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De façon très régulière, et depuis maintenant deux années, Hervé Poncharal nous fait l’honneur de nous partager son point de vue après chaque Grand Prix (Voir ici).

Écouter ses propos qui sont le fruit d’une expérience de 40 ans est toujours un plaisir, d’autant que l’homme n’a pas sa langue dans la poche. Nous vous partageons ainsi ses émotions, qui peuvent fluctuer au fil des épreuves de la déception à la plus grande des joies, sans pour autant occulter les petits grincements de dents passagers ou, au contraire, les envolées qui vont bien au-delà du sport…
Et nous l’en remercions grandement !

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Tout cela semble donc bien confirmer que les pilotes sont dans un état second quand ils sont au guidon de leur moto, ce qui explique aussi parfois certains coups de gueule quand ils rentrent au box…

« Absolument ! Les mots que j’ai employés au Mans « d’état second, d’implication totale et de manque de recul », ce sont exactement les mots que j’ai employés par rapport au coup de gueule que Johann a passée après la FP4 au Mugello, qui a d’ailleurs été filmé et utilisé à mon avis de manière un petit peu cavalière, pas très respectueuse et pas très intelligente. Encore une fois, quand Johann est descendu de cette espèce d’état second, il a demandé à l’équipe de faire une petite réunion le soir pour leur expliquer qu’en aucun cas les mots qu’il a employés étaient le reflet de sa pensée, mais qu’ils étaient dus un genre de frustration qu’il rencontrait dans un état second à la recherche totale de la performance. Les mots ont dépassé ce qu’il voulait dire, et il a dit à l’équipe que c’était tout à fait exagéré et que cela ne remettait absolument pas en cause l’amitié et la confiance qu’il éprouve envers le groupe ».

C’est un élément que nous ignorions, mais avant même cela, il l’avait déjà dit en conférence de presse (voir ici)…

« Oui, mais là, il a voulu le faire en petit comité, et c’était très sympa, car il a vraiment une relation très forte et très intime avec son équipe technique. Avec ses mots à lui, qui ne sont pas nécessairement destinés à être enregistrés par des micros ».

Au Mugello, le week-end a été relativement difficile pour Johann…

« Ce qu’on peut dire, c’est que cette année on a pu voir les Yamaha officielles qui avaient un peu des hauts et des bas, d’une course à l’autre ou même d’un moment de la journée à l’autre. Parfois, les performances étaient très bonnes le matin puis beaucoup moins bonnes l’après-midi parce que la température avait grimpé. Mais quelque part, je pense que c’est valable pour tout le monde, parce qu’on a vu un Márquez ultra dominateur comme il a pu l’être en Argentine avant la course, on a vu des Ducati hyper rapides au Qatar, on a vu un Maverick Vinales qui fait première ligne au Mugello et qui est totalement transparent en course. Donc c’est un championnat qui est très ouvert et où les choses sont difficilement prévisibles d’une course sur l’autre. Donc il est très compliqué de faire des pronostics cette année. Au Mugello, on pensait que Marquez allait assurer des points pour monter sur le podium et continuer un petit peu sa démonstration de force, et puis il a montré qu’il était à la limite et qu’il n’était pas à l’abri d’une boulette.
En ce qui nous concerne, et je n’en tirerai pas conclusion, il est assez intéressant de faire une sorte de photographie de ce qui s’est passé en 2017 et 2018. Évidemment, entre ces 2 années beaucoup de paramètres ont changé : Johann était Rookies en 2017, il ne l’est plus en 2018, etc.
Mais… Qatar 2017 et 2018, il est hyper performant sur les deux courses, même si on connaît ce qui s’est passé en course. Argentine 2017 et 2018, il est très performant sur les deux courses, même s’il a eu un problème de pneus en qualif en 2017. Il avait fait une très belle course. Texas, limitons les dégâts et difficiles. Jerez, magnifique, performant. Le Mans, magnifique, performant. Mugello, début des soucis, une chute en séance le samedi est une course difficile.
Donc c’est quelque chose qui est quand même peut-être intéressant car on a quasiment un copier/coller 2017–2018. Ça, c’est déjà une chose.

La 2e chose, c’est vrai que Johann, avec son équipe technique et avec la machine que l’on a à disposition, n’ont jamais été à l’aise en 2017 : il a toujours forcé pour faire des performances qui étaient honnêtes, mais qui n’étaient pas du calibre de ce qui a été fait depuis le début de la saison 2018. Au Mugello, déjà le vendredi, il espérait que les choses évoluent mais il se dit que là, il est déjà quasiment en mode qualif alors que l’on est seulement le vendredi. Donc les perfs qu’il a faites étaient petit peu biaisées. En arrivant, on savait que ce serait dur mais lui était hyper confiant. Mais la réalité a été que cela a été comme en 2017 ; un Grand Prix difficile où on n’a jamais vraiment trouvé les clés.
Cela a bien été la course la plus compliquée sur le plan technique et des résultats. Mais encore une fois, il n’y a pas le feu à la baraque car on n’est qu’à 8 points de la 2e position au championnat et on s’est battu avec Maverick Viñales pendant toute la course. Hier soir, en partant, il nous a parlé des essais qu’il avait faits à Barcelone, et il nous a dit : « ne vous inquiétez surtout pas. J’ai la pêche, j’ai le moral, et dans ma tête j’ai la certitude qu’on sera plus performant à Barcelone que ce qu’on a vécu au Mugello ».

A l’inverse, le box du côté d’Hafizh Syahrin avait le sourire…

« Après la course, et c’est logique, tous les médias ont parlé en premier lieu de la magnifique victoire Jorge Lorenzo. On se demandait si cela arriverait pendant son partenariat avec Ducati, et on a retrouvé le Jorge Lorenzo de la grande époque chez Yamaha, c’est-à-dire partir devant comme il l’avait fait lors des dernières courses, mais surtout non seulement garder le rythme mais augmenter en permanence son écart avec son poursuivant. Les médias ont ensuite parlé du podium de Valentino Rossi et de ce qui allait se passer dans le futur avec Lorenzo, avec Iannone, et avec les autres top guns. Évidemment, je comprends très bien et je n’ai pas du tout d’amertume, mais ce qu’a fait Hafiz méritait bien au moins un entrefilet. OK, il a fini 12e, mais je peux vous garantir qu’il a fait une très très belle course. Il est parti moyennement, il s’est encore une fois battu avec tout un tas de pilotes plus capés que lui et qui avaient moins de handicap que lui sur le plan moteur au Mugello. Sa moto, que ce soit en aéro ou en moteur, est clairement la moins bonne des Yamaha. Il a donc beaucoup souffert mais je pense qu’il s’est super bien battu. Il a poussé, mais sans prendre trop de risques car on a vu que la chute était facile. Il a fait une très belle course et, surtout, il s’est battu durant les 2 derniers tours avec Bradley Smith et Tito Rabat, qui ont des machines qui sont quand même des avions de chasse dans le bout droit. Et dans le dernier virage qui est hyper technique, il les a mystifiés pour finir 12e. Encore une fois, il est premier Rookie et a mis un bon wagon à son camarade de jeu Morbidelli qui est champion du monde en titre.

C’est difficile de dire ce que je dis à des gens normaux car ils vont dire « qu’est-ce qu’il nous raconte ? Syahrin a fini 12e au Mugello, c’est pas mal mais ça ne casse pas la baraque non plus ». Mais hier, je vous affirme qu’il a fait une vraie perf. Je pense qu’il apprend énormément. C’est ce que je dis souvent : si tu as deux gars au pied de la butte, avec un qui porte le sac à dos de 20 kilos et l’autre qui n’en a pas, et que celui qui a le sac à dos arrive en même temps que l’autre, tu peux te dire que le jour où on va lui enlever le sac à dos de 20 kg, ça peut le faire. Et c’est ce que je lui ai dit car, après la course, il me disait que c’était trop difficile avec ce moteur et qu’il se faisait trop mettre, non seulement en vitesse de pointe mais aussi avec la rapidité avec laquelle tu atteins la vitesse de pointe. « Compliqué, compliqué ! ». Je lui ai dit : « écoute Hafizh, c’est une année où tu apprends et le fait de te battre avec un matériel inférieur, tu apprends plein de choses. Et si d’aventure, dans le futur, tu as une machine qui aura moins de handicap, notamment concernant le moteur, et bien les choses seront plus faciles. Donc prend cette saison comme une saison de Rookie et d’apprentissage, et même si tu as des frustrations, ça fait parti de ce que tu dois apprendre et cela te rendra plus fort pour le futur ». Non, j’étais vraiment très très heureux parce que, on ne va pas en reparler mais Johann a fait son faux pas au Mans par ce qu’il voulait récupérer aux freins ce qu’il perdait en accélération. Et quand j’ai vu Hafiz se battre avec ces gars dont je connais les performances moteur de leurs machines, je me suis dit « si jamais il veut trop compenser, cela va se terminer à plat ventre ». Mais il a réussi à maîtriser sa fougue, rester au contact, avoir envie de les passer, et faire de la stratégie. Il m’a dit qu’il avait énormément évolué sur la manière dont il avait piloté, qu’il avait essayé de compenser et de comprendre. Tout ça, ça montre qu’il est intelligent, et c’est aussi la mission que tu donnes à un pilote pendant son année d’apprentissage. Donc encore une fois, je suis très heureux, même si certains vont dire « faut qu’il arrête de se taper sur le machin parce que son pilote a fini 12e ».

Tout comme, par ailleurs, j’ai été très très heureux hier d’avoir vu Miguel Oliveira remporter la course Moto2. Parce que, après l’avoir vu remporter les 4 dernières courses l’an dernier, le voir se qualifier 11e sur la grille, tu commences à te gratter la tête et tu peux demandes ce qui se passe. Mais quand tu vois le départ qu’il a fait, et je l’ai revu en caméra embarquée, quand tu vois la course qu’il a faite en se battant avec des Bagnaia, Baldassarri, Mir, Márquez et compagnie, on avait vraiment la banane. Je suis très heureux pour lui car ce sera aussi un de nos pilotes en 2019 ».

Retrouvez tous les autres débriefings d’Hervé Poncharal ici !

 

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