour les tests à Sepang, mais de toute façon, ils ne feront pas le Grand Prix du Qatar avec ça, c’est sûr. C’est juste la base de départ. Après, comment ils vont la faire évoluer, je ne sais pas. »

Pour Johann, ce sera plutôt une 2017…

« Oui, pour l’instant. »

Les cadres 2016 et 2017 étant globalement très similaires, la principale différence se situerait au niveau du moteur…

« Il y a trois différences. La principale, je pense que ce sera le moteur, mais vous avez aussi un élément important qui sont les suspensions. Plus le package aérodynamique. Ce sont les trois choses, parce que le reste…
Le nouveau moteur, on le sait, ne sera disponible que pour Rossi et Vinales. »

À ce sujet, il y a toujours eu une différence entre vos moteurs et ceux du team usine. Certains chiffres ont même récemment fuité dans la presse… Peut-on en parler ?

« Tout ce que je peux vous dire, moi, Hervé Poncharal, propriétaire du team Tech3 MotoGP, c’est que, et cette année 2017, et en 2018, on n’a pas eu et on n’aura pas les mêmes moteurs. Mais je ne rentrerai dans aucun détail quant aux différences techniques. Yamaha nous a fait vivre 20 années magnifiques, on travaille ensemble main dans la main, il y a des accords, et dans ces accords, il y a entre autres une confidentialité sur le plan technique que je respecte. J’ai toujours dit ce que j’avais à dire, que ce soit politiquement correct ou pas, mais c’est tout à fait logique qu’il y ait des choses qu’on ne puisse pas dire car on est quand même au niveau le plus élevé du sport moto, et il y a des investissements énormes qui se font sur des technologies. Les constructeurs investissent énormément et quand ils trouvent un petit quelque chose, on n’a pas à rentrer dans les détails des spécifications techniques de notre package ou de celui de l’usine. S’il y a des observateurs qui arrivent à déceler des choses, tant mieux pour eux, mais c’est le jeu du gendarme et du voleur, et en tout cas, en tant que team Yamaha, je ne peux rien dire si ce n’est qu’on n’aura pas le même moteur. »


Une fois ces précisions apportées par Hervé Poncharal, et nous l’en remercions grandement, nous avons donc endossé notre costume de « voleur », ou plutôt  « d’espion » comme le titre de l’article l’indique, pour étudier en détails, grâce aux photos à notre disposition, les motos utilisées par Johann Zarco lors des tests de Valence et, ainsi, tenter de déterminer avec quoi il roulera la saison prochaine…

Lors des premiers essais MotoGP 2018 à Valence, puis ensuite lors des essais privés à Sepang, le pilote français a donc eu la possibilité d’essayer différentes versions des Yamaha 2017 afin de dégrossir son opinion sur chacune d’entre elles et, éventuellement, choisir celle avec laquelle il fera la saison 2018.

Le problème pour nous, pauvres amateurs de technique éduqués par les photos en noir et blanc de Moto Journal à l’époque des Yamaha TZ, c’est que cela fait bien longtemps que, chez Yamaha comme chez Honda et à l’opposé de Ducati (voir ici), il est très difficile de voir des différences à l’œil nu entre les différentes versions d’une moto, puisque l’on se contente maintenant de travailler sur les rigidités, la répartition des masses et la géométrie. Néanmoins, il en existe quelques-unes, et nous pouvons tenter de défricher quelque peu ce qui se passe dans les box, une fois les portes fermées…

Lors de la première journée d’essais à Valence, Johann Zarco a essayé une M1 2017 dont le cadre possède la particularité d’avoir reçu un renfort soudé. Le pilote français s’en est déclaré très satisfait (voir l’intégralité de ses déclarations ici) et a même frôlé son meilleur temps en qualification (pour ceux qui ne savent pas encore reconnaître une 2017, il est encore temps !).

 

Même si Johann Zarco ne veut pas le savoir lui-même (voir interview de Guy Coulon ici), nous avons cherché à identifier ce cadre. Il apparaît qu’il s’agit du cadre que nous appellerons V2, essayé aux test post-Barcelone et utilisé à partir d’Assen puis, comme sur la photo ci-dessous, en Allemagne.

Le deuxième jour des tests à Valence, le pilote français disposait d’un autre cadre 2017, qui ne présentait plus cette soudure de renfort. Johann Zarco semble en être encore plus satisfait car, même s’il ne lui a pas permis de battre son chrono, il est beaucoup plus facile à utiliser, gage d’une économie d’énergie payante en fin de course (voir ici).

S’agissait-il du V1 qui a gagné avec Maverick Vinales, du V3 apparu à Silverstone ou d’un éventuel V4 utilisé en fin de saison avant le retour aux sources de l’équipe officielle a Valence en utilisant les châssis 2016 ?

Malheureusement, nous n’avons noté aucune différence permettant de différencier à l’œil nu ces différentes versions, seules des rigidités différentes dans certaines zones et des répartitions de poids les distinguant… 🙁

C’est là que Lin Jarvis nous vient en aide en ayant déclaré dans une interview publiée par La Gazetta dello Sport le 21 novembre à propos de la future moto de Johann Zarco : « la 2016 n’est pas une bonne moto pour gagner. Assurément, nous ne lui donnerons pas la moto de fin 2017. »

Et c’est plutôt une bonne nouvelle pour le pilote français ! D’une part cela écarte les châssis fin 2017 qui ont toujours souffert quand il y avait peu d’adhérence (que ce soit à cause de la pluie ou du revêtement) et qui n’ont jamais gagné, au profit soit du V2 avec soudure victorieux à Assen avec Rossi, soit du V1 victorieux au Qatar, en Argentine et au Mans avec Vinales…

Les passionnés français peuvent donc se rassurer; Johann Zarco aura un bon châssis en 2018 !

Reste les points évoqués par Hervé Poncharal, à savoir le pack aéro, les suspensions et le moteur.

1/ Pack aérodynamique :

En fin de tests de Valence, Johann Zarco a fait monter la dernière version homologuée par Yamaha sur sa 2017 V2. Nous ne sommes pas certains qu’il l’ait utilisée à Valence, mais, quoi qu’il en soit, elle est partie pour les tests de Sepang…

Dans le team officiel, on a essayé une aérodynamique pré-2018 sur un châssis 2016, mais celle-ci devra être modifiée avant homologation (voir ici).

2/ Suspensions :

On peut noter que les pilotes officiels Yamaha, contrairement à Marc Márquez et aux officiels Ducati, ont eu tendance à ne plus utiliser la fourche Öhlins en carbone lors des derniers Grands Prix.

3/ Moteur :

Côté moteur, s’il est vrai qu’il existe traditionnellement une différence de régime entre les motos officielles et celles du team Tech3, cela s’est traduit en 2017 par des différences comprises entre 0 et 5 km/h suivant les circuits, soit relativement peu de choses car la vitesse de pointe reste conditionnée à la motricité en sortie de virage. A voir ce que cela donnera en 2018…

Au final, Johann Zarco n’aura donc pas une moto d’usine en 2018 (constituée d’évolutions encore à déterminer sur une base 2016) mais, après ce point que nous espérons le plus complet possible, il apparaît qu’il aura plutôt une M1 assurément victorieuse en 2017, apte à défendre ses chances avec un moindre problème quand l’adhérence est faible.

En définitive, ce n’est peut-être pas plus mal, les pilotes officiels ayant incontestablement souffert à cause d’errements dans le développement de la M1 cette année…

Maverick Vinales semble d’ailleurs le confirmer en indiquant qu’il a peut-être manqué de patience: « J’aurais dû être plus strict en demandant des choses, en me fiant à mes sensations et non à celles des autres. J’essaie toujours d’être devant, dans toutes les situations et toutes les séances. Peut-être que mon erreur a été de ne pas continuer avec l’ancien châssis ».

Bref, on y croit !

 

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