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Le dernier numéro de France Moto Magazine, le fascicule publié par la Fédération Française de Motocyclisme, comporte une intéressante interview du président Jacques Bolle que nous reportons ici.

Pour rester informés de l’actualité fédérale de la moto en France, les anciens et futurs numéros se trouvent là.


Le nombre de licenciés a donc progressé en 2017 ?

Jacques Bolle : « Oui. Il continue d’augmenter puisqu’on atteint cette année le cap des 100 000 licenciés. Nous étions à près de 97 000 l’année dernière. L’autre fait majeur, c’est l’évolution des licences vendues : si les licences compétition se stabilisent, on remarque une nette augmentation des titres pris dans une optique purement loisir. Les gens veulent pratiquer le sport moto, mais pas dans le cadre d’une compétition. Le meilleur exemple, ce sont ces motards qui prennent une licence pour rouler sur le circuit Carole, mais qui n’ont aucunement l’intention de s’inscrire à l’épreuve du Promosport qui se déroule le week-end suivant.»

C’est pareil en cross et en trial ?

J.B. : « Oui. Le phénomène est commun à toutes les disciplines moto. Ça ne concerne pas uniquement le sport motocycliste. Les gens pratiquent plus de sport qu’auparavant, ils fréquentent plus de clubs de sport, mais ils ne s’investissent pas plus en compétition. Car celle-ci impose un investissement lourd, en temps mais aussi en argent.»

Combien de Pass Circuit tout-terrain ont été souscrits cette année. Rappelons qu’il a été lancé courant 2016, alors qu’en vitesse, sa création date de 2009.

J.B. : «On en a fait 1 000 à peu près cette année. Ce n’est pas extraordinaire, mais c’est un début que l’on peut qualifier de correct, même si on est loin des chiffres atteints dans la vitesse, puisqu’il se vend plus de 20 000 Pass vitesse par an.»

Le prix des licences n’évolue pas, ou alors très peu, 5 euros pour certains titres les plus vendus, est-ce que cela signifie que le coût de l’assurance n’a pas augmenté ?

J.B. : « Il faut le souligner en effet, même si on le sait, pour une majorité, ça sera toujours trop cher ! Mais c’est exact, le coût de l’assurance reste constant pour 2018 ce qui est une énorme source de satisfaction. Maintenant, on conserve cette épée de Damoclès au-dessus de nos têtes : aura-t-on toujours un assureur en R.C ? Et à quel prix ? Je suis moins inquiet aujourd’hui qu’il y a deux, trois ans, lorsque notre réassureur, l’AMSRE, nous avait annoncé un zéro de plus sur les primes d’assurance R.C dans les 4 années à venir. Ce qui aurait porté à 500 000 euros le coût de celle-ci pour une épreuve tel que le Touquet ! Il est heureux que nous ayons trouvé un assureur anglais pour le remplacer sinon, c’était la mort du sport moto. Et puis, félicitons nous car ce changement de prestataire nous a permis de figer le montant de ce contrat, de l’ordre de 3 millions d’euros, et de geler l’inflation du coût de l’assurance.»

Comment se porte le sport moto, tant au niveau de l’activité des clubs que du nombre d’épreuves organisées ? Ça semble bien aller ?

J.B. : « Oui je vous le confirme, tout va bien. Le sport moto se porte bien et n’a pas de gros souci, hormis cette épée de Damoclès de l’assurance. Et même dans ce domaine, j’ai l’impression que l’horizon se dégage également car notre contrat avec l’assureur anglais, souscrit annuellement, va être renouvelé jusqu’en juillet 2019. L’autre bonne nouvelle, c’est que le nouveau directeur général de l’AMSRE est un ancien directeur juridique de la fédération, ce qui signifie que ce sera sans doute plus facile de travailler avec lui…»

L’autre grand chantier de l’année, c’est le regroupement des ligues. Comment ça se passe ?

J.B. :« C’est Sébastien Poirier, le directeur général de la Fédération, qui gère ce dossier et il m’a rapporté que dans 80% des cas, ça se déroule bien. Là où c’est un peu plus compliqué, on trouvera une solution.»

L’annulation récente de l’Enduro de la Mer des Sables a montré que la moto tout-terrain restait sous la menace des «défenseurs» de l’écologie. Ça reste un sujet d’inquiétude ?

J.B. : « Oui. C’est l’autre menace qui pèse sur le sport moto. Elle n’est pas aussi inquiétante que celle des assurances dans le sens où elle n’impactera pas aussi dramatiquement le sport moto, mais il est vrai qu’elle reste présente. Après, très franchement, on sent que depuis la circulaire Olin de 2005, les choses se sont un peu tassées, heureusement. Il y a des épreuves ponctuellement annulées, des clubs qui nous appellent au secours, mais il n’y en a pas plus qu’il y a cinq ans. C’est un signal positif.»

L’arrivée de Nicolas Hulot n’a pas tout bouleversé.

J.B. : «Non. Mais est-ce une surprise ? Il faut savoir que la première fois que je l’ai rencontré, c’était en 1985, ou 1986, sur le Circuit Paul Ricard. Il essayait la Yamaha 500 de Christian Sarron pour France Inter. Et si je me rappelle bien, il a participé à un Dakar.»

La sécurisation des circuits suit son cours. Est-ce que vous avez noté une incidence sur l’accidentologie des pistes de motocross ?

J.B. : « Oui. Les premières statistiques sont plutôt encourageantes. On a clairement moins d’accidents aujourd’hui qu’en 2013 ou 2014. Alors y’a t il un lien de causalité directe ? Je le pense. Mais il faudra attendre un peu pour être catégorique. Ce qui est certain, c’est qu’aucun accident n’a impliqué le public, ce qui était mon objectif prioritaire. Je ne voulais plus voir une moto de cross finir dans une zone occupée par des spectateurs. Ça a été la première mission d’Olivier Robert et de Loïc Leonce. Maintenant que cette mission est assurée, ils entreprennent la deuxième phase de leur attribution, sécuriser les pistes pour les pilotes, avec les clubs. Tout ne pouvait pas être entrepris en une seule fois.»

Vous avez racheté le circuit de motocross de SaintNolff (29) cette année. C’est le dixième achat, vous en avez d’autres en prévisions ?

J.B. : « On travaille sur plusieurs autres acquisitions en effet, quatre ou cinq au moins. Il y a notamment un terrain de trial dans le Var, mais on est en attente de la refonte du PLU… Sinon, sur un autre cas, on essaye de retrouver les propriétaires. Une tâche ardue puisqu’il y en a 28 ! Depuis qu’on a entrepris cette politique de rachat des circuits menacés, notre rythme d’acquisition, c’est presque deux aquisitions par an.»

La FFM a organisé une épreuve vélo à assistance électrique (VTTAE) cet été et pourrait devenir la fédération délégataire pour la cette discipline, ne risquez-vous pas d’entrer en guerre ouverte contre la Fédération Française de Cyclisme ?

J.B. : «Non, je ne pense pas. Déjà parce que je ne suis pas absolument certain de la motivation de la FFC à prendre la discipline sous sa coupe. Il se dit qu’elle serait partagée sur le sujet. Ensuite, il n’y aura pas de guerre pour la bonne raison qu’un juge de paix tranchera : le Ministère des Sports. C’est lui qui décidera pour la délégation, comprenez, c’est lui qui désignera la Fédération qui édictera les règles du sport. Après, même si nous ne sommes pas délégataires, rien ne nous empêchera de continuer à organiser des courses de VTTAE, comme peut le faire l’UFOLEP avec les courses moto. Après je ne suis pas certain que la compétition de VTTAE ramène beaucoup de licenciés… »

S’il ne fallait retenir qu’une performance française au terme de cette année de compétition, vous retiendriez laquelle ?

J.B. : « On a l’embarras du choix ! Le Motocross des Nations, la saison de Zarco…»

Ancien pilote vitesse, on imagine que c’est l’incroyable saison de Zarco qui remporte votre préférence…

J.B. : «Pas forcement. La FFM n’est pas engagée dans la saison de Johann Zarco, comme elle peut l’être dans le succès de la sélection tricolore lors des Nations. Je ne m’appelle pas Poncharal (ndr, le team manager de Johann). Après, évidemment, pour le sport moto en général, la saison de Zarco lui est nettement plus profitable. Je persiste à croire que pour voir des pages consacrées à la moto dans le Figaro ou le Monde, il faut que Johann signe une très bonne saison. On pourra gagner vingt Motocross des Nations de suite, ça ne changera pas grand-chose pour la grande presse généraliste… Alors que si demain, Zarco se bagarre pour le titre MOTOGP, on aura le JT de la Une régulièrement ! »

C’est un souhait ?

J.B. : «Evidemment. Pour moi, terminer ma mandature à la fédération en la voyant bénéficier d’un regain d’intérêt et d’estime auprès du grand public, ça serait magnifique.»

On peut s’attendre à un effet levier d’un possible titre de Zarco sur le nombre de licences vendues ?

J.B. : « Je le crois. J’ai encore en mémoire l’incidence de la victoire de Noah à Roland Garros sur le nombre de licenciés de la Fédération Française de Tennis. Il avait augmenté de près de 20% l’année suivante. Je suis persuadé qu’il en sera de même pour la FFM si Zarco gagne. Pas dans les mêmes proportions car il est plus compliqué de se mettre à la moto qu’au tennis, mais la tendance sera positive. En tout cas, j’aimerais, vu la beauté de notre spectaculaire sport, qu’il ne soit plus cantonné aux chaines thématiques. Et ça ne serait qu’un retour logique des choses car les Français, contrairement à ce qu’on veut nous faire croire, aiment les sports mécaniques. C’est en tout cas ce que nous avait révélé le sondage réalisé par IPSOS à mon arrivée à la Fédération ! »

Jacques Bolle Président de la Fédération Française de Motocyclisme 

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