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Sylvain Guintoli, pilote d’essai du team MotoGP Suzuki Ecstar, a publié récemment des vidéos montrant et expliquant en détails ce qu’on pouvait faire avec une moto de série sur un circuit de vitesse.

Ayant beaucoup apprécié ce travail de vulgarisation, nous avons contacté le pilote français qui vit en Grande-Bretagne pour en apprendre plus sur cette initiative, puis, dans cette deuxième partie, pour s’informer sur son métier de pilote d’essai.


Au niveau du team, tu reçois des informations ?

« Oui, on se tient au courant car on a un programme de test et on attend de voir quand et où on va pouvoir rouler. On est donc tout le temps en contact, pour suivre les évolutions avec l’Italie et avec le Japon. Il faut continuer à faire ce qui est correct, c’est-à-dire s’isoler et prendre le moins de risques possibles, donc c’est vrai que pour le moment, ça a l’air bien bloqué partout. On avait un programme d’essais complet, mais tout a été chamboulé comme pour les courses, à commencer par l’annulation du test à Jerez. Donc pour le moment, que ce soit au niveau des courses ou des tests, tout le monde est en attente et rien n’est encore défini. On n’en sait pas plus que les autres mais espérons que la situation change dans les prochaines semaines, et on avisera à ce moment-là. »

On avait évoqué le métier de pilote d’essais avec Randy de Puniet et, ce qui nous avait surpris à l’époque, c’est qu’il y avait un côté parfois ingrat à attendre pendant que les techniciens travaillaient. Est-ce la même chose pour toi ?

« Pour nous, ce n’est pas du tout comme ça. Une journée de test est très structurée et bien remplie. La veille, on a un meeting pour prendre connaissance du programme qui est défini pour le test. C’est tout le temps très rempli et pour mener à bout le programme, il ne faut pas chômer ! Après, ça fait maintenant 3 ans où le team Test Suzuki est une entité à part du team de course, et bien géré et organisé, et où on essaie vraiment de tirer le meilleur parti du temps que l’on a sur la piste. On est donc plutôt à fond car il y a vraiment beaucoup de choses différentes à tester et on n’a pas le temps de mettre les pieds en l’air. Par exemple, lors du dernier test à Sepang, durant six jours, j’ai fait 300 tours, ce qui est vraiment un programme chargé ! »
« Donc la journée typique de test, c’est beaucoup rouler durant toute la journée pour essayer d’accomplir le programme, tester et contre-tester tout ce qu’il y a de nouveau, comme par exemple des specs moteur, des éléments de partie-cycle comme un bras oscillant, des suspensions ou des freins. En général, le programme est très complet. »

Quand tu sors pour faire un run, sais-tu ce que tu essaies ou est-ce à l’aveugle ?

« Ça dépend des fois ! En général, c’est à l’aveugle, mais ça dépend aussi de ce que c’est. À l’aveugle, c’est intéressant car il n’y a pas d’à-priori. Maintenant, je connais très très bien la machine, donc lors des tests à l’aveugle, le feed-back est toujours correct. C’est un peu une espèce de jeu où j’essaie de trouver ce qu’ils ont fait (rires). Normalement, je ne retrouve pas. Enfin, pas souvent (rires) ! Donc c’est une sorte de jeu où j’essaie de comprendre ce qu’ils ont fait puis de leur expliquer dans quel sens ça va. Parfois, je donne simplement ma sensation, mon ressenti, pour qu’ils puissent interpréter ce qu’il se passe avec les datas et analyser un feed-back pur qui n’a pas été biaisé par le fait de déjà savoir ce que tu testes. Parce que si tu sais déjà ce que tu vas tester, tu as automatiquement déjà une idée préconçue de ce qui va se passer. Donc c’est intéressant. »

Lors de tes essais à l’aveugle, après coup, ils te disent ce qu’ils avaient modifié ?

« Oui, ils te le disent après. Mais par exemple, si on fait plusieurs tests à l’aveugle sur différentes pièces de la même famille, il arrive qu’ils ne te disent rien jusqu’à la fin, pour ne pas t’influencer. C’est intéressant et je vois ça comme un jeu. »

Lors d’une récente conversation avec Max Biaggi, tu disais que les pilotes MotoGP avaient quelque chose en plus, outre le fait qu’un pilote d’essai roule moins et ne va pas chercher le dernier dixième. Peux-tu nous expliquer ?

« Je sens pense que ça fait allusion à un Instagram Live que l’on a fait avec Max, et qu’il y a peut-être eu des erreurs de traduction. En fait, avec Max, on parlait des wildcards et ce que je disais, c’est que quand tu fais une wildcard, ce n’est pas facile d’être compétitif, car non seulement les pilotes titulaires sont très très rapides mais il y a aussi cette histoire de rythme de course que tu obtiens quand tu enchaînes les courses et quand tu est complètement focalisé sur la performance. C’est une approche différente de ce que moi je fais. Quand tu es pilote et que tu es complètement et sans arrêt concentré sur la performance, c’est une approche différente, donc quand tu fais une wildcard, c’est sûr que ce n’est pas facile d’être compétitif, d’autant que le niveau MotoGP est très très élevé : les gars vont très, très vite ! En tant que pilote d’essai, je ne suis pas uniquement concentré sur la performance. Bien sûr, quand je teste des pièces, je roule tout le temps très vite, mais ce n’est pas pareil. »

On imagine bien que quand tu essaies de nouvelles pièces, tu ne te mets pas à la gorge comme le font les pilotes titulaires lors de certaines séances…

« Non, c’est une approche différente. Quand je fais six jours de tests à Sepang et 300 tours, je ne peux pas me mettre par terre tous les 50 tours. Déjà, ça fait mal (rires) et ce n’est pas bon au niveau test car ça endommage la moto et on perd du temps. Donc il ne faut pas ! Disons que ça fait partie de cette approche un peu différente. Après, en test, on roule vite quand même, car tester des pièces en roulant à quatre secondes, ça ne sert à rien ! Donc il faut tout le temps rouler très vite. »

Quels sont tes rapports avec les pilotes d’usine, en particulier lors de tes wildcards ?

« Très bons ! Álex (Rins) et Joan (Mir) sont vraiment supers ! Que ce soit avec eux ou avec toute l’équipe, j’ai vraiment de très bons rapports. »

Chez Suzuki, l’ambiance est sympa ? On mange de bonnes pâtes ?

« Oui (rires) mais il n’y a pas que ça. Ce qui est top, c’est qu’il y a chez Suzuki la rigueur et l’organisation d’un team officiel, mais il y a aussi une vraie camaraderie. Suzuki est une marque qui revient en Grand Prix, même si cela fait maintenant quelques années, mais on sent vraiment cette montée en puissance. Au début, ils étaient vraiment des outsiders, mais maintenant de moins en moins, et ça, ça crée vraiment une très bonne atmosphère dans l’équipe. C’est un environnement très positif. »

Dernière question, même si on connaît déjà la réponse : c’est un métier qui te plaît ?

«  Oui ! Ah oui ! Ça c’est sûr ! Ça me plaît beaucoup ! »

Un grand merci à Sylvain pour avoir interrompu ses activités familiales afin de répondre à nos questions !

 

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