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Après avoir examiné pour nous la première partie de la saison de Fabio Quartararo, Marc Márquez et Jorge Lorenzo, notre Champion du Monde 250 cm3 Christian Sarron, également vainqueur du GP d’Allemagne 500 sur le mouillé devant Freddie Spencer, continue d’analyser la grille MotoGP.

Christian, Johann Zarco n’est pas très à son aise actuellement. Il doit bien exister une solution pour que sa situation s’améliore. En vois-tu une ?

« C’est très difficile à dire. J’en ai parlé avec Jean-Michel Bayle, dont je suis assez proche. Tout a vraiment commencé quand Johann Zarco a vécu deux années « sur un nuage » en Moto2. Quand il est passé en MotoGP, tout s’est déroulé pour le mieux. Et puis l’an dernier il y a eu un grain de sable ».

« Ça a commencé à aller moins bien à mi-saison, même un peu avant. Je me rappelle des déclarations de Johann en Aragón et de ce qui s’y passait ».

« Je pose une question : Est-ce qu’une partie des mauvaises performances de Johann ne seraient pas dues à une perte de moral ? Son moral n’a-t-il pas été entamé par la séparation d’avec Laurent Fellon ? C’est une question. Ça peut avoir une influence énorme sur un athlète, sur un sportif, que d’avoir des soucis personnels. Donc là forcément, je pense qu’il y a quelque chose ».

« Ensuite, il y a peut-être aussi le fait que la signature chez KTM avait été réalisée à la fin de la saison 2017, apparemment en décembre, c’est-à-dire très tôt. N’y a-t-il pas dans la tête de Johann le regret de s’être un peu pressé et d’avoir signé trop vite avec la marque KTM alors qu’il aurait pu avoir d’autres opportunités ».

« Je pense qu’au-delà du caractère et du côté technique de la KTM, il y a aussi un problème psychologique. Sur le plan technique, il semble que la KTM doive être pilotée d’une manière un peu plus brutale, et avec Pol Espargaró dessus ça peut marcher pas si mal que ça. Mais Johann a un pilotage extrêmement coulé, qui convient bien à la Yamaha ».

« Je pense que vouloir adapter la KTM qui a un ADN bien particulier au pilotage de Johann Zarco est utopique. On arrive toujours à améliorer, mais à mon avis un pilote doit s’adapter au matériel dont il dispose. Cela n’empêche pas qu’il peut demander des évolutions. Mais si une moto est « inconfortable » et demande à être brutalisée, ce n’est pas parce qu’on va améliorer deux ou trois petites choses qu’on va changer le caractère de la moto. Si on essaie d’aller contre sa nature, on la rend inefficace ».

Ducati se retrouve avec ses deux pilotes Andrea Dovizioso et Danilo Petrucci deuxième et troisième du classement général, séparés de 6 points seulement (mais avec 58 de retard sur Márquez). Comment gérer cette situation pour Ducati ?

« Petrucci a réussi à remporter un Grand Prix, Dovizioso aussi. A priori, on peut supposer que Dovizioso est un petit peu meilleur, surtout qu’il a plus d’expérience. Mais Petrucci a beaucoup surpris, il a bien progressé. Je crois que cette émulation est positive car les deux pilotes s’entendent bien ».

« Cette envie pour chacun d’entre eux d’être le meilleur pilote Ducati ne peut que les pousser mutuellement à essayer de faire encore mieux. Cette course entre les deux pilotes officiels Ducati ne peut que les aider à se rapprocher de Márquez ».

Suzuki est désormais dans la cour des grands avec au Championnat Álex Rins 4e devant Maverick Viñales et Valentino Rossi. Penses-tu qu’un top pilote pourrait-être intéressé dans un proche avenir (2 ans) de s’unir à Suzuki pour tenter de décrocher le titre ?

« Je pense que oui, bien entendu. Quant à décrocher le titre, pourquoi pas ? Un top pilote qui n’aurait plus ou pas la place qu’il souhaite dans une autre équipe d’usine peut très bien être intéressé par la Suzuki. On voit que cette machine a bien progressé. Cette saison les deux pilotes arrivent à faire de belles choses avec ».

« Je pense que les autres pilotes ont dû s’en rendre-compte beaucoup mieux que moi, sur la piste en roulant derrière cette machine. Quand un pilote suit un autre pilote, il arrive souvent à juger du potentiel de la machine et du pilote qui le précèdent. Ils ont dû apprécier le potentiel de la moto et se dire « après tout pourquoi pas ? » ».

« Certains pilotes d’usine qui ne sont pas satisfaits du matériel dont ils disposent peuvent aller faire une offre à Suzuki, ou au contraire Suzuki peut faire une proposition à un top pilote ».

« Maintenant la situation est délicate pour Suzuki car ils se sont engagés. On ne voit pas comment ils pourraient dire au revoir et merci à Álex Rins alors que celui-ci a quand même remporté un Grand Prix pour la marque, et ça faisait longtemps que ça n’était pas arrivé, mis à part la victoire de Viñales à Silverstone. Mais en dehors de ce succès, il n’y avait pas eu de première place depuis longtemps ».

« Álex Rins a commis deux erreurs successives, mas autrement il a un potentiel en évolution, il est en train de progresser, donc ça serait à mon avis bête de se priver d’Álex Rins, et je ne vois pas comment Suzuki pourrait se permettre de le mettre à la porte sans raison ».

« Pour Joan Mir, c’est un choix qu’ils ont fait que d’avoir un pilote très jeune et débutant pour seconder Álex Rins. De son côté, Rins joue très bien son rôle et Suzuki n’a aucune raison d’être déçu, tandis que Joan Mir prépare l’avenir en étant très jeune. Donc on n’imagine pas que Suzuki veuille se séparer d’un de ses deux pilotes actuels, car l’un et l’autre font le travail ».

Valentino Rossi est dans une période difficile. D’après toi, quelle est l’origine du problème ? Et comment le résoudre ?

« C’est très compliqué. Il a une expérience unique dans cette catégorie MotoGP. La Yamaha, il la connait parfaitement. Pourquoi est-ce que ça ne marche plus aussi bien pour lui ? Il est capable d’ici la fin de la saison de se ressaisir et de faire de meilleurs résultats que lors des derniers Grands Prix. Surtout qu’il a commis plusieurs erreurs, même si certaines n’étaient pas de sa faute comme à Barcelone ».

« Je pense qu’à partir d’un certain âge, dans tous les sports, un athlète perd un petit peu de ses capacités. En compétition moto, il y a beaucoup de choses qui rentrent en jeu : Il y a la condition physique, également le mental, la confiance, l’agilité, l’adresse (comme on le voit avec Marc Márquez) ».

« Avec l’âge on perd un petit peu dans ces différents domaines et pour Valentino Rossi comme pour tous les autres, le temps passe. Il a certainement toujours la détermination, la volonté, la force mentale, mais cela n’empêche pas qu’il n’est plus dans ses meilleures années. Cela n’a absolument rien de négatif, ni de péjoratif, que de dire que Valentino Rossi n’est plus au sommet de sa forme ».

« Il a fait des choses extraordinaires, il a une longévité exceptionnelle, mais tout simplement il vieillit et ce sera de plus en plus difficile pour lui. Mais il est très fort, on le connait, et il est tout à fait capable de nous surprendre d’ici à la fin de la saison ».

 

Photos © Michelin

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