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À ce jour, très rares sont les pilotes de Grand Prix qui peuvent se targuer d’une expérience aussi grande que celle de Randy de Puniet.

Le pilote français a en effet commencé à arpenter les circuits du championnat du monde en 1999 pour, après deux années en 125cc, cinq en 250cc et huit en MotoGP sur la Kawasaki, la Honda LCR et l’Aprilia CRT, enfiler le cuir de pilote essayeur pour Suzuki et KTM. Autant dire que son expérience est énorme et, qu’une MotoGP, il sait ce que c’est !

Mais si ses week-end de course se sont déroulés sous les feux des projecteurs, son activité de pilote d’essais est par nature restée dans l’ombre, aussi nous lui avons demandé de nous en dire un peu plus à ce sujet, ce qu’il a fait avec la gentillesse qui le caractérise.


Randy, peux-tu nous décrire, sans trahir de secrets sur telle ou telle marque, en quoi consiste une journée type de pilotes d’essais ?

Randy de Puniet: « Tout d’abord, pilote d’essai, c’est essayer de développer une moto et améliorer ses performances à tout point de vue. L’usine construit une machine et nous met cette machine entre les mains pour que l’on puisse dire quels sont les points à améliorer pour que la moto soit plus performante. On travaille en fonction de ça. En amont, les ingénieurs ont préparé un gros programme de travail et ont apporté des pièces à essayer, comme des cadres, des moteurs, des bras oscillants, bref énormément de choses sans même parler de la partie électronique qu’il faut aussi développer. Il y a donc certaines journées où on se concentre sur tel point et d’autres sur d’autres. Et quand on pense qu’on a trouvé le meilleur package, on met tout ensemble et on essaie d’obtenir la meilleure performance possible de la machine. En tant que pilote d’essai, ce qui est bien, c’est qu’on voit l’évolution du travail fourni par les ingénieurs et les pilotes. On a la satisfaction de voir les progrès accomplis, ce qui compense d’autres moments plus compliqués où, forcément, on est confronté à des problèmes techniques. Quand tout est nouveau, il y a des choses parfois difficiles à gérer, et cela peut arriver que le pilote, moi (rires), reste en cuir, assis sur une chaise pendant deux ou trois heures dans le box en attendant que le problème soit résolu. D’une manière générale, c’est très dur d’arriver à rester concentré pendant toute la journée, de ne pas commettre d’erreur, et surtout que son cerveau soit à 100 % pour analyser les choses : si on n’analyse pas bien les choses, on fait du mauvais travail. Et si on donne une mauvaise direction, ce n’est plus alors du mauvais travail mais du très mauvais travail ! C’est pour ça qu’en étant pilote test, il faut être très très honnête avec ses ingénieurs, et même si on ne sent rien, il faut le dire. Dans ce cas là, il faudra alors peut-être faire un contre-essai pour ne pas prendre une mauvaise direction, car sinon, c’est au final tout le projet qui peut en pâtir. »

Lors de la plupart des séances, observes-tu un programme préétabli par les ingénieurs, avec par exemple des pièces à essayer, ou pars-tu de la moto « brute » en signalant tel ou tel point à améliorer dès que possible ?

« En fait, au début, quand la moto arrive, il n’y a pas tellement de planning. Je roule le plus possible et je dégrossis le travail. Mais une fois qu’il y a eu plusieurs séances de faites, il y a vraiment un planning de base en fonction des essais précédents. Avec les informations qu’ils ont relevées, soit ils nous apportent carrément des nouvelles pièces à essayer pour régler tel ou tel problème, ou alors des réglages au niveau des suspensions ou de l’électronique. Tout ça dépend donc des soucis que l’on rencontre et surtout à quel stade on est du développement. Mais il m’est déjà arrivé d’essayer, sur trois jours d’essais, quatre cadres différents et deux configurations de moteur. Là, ce sont quand même de grosses choses à essayer et on ne chôme pas. »

Au moment où tu donnes ton avis sur tel ou tel point, tu connais le chrono que tu as fait ou c’est complètement dé-corrélé de ça ?

« Oui, bien sûr que le chrono est là. Mais il y a des moments où je leur demande de ne pas me mettre le chrono pour que je travaille uniquement avec mes sensations, sans me focaliser sur le chrono, car parfois, on a tendance à trop le regarder. Ce qu’il faut aussi prendre en compte quand on fait des journées de test, c’est qu’on roule souvent avec des pneus usés. Donc si on utilise un réglage avec des pneus qui ont 25 tours et que le chrono est peut-être 2/10 moins vite que son meilleur temps, il faut se dire « ah, peut-être qu’en passant un pneu neuf, je peux aller chercher cinq ou six dixièmes ». Il faut souvent prendre en compte ces choses-là. Au début, quand je demandais des pneus neufs, ils avaient souvent l’impression que c’était pour faire de la performance, mais après ils ont compris que c’était juste pour valider telle ou telle modification. Après, il faut aussi trouver le feeling avec l’équipe, mais ce qui est bien, c’est qu’on a le temps pour travailler et qu’il n’y a pas la pression d’un week-end de Grand Prix. Maintenant, des vraies journées de test, c’est de 10 heures du matin à 18 heures. C’est long, il faut rester concentré, et même si c’est des runs entre cinq et huit tours, il faut toujours rester performant et faire fonctionner son cerveau pour essayer d’attraper le moindre petit détail qui pourrait permettre de progresser le plus rapidement possible. Même dans les tours de sortie et les tours de rentrée. »

De ce que tu nous décris, les journées paraissent longues et difficiles et elles demandent beaucoup d’abnégation dans le sens où tous tes efforts sont concentrés pour faire progresser la moto. Dans ce sens, on est loin d’un week-end de Grand Prix où chaque pilote joue son propre jeu. Où trouves-tu ta satisfaction ?

« La satisfaction est de voir la moto progresser. Et puis, ce que je leur demandais, c’est qu’en fin de journée ils me mettent un ou deux pneus neufs pour aller m’amuser. Parce que, effectivement, j’avais besoin de m’amuser et de me défouler, tout en donnant le maximum avec le meilleur package possible pour voir où on en était, puisqu’on partait sur cette base le lendemain. C’était de bonne guerre : on bossait 95 % du temps et, à la fin, cela me permettait de me défouler et aussi de garder un petit peu le rythme, car quand on est en test, on roule à 90 %. On ne peut pas rouler à 100 % à chaque tour, ce n’est pas possible, et rouler en dessous de 90 % ne servirait à rien car on serait trop loin des chronos. Il faut garder une petite marge mais ne pas non plus traîner. »

Quand tu rentres d’un run, tu décris ce que tu ressens, mais cela va-t-il jusqu’à préconiser des solutions ou est-ce le boulot des ingénieurs de les trouver ?

« Je détaille tout ce que j’ai ressenti sur la moto. S’il y a quelque chose que je pense utile pour les aider à aller plus vite, je leur dis, mais en général ce sont plutôt eux qui proposent des solutions. Moi, je ne suis pas ingénieur. Il y a des pilotes qui se disent ingénieurs mais je pense qu’ils se fourvoient. Chacun a sa place. Le boulot de pilote test, c’est de ramener les meilleures informations possibles, et les plus claires possibles. Et c’est ce qui fait la force de Rossi quand on parle avec des gens autour de lui : Rossi est un pilote de course, qui gagne des courses et des titres, mais quand il arrive et qu’il décrit ce qui se passe sur sa machine, il explique tout, point par point, détail par détail, et ne laisse rien passer, contrairement aux autres pilotes. C’est ce qui fait sa force. »

Cette année, tu n’es plus pilote d’essais MotoGP. Cela n’était plus assez motivant pour que tu poursuives dans ce domaine ?

« Non, parce que j’en ai fait pas mal et c’est vrai que là où j’en suis de ma carrière, j’ai encore envie de m’amuser. S’il y avait eu un programme d’essais, avec en parallèle une wild card ou même de l’Endurance, cela aurait été intéressant. Je prends l’exemple de Michele Pirro qui fait le championnat d’Italie en même temps que pilote d’essais MotoGP pour Ducati. Et même si la machine avec laquelle il court n’a rien à voir avec la MotoGP, il fait des courses et c’est ce qu’il avait demandé : il a besoin de rester en compétition ! Et on voit son niveau en test et lorsqu’il vient en MotoGP ; il est loin d’être ridicule ! Ducati a bien compris qu’en lui faisant seulement faire des tests, il perdrait un petit peu sa motivation. C’est pareil avec les wild cards de Mika Kallio. Il faut garder le pilote motivé. On n’a pas du tout la même optique lorsque l’on part faire un week-end de course ou lorsque l’on part faire trois jours de test. C’est normal. »

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