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Arrivé en Aragón en tête du championnat du monde MotoGP, Fabio Quartararo en est reparti à la deuxième position, au terme d’une course très difficile conclue en 18e position à 21 secondes du vainqueur Álex Rins.

Pourtant, le pilote français y avait brillé durant les essais, s’y adjugeant même la pole position malgré une spectaculaire chute matinale le samedi matin, sur un circuit réputé peu propice aux Yamaha.

Alors, que s’est-il réellement passé ? Nous avons mené l’enquête…

Tracé par le célèbre designer allemand Hermann Tilke, le circuit de Motorland Aragón, long de 5,077 kilomètres, comporte 17 virages et une longue ligne droite de 968 mètres.

Cette dernière caractéristique pourrait laisser penser qu’il s’agit exclusivement d’un circuit « de moteur » apte à avantager les motos les plus puissantes que sont les Ducati, et, effectivement, le record de la piste appartient toujours à une machine de Borgo Panigale depuis 2018, aux mains de Jorge Lorenzo en 1’48.120. Seulement, lors de ce tour d’anthologie, le pilote de Majorque n’y avait alors atteint « que » 335,4 km/h, une vitesse largement battue cette année par un Francesco Bagnaia à 351,8 km/h. Cela montre que si la puissance du moteur est importante en Aragón pour profiter de la ligne droite pour doubler ses adversaires, cela ne suffit pas à s’assurer de la victoire. D’ailleurs, seul Casey Stoner y a gagné pour Ducati depuis l’introduction du tracé espagnol au championnat en 2010.

En fait, au vu des statistiques, le circuit ibérique semble particulièrement bien convenir à la Honda, ce que celle-ci s’est adjugée pas moins de 7 victoires sur les 10 épreuves disputées avant le weekend dernier, grâce à Casey Stoner en 2011, Dani Pedrosa en 2012 et Marc Márquez en 2013, 2016, 2017, 2018 et 2019.

Mais cette année, profitant évidemment de l’absence du dernier champion du monde en titre et du resserrement des performances engendré par la nouvelle construction du pneu arrière Michelin, ce sont les Yamaha qui nous ont fait un festival pendant les essais. Maverick Viñales en FP1 et FP2 le premier jour, Franco Morbidelli en FP3 et FP4 le deuxième, Fabio Quartararo en qualification : Aucune séance n’a échappé à la domination des YZR–M1 malgré des températures extrêmement froides le matin.

Pourtant, le poleman français pressentait déjà un problème quant à son rythme de course, le vendredi soir lors de son débriefing : « Notre choix de pneus n’est pas encore clair et j’ai encore beaucoup de choses à faire sur la moto et sur mon pilotage, parce que nous sommes rapides sur les 10 premiers tours, mais nous peinons davantage ensuite comparé à Maverick Viñales qui a été bien plus régulier que nous cet après-midi. Il a été très rapide et mon chef d’équipe et mes ingénieurs ont déjà tout analysé pour voir là où nous pouvons progresser. Je pense c’est très important dans ces conditions de bien analyser, car je me sens bien sur la moto mais pas aussi bien que je veux. Nous verrons demain et, en regardant mon coéquipier, il semble que le pneu avant médium n’est pas mal. Nous devons donc encore choisir l’avant et l’arrière. Je ferai de mon mieux et je pense que si nous faisons un bon travail durant le warm up, ce que nous allons essayer devrait marcher. Cela concerne mon style de pilotage mais aussi l’équipe, car ils ont quelques idées. » (Voir intégralité ici et )

Visiblement, la première idée a été de choisir un pneu avant médium pour la course, comme Franco Morbidelli, ce qui était d’ailleurs le choix majoritaire effectué par les autres pilotes, contrairement à Maverick Viñales, parti avec un pneu tendre avant .

Par contre, il est très étonnant (euphémisme) que l’équipe ait fait ce choix alors que Fabio Quartararo n’avait pas fait un mètre avec ce pneu sur le circuit d’Aragón, y compris lors de la FP4, la seule séance un tant soit peu significative, vu la température trop basse du warm up dimanche matin ! Cela contredit la règle d’or de ne jamais partir en course avec un pneu que l’on n’a pas essayé, quelles qu’en soient les raisons…

Séance Pneu avant Pneu arrière
FP1 Soft (neuf) Soft (neuf)
FP2 Soft (neuf) Médium (neuf)
FP3 Soft (8 tours) Soft (3 tours)
FP4 Soft (neuf) Soft (neuf)
Qualification Soft (neuf) 2 Soft (neuf)
Warm up Soft (7 tours) Soft (3 tours)
Course Médium (neuf) Soft (neuf)

Nous ne cherchons pas à savoir qui a pris cette décision qui est toujours le fruit d’un travail collaboratif, mais nous sommes obligés de constater.

Par ailleurs, le technicien Michelin qui officie habituellement dans le box du numéro #20 était remplacé de façon exceptionnelle pour cause de Coronavirus.

Bien évidemment, tous les techniciens ou ingénieurs Michelin ont le niveau de compétence requis. Par contre, un titulaire habitué à « son » pilote, « sa » moto et « son » équipe » saura toujours se faire mieux entendre lors d’une décision collective. L’expérience est une lumière qui n’éclaire que soi-même dit le dicton…

Un nouveau pneu, un nouveau technicien, mais aussi moins de vent et des températures de piste plus chaudes le dimanche après-midi que lors de toutes les séances précédentes (31° au sol pour la course contre 25° en FP4). Dans ces conditions, même une chatte n’y retrouverait pas ses chatons, ou en l’occurrence une équipe pour déterminer la pression d’air à mettre dans le pneu avant le départ, d’autant que de nouvelles couvertures chauffantes englobant toute la roue sont maintenant parfois utilisées, chauffant non seulement le pneu mais également la jante toute entière, sans parler des simples couvertures thermiques mises et enlevées !

Les pneus avant actuels, à la fois très compétitifs et très sensibles, voient leur température et leur pression augmenter durant les premiers tours de la course pour arriver dans une zone d’exploitation autour de 2,1 bars (1,9 minimum de façon réglementaire) et 100°.

De ses propres mots, Fabio Quartararo a informé qu’il avait eu un bon feeling pendant les trois premiers tours, puis que son pneu avant était devenu très difficile à gérer, car ayant pris trop de pression.

« Pour moi, le choix était correct car les trois premiers tours ont été parfaits. J’avais un très bon feeling et tout était OK. Mais le problème, c’est qu’à partir du troisième tour j’avais déjà une pression bien plus grande que la normale. » (Voir intégralité ici)

Dernier élément (à notre connaissance) qui a pu jouer un rôle dans cette pression trop élevée, les cache-roues avant.

Initialement destinés à garder les disques en carbone de 340 mm à des températures élevées de fonctionnement malgré la pluie, les cache-roues sont de plusieurs modèles chez Yamaha. Il existe des modèles simples qui se contentent d’entourer les disques pour répondre à cette fonction.

Mais Yamaha utilise parfois des modèles plus sophistiqués, qui semblent également avoir une fonction aérodynamique. Ils sont soit pleins, soit disposent de quatre orifices de refroidissement, et peuvent être monté en juxtaposition avec des demi-caches classiques.

Fabio Quartararo, Aragón MotoGP, 16 Octobre 2020

C’est ce que les trois pilotes Yamaha ont choisi à Aragón, malgré une température de 21° dans l’air, sans doute pour assurer le freinage en fin de la longue ligne droite et également  pour gagner quelques « pouillèmes » de kilomètres/heure dans cette dernière.

Mais là encore, l’équipe de Fabio Quartararo a choisi de se différencier des autres pilotes Yamaha, en obstruant deux des quatre orifices de chaque cache-roue pour la course, engendrant logiquement des disques un peu plus chauds, donc une jante un peu plus chaude, donc un pneu encore un peu plus chaud et une pression plus grande…

Notre propos n’est pas d’accuser qui que ce soit, mais simplement d’illustrer la complexité du MotoGP actuel.
Nous ne prétendons pas détenir la vérité, mais il est possible (probable) que chacun des quatre éléments détaillés précédemment ait joué un rôle dans la course de Fabio Quartararo. Indépendamment, cela n’aurait sans doute pas engendré les mêmes conséquences, mais ne dit-on pas qu’un crash d’avion est toujours le fruit d’une accumulation de petits dysfonctionnements ?
Il sera intéressant d’observer le prochain weekend en Aragón, car il est tout à fait possible qu’avec exactement les mêmes ingrédients, la soupe y ait bien meilleur goût pour le pilote français… Tout est affaire d’exécution et d’ajustement de la recette !

Photos : Petronas Yamaha SRT

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