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Devant la multiplicité des articles relatifs au team Tech3 et à Johann Zarco diffusés en ce moment dans la presse étrangère, nous avons eu l’opportunité de faire le point avec Hervé Poncharal, que ce soit au sujet de l’avenir du pilote français après 2018, mais aussi à celui de la machine qu’il aura à sa disposition la saison prochaine, ainsi que sur l’état de santé de Jonas Folger.

Comme à son habitude, le patron de Tech3 a eu la gentillesse de nous partager ses réponses et sa passion avec moult détails et précisions, aussi diffuserons-nous cette très longue interview en plusieurs parties.


Hervé Poncharal, de nombreux médias étrangers ont repris vos propos ces derniers temps et en dégagent une vision un peu pessimiste de l’avenir, en se basant sur le fait que motos, pilotes et partenaires ne sont pas assurés après 2018 chez Tech3. Il y a là de quoi inquiéter les passionnés français, mais qu’en est-il vraiment ?

Hervé Poncharal : « A un moment donné, il ne faut pas non plus s’inquiéter et être plus noir que noir. Par exemple, on me pose une question « aujourd’hui, est-ce que tu es certain de pouvoir garder Johann Zarco en 2019 ? ». La chose que j’ai dite à cette personne de GPone, c’est qu’il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs et que quand tu construis une maison, tu ne commences généralement pas par la toiture, mais plutôt par les fondations. Pour notre équipe, comme pour la plupart, tout arrive à terme fin 2018 : notre contrat avec notre constructeur Yamaha, nos contrats avec l’intégralité de nos partenaires financiers et techniques, et nos contrats avec Johann Zarco et Jonas Folger. Donc durant la saison 2018, je vais essayer de trouver des solutions pour être opérationnel pour 2019 et 2020, puisque généralement la plupart des contrats se signent pour deux saisons.

Donc, la première chose, avant d’aller voir mes pilotes et mes sponsors, je dois valider la prolongation avec Yamaha. Parce que si je dis à Johann « tu signes avec moi pour 19 et 20 ? », Il va me répondre « avec quoi, comme motos ? ». Et c’est normal !

Donc, jusqu’à présent je ne me suis jamais fait trop de soucis puisque j’en suis à ma 20e saison avec Yamaha mais maintenant, comme vous l’avez déjà relaté plusieurs fois sur Paddock-GP, on sait qu’il y a une possibilité que Valentino Rossi ait une équipe MotoGP dans un proche avenir. À mon avis, il l’aura. Je ne pense pas que ce soit en 2019 parce que mon feeling, et uniquement mon feeling, me dit qu’il courra au moins en 2019, et peut-être en 2020. Mais quand j’ai posé la question à Yamaha, plusieurs fois durant la saison 2017, on m’a dit que pour l’instant, on ne pouvait pas s’engager à 100 %. Donc, c’est comme pour les courses ; tu ne sabres pas le champagne avant le dernier tour ! On a vu ce qui s’est passé à Valence… Donc il faut attendre et tant que je n’ai pas signé mon contrat avec Yamaha, j’aurai toujours un doute.

Il n’y a pas péril en la demeure ni le feu à la baraque mais si on me pose la question de savoir si je peux garder Johann Zarco, je réponds que pour l’instant, je ne suis même pas sûr d’avoir des Yamaha ! Après, même si on a des Yamaha, je pense que Johann devrait et aura des propositions émanant d’usines. S’ils ne le font pas, c’est qu’ils ne sont pas très clairvoyants. Est-ce que ce sera d’une ou de plusieurs ? Pour moi, ce sera de plusieurs. Est-ce que ce sera de Yamaha ? Je ne sais pas car si Rossi et Vinales re-signent, ça va être compliqué. Mais je ne sais pas ce que fera Suzuki, je ne sais pas ce que fera Ducati, je ne sais pas ce que fera KTM, mais à mon avis, Johann aura des propositions pour s’engager avec une usine en 2019/2020. Et il le mérite largement ! Alors oui, nous on aimerait le garder. Parce que Tech3, écurie française, Johann Zarco pilote leader en France du MotoGP, et surtout, l’aventure qui a eu lieu en 17 et qui va se prolonger en 18, c’est fabuleux et on a tous envie de prolonger le moment.

Maintenant, il faut aussi savoir que même si nous avons envie de le garder, ce que les fans veulent surtout, c’est voir un pilote français qui peut enfin se battre pour gagner des victoires à la régulière et se battre pour le titre de champion du monde. Et on sait que pour pouvoir se battre régulièrement tous les dimanches pour la victoire, et donc être en lice pour le titre de champion du monde MotoGP, c’est très très compliqué aujourd’hui, voir quasiment impossible, d’envisager ça au sein d’une écurie indépendante, quel que soit le niveau de l’écurie indépendante. Parce qu’il te faut tout; le dernier cri des évolutions, le dernier moteur, le dernier châssis, les dernières suspensions, les dernières évolutions aérodynamiques, etc. Donc ça ne serait que logique et ça ne serait que récompense de tout le travail, et Laurent Fellon en a parlé dans vos colonnes il n’y a pas longtemps, qui a été fait par Johann et Laurent au cours de ses nombreuses années. C’est pour ça que je dis que je ne suis pas très optimiste de pouvoir garder Johann Zarco. Ça ne veut pas dire que je suis hyper triste mais si on fait encore une super saison en 2018, dans la lignée de ce qu’on a fait en 2017, si les usines ne lui proposent pas un guidon en or, franchement, c’est à n’y rien comprendre !

Mais c’est plutôt positif, surtout pour Johann, parce qu’on veut tous, y compris les lecteurs de Paddock-GP, on veut le voir se battre pour des victoires, ou en tout cas, d’avoir la possibilité à chaque course de la saison d’être un adversaire de Marc Márquez, de Valentino Rossi, d’Andrea Dovizioso, de Jorge Lorenzo, etc, pour être challenger pour le titre. Pour l’instant, même si Johann a fait une super saison, je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de bookmakers qui le mettent comme potentiel champion du monde en 2018. »

Oui, mais se battre pour le titre aurait une saveur particulière s’ils le faisaient au guidon d’une moto d’une équipe française…

« Mais je suis d’accord avec vous ! Si vous voulez me faire dire qu’on rêverait de le garder, et bien je vous le dis ! C’est notre rêve ! Mais ça fait 20 saisons consécutives que je suis avec Yamaha, plus mes saisons avec Honda, plus avec Suzuki, donc je ne suis pas né de la dernière pluie. Je sais très bien quels sont mes atouts, mais quels sont aussi mes faiblesses. Nos faiblesses, c’est qu’on n’aura jamais la moto la plus aboutie et la plus performante de chez Yamaha, ça c’est clair.

Et il y a aussi une chose dont il faut parler, même si on n’aime pas en parler en France, c’est que ça fait des années et des années que Johann travaille comme peu de pilotes l’ont fait, alors si un jour il arrive à avoir le meilleur package technique, ce qui est quand même la priorité des priorités, et avoir un salaire plus en phase avec ses résultats, c’est aussi quelque chose d’humain et il le mérite largement. Largement ! Alors, si demain Monster me donne des budgets équivalents à ceux que peut avoir Yamaha Factory, et que Yamaha Factory me garantisse le même traitement technique que leur moto, cela pourrait se faire. Mais comme je vous l’ai dit, vu ma connaissance du milieu, ça ne se fera pas.

Vous savez, c’est comme pour votre enfant : vous ne pouvez que lui souhaiter le meilleur, et même si un jour lui souhaiter le meilleur veut dire qu’il va quitter le nid, alors vous êtes triste qu’il quitte le nid, mais quelque part vous êtes heureux de le voir progresser et atteindre ce qui était son rêve. Le rêve de Johann, évidemment que c’est d’être pilote d’usine, évidemment ! »

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