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L’interview du mois du blog KTM est cette fois celle du directeur technique du programme MotoGP de la firme autrichienne, par Adam Wheeler.

Voici notre traduction de cet éclairage aussi intéressant que détaillé du travail de forçat que les hommes en orange sont en train d’effectuer pour faire progresse leurs RC16.


INTERVIEW DU MOIS :  RC16 – PARLONS DE LA MOTOGP™ AVEC L’HOMME DERRIÈRE LES DONNÉES

Une conversation avec le directeur technique du MotoGP™ chez KTM, Sebastian Risse, réalisée lors du Grand Prix du Qatar 2019. Elle porte sur le travail hivernal « caché », les changements de la KTM RC16, et comment l’usine a essayé de rattraper le temps perdu en seulement deux ans de Grand Prix.

La saison a commencé début mars, mais pour vous, elle a dû commencer beaucoup plus tôt. Il semble que tout le monde en MotoGP™ était impatient de prendre des vacances après la dernière course de l’année à Valence, mais j’imagine que pour l’équipe de retour à l’usine, c’est le début d’une nouvelle phase très chargée. C’est comme ça pour vous ?

« Eh bien, pour nous, la nouvelle saison commence le lendemain de la dernière course ! Nous avons eu un gros « sujet » cette année avec ces deux essais à Valence et Jerez, à cause de tous les changements que nous avons eu avec un nouveau pilote et une nouvelle équipe. Cela a été une période très occupée, c’est sûr. Je pense qu’au début, le nouveau pilote a eu du mal avec notre moto et nous avons fait du bon travail pour l’ajuster à lui, afin qu’elle paraisse déjà meilleure à Jerez, puis nous avons eu une idée de ce que nous voulions pour l’hiver. Nous sommes ensuite retournés à l’usine pour confirmer ces indications et mettre tout en ordre, ce qui nous a donné une période intense avant Noël ».

Cette période : C’est une routine du lundi au vendredi ou ça implique des heures de folie ? Les fans ne se rendent peut-être pas compte de tout ce qui se passe au niveau technique. Et vous avez aussi eu à préparer quatre motos au lieu de deux…

« Hmmm. Fondamentalement, il y a deux parties. La première est d’analyser et d’organiser : examiner tous les rapports et les renseignements que tout le monde fournit, ce qui signifie de longues heures de travail et cela peut être fait n’importe où. Après le dernier test, nous avons eu quelques jours à la maison, mais j’étais encore concentré sur ce point. Ensuite, lorsque nous sommes à l’usine, les gars ont un rythme différent de celui d’une équipe de course. Nous avons eu beaucoup de réunions dans un programme qui était essentiellement du lundi au samedi. Quand les choses sont en place, nous passons le ballon à notre personnel. Nous profitons également de ce temps pour être prêts pour la prochaine saison de course. Il y aura des idées pendant la saison de choses qui pourraient fonctionner différemment lors de la prochaine… Et c’est le moment de les mettre en œuvre ».

Quand vous dîtes  » passer le ballon à nos employés « , est-ce que cela signifie les employés internes de l’usine pour la fabrication, ou la recherche et le développement ?

« Nous n’avons pas de département R&D spécifique mais le développement est partagé entre l’équipe de course et l’usine. La conception, la production et le contrôle de la qualité se font à l’intérieur de l’usine et cela prend du temps et doit être organisé. C’est à ce moment que nous, l’équipe de course, prenons un peu de recul ».

Lors des tests, les fans entendent les pilotes et le personnel de l’équipe parler de leurs idées techniques : Quelle est l’ampleur du « nouveau » travail en cours ? Il doit être impossible de toujours créer et générer de nouvelles choses, non ?

« Il y a toujours des idées, mais il s’agit aussi d’avoir le temps et les moyens de les mettre à l’épreuve. On parle de deux mois de basse saison, mais c’est étrangement presque trop long pour nous ! Nous avons trop d’idées et nous devons tout réduire à un niveau tel qu’elles puissent être mises en œuvre dans un calendrier de deux tests de trois jours. Dès le début de la première course, il devient difficile de faire des essais. Elle [la moto] n’est pas « gelée », mais l’ensemble doit être exploité au rythme de la course, ce qui signifie qu’il faut se concentrer sur les détails et les réglages. Le prochain moment où vous pouvez « bouger », avec l’équipe de course, est Jerez, ce qui est dans longtemps, donc les premières courses de la saison sont pour nous presque comme une grande course longue ».

La KTM RC16 2019 : De quelle évolution parle-t-on entre 2016 et ce premier modèle de test ?

« Ce n’est pas si facile à distinguer. C’est une chose de refaire quelque chose, mais c’en est une autre de voir à quel point on le fait radicalement ! Je dirais que chaque année, il ne reste pas grand-chose de la moto précédente sur le plan physique. Bien sûr, vous obtenez une image de plus en plus claire de ce à quoi quelque chose devrait ressembler, donc les changements apportés aux pièces ne sont plus aussi importants dans certains domaines. Tout le monde a des ressources limitées, ce qui signifie que vous devez vous concentrer sur les aspects qui offrent le plus de performance et laisser le reste aussi stable que possible sans compromis. C’est quelque chose que vous devez découvrir en fonction de la situation, du problème auquel vous êtes confronté et de l’endroit où vous recherchez la performance. Nous essayons de ne pas changer plus qu’il n’en faut, mais fondamentalement, tout assez différent chaque année ».

Un exemple d’un domaine qui a radicalement changé ?

« L’exemple le plus visuel est le carénage. En 2016 et 2017, nous avons fait de grands pas en avant, lors desquels il semblait très différent, et maintenant nous le développons, mais nous ne voulons pas non plus changer quelque chose qui est déjà bon. Les changements sont peut-être moins évidents, mais c’est une pièce différente et le processus de fabrication recommence ».

La configuration du moteur a été un autre grand changement ; c’était comme changer le cœur de la moto. Quelles sont vos pensées sur le sujet ?

« Le moteur est en constante évolution. C’est le cœur de la moto et je pense que c’est un très bon cœur. Donc, nous ne changeons pas tout, mais si vous regardez les détails, un moteur d’une année ne rentre pas dans la moto de l’année suivante ! Les aspects qui doivent être séparés sont la performance pure du moteur en termes de puissance, la chaîne cinématique, et les domaines où le moteur influence la dynamique de la moto. Puis, l’ensemble de la moto et la géométrie. Nous travaillons tout le temps dans ces domaines, et les mesures que nous avons prises ont été positives et très claires. Après trois ans, il est également clair que ce n’est pas encore à un état optimal, mais l’image de l’endroit où aller avec la moto se révèle d’elle-même ».

2019 vient juste de commencer, alors quelle a été la plus grande leçon pour vous au sujet de la KTM RC16,  depuis la première moto d’essai à son édition actuelle ?

« Nous avons appris dans tous les domaines. Si vous regardez en arrière, vous verrez que les principales zones problématiques pour les pilotes ont changé. Ce qui signifie que nous avons amélioré quelque chose… mais que quelque chose d’autre est devenu un problème ! Ou peut-être était-ce la priorité suivante sur la liste. Dans ce processus, nous avons passé en revue tous les aspects, je pense, et c’est quelque chose qui ne s’arrête jamais ».

Encore une fois, les téléspectateurs entendront un pilote parler d’un problème comme celui de faire tourner la moto, mais construire un nouveau châssis ne peut pas être une mince affaire, même pour une usine aussi rapide et réactive que KTM…

« Si c’était vraiment quelque chose d’aussi facile que de fabriquer un nouveau châssis, ce serait la totalité de notre budget, de nos ressources et du temps que nous y consacrerions. Le but est de comprendre ce qu’il faut changer, et c’est là que cela devient coûteux en termes de recherche, de simulation et d’analyse, puis il faut essayer différentes options d’un châssis qui pourraient faire l’affaire ».

Vous dîtes que la moto n’est pas optimale, mais dans quelle mesure en êtes-vous satisfait ?

« Il y a toujours deux façons de voir les choses. L’une est de penser que nous pouvons toujours être fiers d’avoir continuellement amélioré la moto, mais c’est l’esprit de la course de faire cela. Pas une seule moto ne reste figée, et si on le faisait, on reculerait. Cela signifie que gravir les échelons est un jeu différent de celui qui consiste simplement à améliorer la moto : il faut le faire plus vite et à un rythme plus élevé que les autres. Si vous réussissez ce genre d’amélioration et que vous progressez au classement, alors c’est génial, et c’est ce que vous avez vu en 2017. Puis en 2018, nous avons amélioré la moto, mais les autres ont aussi fait une grosse progression durant la saison, et nous étions un peu à court de rythme car certains développements ont été un peu retardés. Cela signifie qu’il faut judicieusement gérer les ressources et planifier à l’avance. Vous ne pouvez pas toujours suivre le plan, et cela fait une différence sur le rythme de progression. En ce moment, je pense que nous avons fait d’énormes progrès au cours de l’hiver avec différents pilotes, beaucoup de retours et beaucoup d’ajustements à ces retours, et c’est là que j’ai vu la moto redevenir très différente, même si c’est seulement avec les réglages. Les grandes progressions avec les réglages peuvent être les mêmes que les progressions avec le développement matériel. Nous devons entrer dans les détails et optimiser lors de ces trois courses outre-mer sans grand développement matériel. Cela stabilisera la situation et nous trouverons le prochain point faible que nous ne pouvons pas résoudre par nous-mêmes au sein de l’équipe de course, et ensuite ce sera le tour du développement matériel à l’usine ».

Enfin, avec quatre KTM sur la grille, il y a donc évidemment beaucoup plus d’informations et de données disponibles maintenant… Mais n’est-ce pas aussi une façon de se perdre ? Avoir quatre avenues ne mène pas toujours au même endroit…

« Oui, c’est vrai. Il s’agit de gérer tous ces apports supplémentaires. Nous aurons deux pilotes d’essais cette saison et quatre pilotes sur la grille de départ, et c’est un défi que nous devrons relever au sein de l’équipe et de l’usine. Notre idée est de garder les quatre KTM aussi proches que possible pour rassembler des informations pour le développement, mais il y a aussi des limites et nous ne pourrons pas toujours avoir les mêmes motos à chaque instant. Si vous savez que vous n’avez que deux pièces pour quelque chose, alors vous savez où elles iront [aux machines de l’usine]. Ensuite, il y a aussi la phase de développement où une moto ne sera pas un modèle de course mais quelque chose à tester, que ce soit lors d’un test privé, d’un test IRTA ou d’une wildcard. Une pièce passe par de nombreuses étapes et cela signifie que la moto elle-même peut être différente ».

Crédit photos: Sebas Romero | Gold and Goose

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