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Jusqu’à l’ouverture de la saison 2020, Marc Márquez cherchait la limite et chutait énormément les WE de Grand Prix, mais il a réussi à le faire presque sans blessure. Etait-ce juste de la chance, ou y a-t-il une méthode à sa folie ? Car celle-ci a ses limites, qu’il a fini par trouver, et qui pourrait lui coûter le titre cette année.

Marc Márquez a-t-il de la chance de ne pas être blessé aussi souvent qu’il chute, ou les risques qu’il prend sont-ils calculés pour minimiser les risques de blessure ?

Des rattrapages inégalables

La plupart des crashs de Márquez sont considérés comme des rattrapages ratés, plutôt que comme des chutes à part entière. Le pilote Repsol Honda s’est forgé la réputation de réaliser des rattrapages acrobatiques, en maintenant la moto sur son genou et son coude jusqu’à ce que les pneus reprennent de l’adhérence. Cela signifie que même s’il ne peut pas rattraper la moto, son corps est déjà si près du sol qu’il ne tomberait pas de haut.

Cal Crutchlow a donné une explication graphique de la façon dont Marc Márquez parvient à sauver autant de chutes et, par extension, comment il parvient à éviter les blessures en cas de chute. « La raison pour laquelle il les sauve est parce qu’il est si proche du sol », avait déclaré Crutchlow après la course au Mugello 2018. « Aucun de nous n’est aussi proche que lui. Il est déjà au sol de toute façon. La plupart du temps, l’angle d’inclinaison de la moto n’est pas aussi important que le sien, il est possible d’en mettre beaucoup plus. Il semble que nous soyons tous très proches de l’angle d’inclinaison maximal, mais nous n’appuyons tout simplement pas notre corps sur le sol comme lui. Nous ne sortons pas le genou comme il le fait. »

Márquez a déclaré que ses rattrapages étaient plus instinctifs qu’autre chose. « C’est une question que l’on n’arrête pas de me poser, mais je ne sais pas », a-t-il déclaré. «  C’est la façon de rouler à chaque entraînement, à chaque tour à la limite. Cela crée une sensation particulière avec la moto. La réaction est que lorsque je perds l’avant, je mets le coude. C’est quelque chose que je peux comprendre immédiatement : est-ce que je peux rattraper la moto ou est-ce que je dois sauter de la moto et chuter ? Comment faire ? Je ne sais pas. C’est quelque chose qui vient naturellement. »

 

 

Une question de timing

Le signe que Márquez gère ses risques est d’observer le moment où il chute. De loin, la grande majorité de ses chutes sont survenus pendant les essais, alors que cela n’aurait pratiquement aucun impact sur la course.

En effet, lors des essais, cela signifie qu’il y a beaucoup moins en jeu. Tant que vous êtes dans le top dix et jusqu’à la Q2 – ce qui est le cas pour Márquez presque invariablement – alors une chute n’a pas beaucoup d’effet sur la course. De plus, chuter pendant les essais signifie également que vous êtes moins susceptible de vous retrouver avec un autre pilote, car vous êtes plus susceptible de rouler seul. C’est un facteur de plus retiré de l’équation pour causer une blessure possible.

Une chute maitrisée

En réunissant tous ces facteurs, pouvons-nous tirer des conclusions de la propension à chuter de Marc Márquez ? Comme le dit Wayne Rainey, « Quand vous êtes tombé de votre moto, glisser sur l’herbe à 200 km/h, cela n’est rien sur les deux premiers mètres, mais ensuite si vous commencez à traverser la piste, tout peut arriver».

Même si ses chutes sont relativement impressionnantes, il n’a été champion des chutes qu’une seule fois, en 2018, avec 23 chutes, les autres années, il y a eu plus malheureux que lui.  Ce qui est effarant en revanche, c’est de mettre ses chutes bout à bout, on arrive au chiffre faramineux de 120 chutes en sept années, ce qui explique qu’il doive passer de temps en temps par la case billard, on peut imaginer d’autre part qu’il aura quelques douleurs durant sa vieillesse mais on en est tellement loin !

Mais si quelque chose ressort clairement de cette analyse des chutes de Márquez, c’est que c’est précisément ce que Márquez ne fait pas. Il tombe généralement à des vitesses relativement faibles (inférieures à 200 km/h), et atteint rarement le gravier avant de se relever.

Lorsque vous chutez 23 fois en une saison, il est clair que vous prenez beaucoup de risques. Personne de sensé ne nierait cela, d’autant plus que Márquez lui-même le dit si clairement que c’est ce qu’il fait. Il prend des risques car comprendre où se trouve la limite pendant les essais lui permet d’éviter de dépasser celle-ci pendant la course.

Préparer le corps et l’esprit

Adopter une telle approche intellectuelle de la chute – accepter que cela puisse arriver et travailler avec soin pour minimiser toute blessure physique permanente – nécessite des nerfs d’acier. Quand on lui demande s’il avait jamais eu peur, sa réponse est on ne peut plus précise : « Pour le moment, non. » La seule fois où il avait eu peur, c’était au Mugello, après son énorme crash au virage 1 en 2013, sa première saison en MotoGP.

Maintenant, cependant, il a de nouveau perdu cette peur, acceptant que les chutes font partie de la course, mais faisant tout ce qu’il peut pour minimiser les risques de blessures. Cela signifie prendre cela en compte dans sa préparation physique, travailler sa souplesse et passer beaucoup de temps à s’étirer.

« Vous devez être prêt. Vous devez vous entraîner à la maison », a déclaré Márquez. « L’une des choses fortes dans mon corps est que j’ai beaucoup de flexibilité. C’est important lorsque vous chutez, pour rattraper la moto. Par exemple, mon frère fait le même entraînement que moi, mais il n’a pas la même souplesse. C’est quelque chose que ma mère et mon père m’ont donné. J’en suis vraiment content. »

Márquez a également expliqué comment il minimise les risques. « Bien sûr, c’est dangereux, mais si je tombe, je le fais plus lentement », a-t-il déclaré. « Si vous perdez l’avant dans la première partie du virage et que vous chutez, vous arrivez plus vite. C’est quelque chose que j’essaie de ne pas créer. C’est quelque chose que si vous me demandez pourquoi ou comment, je ne sais pas. C’est naturel. Mais une des choses est que je roule toujours à la limite. Même lorsque je suis déjà à la limite, j’essaye de sentir la limite. Ça te donne un sentiment spécial. »

Si Márquez a une faiblesse, c’est sa volonté de prendre des risques pendant l’entraînement. Après tout, c’est là qu’il a aggravé sa première blessure à l’épaule, nécessitant une intervention chirurgicale pendant l’hiver. La blessure est ancienne, résultant en partie d’un accident lors de l’échauffement à Silverstone en 2013. C’était le premier accident de MotoGP dans lequel il s’est gravement disloqué l’épaule.

Mais en 2020…

Marquez a débuté sa saison sur les chapeaux de roue. Sans doute un peu trop, d’ailleurs. Après des essais hivernaux compliqués, où HRC semblait avoir des difficultés à choisir la meilleure version de son châssis, mais également une épaule revenue à 100% après son opération, Marquez voulait marquer les esprits. Avec son frère, ils ont inauguré le compteur de chutes de 2020 lors de la FP2, sans gravité.

Toujours dans le Top 4 lors des essais libres, Marc a tout fait pour éliminer la concurrence. Mais c’était sans compter sur un Fabio Quartararo en très grande forme, qui entamait le dimanche de la première course de l’année avec la Pole Position et le Record du Circuit en poche.

Lors de la première partie de la course, Marc a essayé de s’échapper mais a commis une première erreur, avec un rattrapage d’anthologie comme il sait si bien le faire dans le virage 4. Il repart loin du groupe de tête, et c’est là qu’il entame une remontée extraordinaire, jusqu’à pouvoir espérer monter sur le podium en fin de course. Malheureusement, le virage 4 lui sera fatal une seconde fois, et il se blesse à l’humérus. Depuis lors, il a essayé de courir le WE d’après au Grand Prix d’Andalousie, sur le même circuit, mais les douleurs étaient trop intenses, et il a été ré-opéré suite au déplacement de sa plaque cette semaine, il sera  forfait à Brno et son retour en piste ne serait prévu qu’à Misano, mi-septembre. La saison 2020 et l’obtention du titre s’annoncent compliqués pour lui.

 

 

Le risque est-il réel ?

Pour conclure, peut-on dire que Marc Márquez pourrait finir par mettre en danger sa saison, voire sa carrière, s’il continue de chuter les week-ends de course ? Jusque-là, tous les voyants indiquaient que Márquez prend des risques calculés très précisément au cours de la saison, essayant de minimiser le risque de blessure. Lorsqu’il chute, il a tendance à le faire à une vitesse relativement faible, il a tendance à maintenir l’avant alors qu’il est déjà complètement penché, il a tendance à tomber pendant les essais plutôt que lors des qualifications ou des courses, et une fois descendu de la moto, il maintient son corps pour glisser plutôt que pour rebondir.

Oui, Márquez chute beaucoup. Mais les accidents ne sont pas imprudents et il est rarement blessé bien au-delà des ecchymoses et des égratignures.

Márquez se blesse autant que n’importe quel autre pilote, mais malheureusement en 2020, il ne s’est pas blessé en fin de saison ou juste avant la trève estivale, mais en début d’une saison très condensée, avec peu de temps pour récupérer entre chaque WE.

Cela ne veut pas dire qu’il n’est pas en danger. Pour 2020, à chaque WE de course où il ne passe pas sous le drapeau à damiers, ses concurrents prennent de l’avance sur lui sur le titre, même si mathématiquement, il peut toujours être titré cette année. Quant à sa carrière, il reste à lui souhaiter qu’elle ne se termine pas comme celle de Mick Dohann, et qu’il continue à nous faire rêver avec ses superbes rattrapages !

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