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Régulièrement, on peut lire (avec regret) que Kawasaki ne reviendra pas dans la catégorie reine des Grands Prix. La marque japonaise y a pourtant été active à deux reprises, et vous connaissez le proverbe…

Cependant, son parcours en GP500 puis en MotoGP ne plaide pas en faveur d’un retour, malgré des éléments vraiment très intéressants.

Après le premier chapitre sur la KR500, puis la genèse de la Kawasaki Ninja ZX-RR 1000cc, nous vous proposons donc de revisiter ces années vertes en MotoGP.

3/ La Kawasaki Ninja ZX-RR MotoGP 1000cc en compétition

Début 2003, Kawasaki attaque sa première année en MotoGP sous le nom Fuchs Kawasaki, avec une machine relativement classique, dérivée du Superbike.

Moteur
Type 4 cylindres 4-temps
Cylindrée 990cc
Culasse 4 soupapes par cylindre, double arbre à cames, ressorts de soupapes
Alimentation Injection électronique Keihin FCR-i
Electronique Denso
Lubrification Carter humide
Puissance 240 chevaux
Embrayage À sec, à glissement
Boîte de vitesses À cassette, 6 vitesses

 

 

Sous la direction de Harald Eckl, elle est fournie à 3 pilotes pour le premier Grand Prix de la saison à Suzuka: Garry McCoy, Andrew Pitt et Akira Yanagawa, ce dernier étant en wildcard. Malgré tout le travail effectué durant l’hiver, les trois ZX-RR font un tir groupé aux 16e, 17e et 18e positions (sur 21 pilotes), à plus d’une minute du vainqueur, Valentino Rossi.

Cette base de départ plutôt modeste de la moto construite à Akashi se perpétuera tout au long de l’année, malgré le renfort épisodique du pilote d’essais Alex Hofmann à partir de Jerez. Au final, Garry McCoy s’en sortira le mieux, avec 11 points inscrits au championnat grâce entre autres à une 9e place sous la pluie au Mans, contre 8 à Alex Hofmann (10e à Assen) et seulement 4 à Andrew Pitt. Les trois pilotes sont respectivement 22e, 23e et 26e au championnat.

 

 

 

En fin d’année, le roi de la glisse Garry McCoy se voit toutefois remercier, tout comme Andrew Pitt. 

 

 

 

2004 : Les deux hommes sont remplacés par Shinya Nakano et Alex Hofmann qui est promu pilote titulaire. Techniquement, la moto dispose  d’un nouveau carénage et d’un nouveau cadre, toujours assez classique, périmétrique en aluminium, mais dorénavant construit chez Eskil Suter, en Suisse. Les échappements raccourcissent. La ZX-RR utilise toujours une électronique Denso en retard sur Magneti Marelli. Au mois de septembre, lors du test au Portugal, les pilotes testent également une injection Magneti Marelli  qui sera ensuite adoptée.

 

 

 

Dans la foulée du pilote japonais, Harald Eckl, responsable de l’équipe Kawasaki, signe aussi avec Bridgestone pour remplacer les Dunlop. « Cela a été une année d’essais pour nous et Dunlop et nous avons beaucoup progressé. Néanmoins, j’avais quelques doutes parce que nous étions la seule équipe Dunlop. Après avoir vu les bons résultats de Bridgestone avec Tamada et sa Honda, j’ai pensé que ce serait une bonne alternative. En plus, Kawasaki et Bridgestone ont une relation étroite en terme de production, donc ce serait une autre façon pour eux de continuer dans cette voie. »

 

 

 

En cours d’année, on essaiera également cette nouvelle prise d’air.

 

 

Au fil des courses, la Kawasaki Ninja progresse bien et obtient même un premier podium au Japon, avec Shinya Nakano, mais, avant cela, l’année est marquée par la chute à très grande vitesse de Shinya Nakano dans la ligne droite du Mugello, suite à un éclatement de son pneu arrière.

 

Shinya Nakano échappe miraculeusement à des blessures graves malgré cette chute à 300 km/h et s’en tire avec des contusions, une épaule gauche meurtrie, un poignet meurtri et un doigt blessé à la main droite.

En fin d’année, Shinya Nakano obtient la 10e place du championnat, avec 83 points, Alex Hofmann la 15e avec 51 points. Mieux, Kawasaki termine 4e au championnat des constructeurs, devant Suzuki, Aprilia, Proton, Harris et Moriwaki.

 

 

 

 

2005 : Les deux pilotes Shinya Nakano et Alex Hofmann sont logiquement maintenus. Olivier Jacque devient pilote d’essai d’un team dorénavant appelé Eckl Kawasaki.

Signe de son implication en compétition, Kawasaki Motors Japan décide d’acheter le circuit alors en déclin d’Autopolis (aujourd’hui rénové), sur l’île méridionale de Kyushu au Japon. Construit en 1990, il dispose d’une ligne droite de 902 m, de 11 courbes à droite très techniques et de 6 à gauche, le tout sur un dénivelé de 52 mètres entouré par les montagnes de Kyushu. Seul inconvénient pour le public, il est situé à 2 heures de route de la ville la plus proche, Kumamoto. Pour Kawasaki, par contre, ce n’est pas trop loin d’Akashi…

 

 

 

La nouvelle Ninja ZX-RR se distingue essentiellement par son nouveau moteur Big-Bang qui vient remplacer le Screamer. Elle est maintenant dotée de 4 pots d’échappement et d’une injection Magneti Marelli … 

 

 

 

Les débuts à Jerez sont convaincants et Shinya Nakano y obtient une prometteuse 5e place.

Shinya Nakano : « C’est un début de saison fantastique pour le nouveau moteur big-bang de Kawasaki; je suis évidemment très heureux. Tous les ingénieurs de Kawasaki ont fait un excellent travail, le moteur était fort et il y a plus de performances à venir. Les pneus Bridgestone étaient également très bons dans ces conditions. Dès le début, j’ai poussé très fort, mais je ne pouvais tout simplement pas rester dans le groupe de tête, c’était difficile de garder le rythme en roulant seul. J’ai continué à pousser jusqu’à l’arrivée et même lorsque Barros m’a dépassé, j’ai suivi son rythme et je n’ai plus perdu de positions. »

 

 

 

Ce sera toutefois son meilleur classement de la saison, et pas le meilleur pour Kawasaki puisque fin avril Olivier Jacque est appelé pour remplacer Alex Hofmann qui s’est blessé au bras gauche lors d’une démonstration en ville en prélude du Grand Prix du Portugal.

Bien qu’âgé de 31 ans et sans grande expérience de la catégorie reine (wildcard pour Moriwaki), le champion du monde 250cc français ne laissera pas passer sa chance de faire les Grand Prix de Chine à Shanghai et Grand Prix de France au Mans en retrouvant au sein du KRT à la fois celui qui lui a contesté le titre 250 jusqu’au dernier virage, mais aussi le nouveau directeur technique de Kawasaki en MotoGP, Ichiro Yoda, qui était en charge du développement des Yamaha 250cc lors du titre mondial en 2000.

Et dès sa première course entamée depuis la 15e position avec la Kawasaki, Olivier Jacque crée l’exploit en terminant 2e sous la pluie du Grand Prix de Chine malgré une visière embuée, soit à la fois le meilleur résultat de Kawasaki en MotoGP, son meilleur résultat personnel en catégorie reine et le meilleur résultat de Bridgestone sous la pluie !

Valentino Rossi, vainqueur de la course malgré l’incroyable remontée du Français : « J’ai lu qu’Olivier venait en MotoGP pour deux courses et que la Chine était juste pour l’entraînement, alors maintenant nous devons faire attention à lui au Mans. »

Ichiro Yoda (Directeur technique) : « Incroyable, je ne peux pas croire ce résultat et je ne comprends pas pourquoi un pilote comme Olivier n’est pas en MotoGP à plein temps. J’espère que le sport le verra plus de fois. J’ai travaillé avec lui chez Yamaha pour le championnat du monde 250 donc ce résultat aujourd’hui avec Kawasaki est très spécial pour nous deux. »

Harald Eckl (Team Manager) : « Un résultat fantastique, et tout à l’honneur d’Olivier dans des conditions très difficiles. Il y a deux semaines à Estoril, nous avons vu qu’il avait encore ce qu’il fallait pour courir à ce niveau, et le résultat d’aujourd’hui ne fait que prouver que la décision de le mettre sur notre moto pour cette course, et pour la prochaine au Mans, était la bonne. Le résultat prouve également que les ingénieurs de Kawasaki ont construit un moteur adapté à ces conditions. Enfin, je dois dire un grand merci à notre partenaire pneu Bridgestone, car ils ont fait beaucoup de travail sur leurs pneus pluie. »

 

 

 

Au Mans, deux semaines plus tard, la prestation sera plus modeste mais honorable, avec une 11e place, 3 positions derrière son coéquipier lui-même handicapé par un problème moteur.

 

 

Harald Eckl (Team Manager) : « Après la solide performance de qualification de Shinya, ce résultat est un peu décevant pour tout le monde dans l’équipe, car nous nous attendions à ce qu’un résultat parmi les six premiers soit possible dans la course. Les techniciens vérifient toujours le problème de moteur de Shinya, mais il a entendu du bruit et ressenti un raté , donc il a fait la bonne chose de rouler pour des points. Quant à OJ, il a fait une autre course fantastique pour Kawasaki, avec des tests et des essais sur le sec limités. Il est toujours en train d’apprendre la Ninja ZX-RR et les pneus Bridgestone, mais il a donné nous un excellent résultat, deuxième en Chine, ce qui était évidemment un moment fort pour l’équipe. »

« Mission remplie » pour le Français qui est embauché comme pilote d’essais mais ne reverra toutefois la Kawasaki en course qu’à partir de l’Allemagne pour quatre épreuves plus malchanceuses en fin de saison…

En fin d’année, la saison se confirme être en progression pour Kawasaki, non seulement avec le coup d’éclat d’Olivier Jacque mais aussi les dix Top 10 de Shinya Nakano.

Le team KRT se classe à nouveau 4e au championnat des constructeurs devant Suzuki malgré un week-end noir à Motegi, avec cette fois 126 points. Shinya Nakano obtient la même 10e position avec 15 points de mieux qu’en 2004 et repartira pour une nouvelle saison en vert.

Alex Hofmann, blessé et dans l’ensemble irrégulier malgré une belle 8e place à Donington, se verra remercié.

Shinya Nakano, qui a fait la dernière course à Valence avec une main blessée lors de la première journée, ne participe pas au test post Valencia, alors que Randy de Puniet y fait sa première apparition pour essayer pour la première fois la Ninja ZX-RR qu’il pilotera pendant la saison 2006. Il y est rejoint par Olivier Jacque, pilote d’essais et de développement de Kawasaki.

Randy de Puniet : « Le premier jour, je me suis concentré sur l’adaptation de mon style de pilotage, puis j’ai effectué des tests de gestion du moteur et des réglages d’injection de carburant, avec la possibilité de faire des tours réguliers le troisième jour. Venant d’une 250, le poids, la puissance et le freinage moteur d’une machine MotoGP sont complètement différents, mais je suis satisfait de mes progrès: j’ai un bon feeling, à la fois de la moto et des pneus. »

Harald Eckl: « Il a encore beaucoup à apprendre et à comprendre, en particulier avec des choses comme le freinage moteur, après être venu des 250cc deux temps, mais il progresse très bien ».

 Le mois suivant, lors du test de 3 jours en décembre à Sepang, Shinya Nakano place une première version du prototype ZX-RR 2006 à 3 dixièmes du meilleur temps réalisé par le champion du monde MotoGP Valentino Rossi: « Je n’étais pas sûr de pouvoir rouler ici pendant trois jours parce que j’avais encore des douleurs et une raideur dans la main gauche. Mais au final, j’ai pu terminer le test et j’ai pu attaquer le dernier après-midi. Je suis très heureux parce que nous avons mené à bien un grand programme de travail avec le nouveau prototype qui a défini une nouvelle direction, avec à la fois une meilleure maniabilité et une meilleure réponse du moteur. J’ai essayé deux calages d’allumage différents pour fournir à nos ingénieurs des données pour évaluer la meilleure combinaison de couple et de puissance maximale. Je suis très positif après ce test et j’attends avec impatience la prochaine étape de développement après de courtes vacances. « 

Harald Eckl: « Le prototype 2006 ZX-RR n’est toujours pas dans sa spécification finale, car les ingénieurs de Kawasaki continuent de se préparer, mais jusqu’à présent, la réponse du nouveau châssis et du nouveau moteur est très positive et clairement un pas dans la bonne direction, en particulier en ce qui concerne la stabilité et la maniabilité. Nous devons encore améliorer les performances et la contrôlabilité du moteur et nous avons maintenant de très bonnes données pour l’avenir. »

2006 : C’est donc Shinya Nakano et Randy de Puniet qui ont la responsabilité de défendre les couleurs (légèrement modifiées) de Kawasaki en Grand Prix, tandis que Olivier Jacque continue le travail de développement.

La ZX-RR, toujours très classique, dispose d’un moteur plus puissant et d’un châssis plus maniable, et permet dorénavant de figurer dans le groupe de tête, du moins en qualification.

Voici son moteur, encore pour le moment avec des ressorts de soupapes… mais dorénavant géré par une électronique 100% Magneti Marelli basé sur un ECU Marvel 4 bien plus efficace que le système Denso. Cela se traduira par des performances bien meilleures et, pour l’anecdote, l’ex-technicien d’Aprilia qui a su convaincre à l’époque Kawasaki de choisir l’électronique italienne, Danilo Casonato, travaille encore aujourd’hui pour la firme d’Akashi, en Superbike…

Shinya Nakano : « Quand Kawasaki m’a dit qu’ils allaient préparer une nouvelle moto pour 2006, je leur ai demandé de ne pas faire trop de changements parce que la moto de l’an dernier avait beaucoup de points positifs. Alors, même si la Ninja ZX-RR 2006 est complètement nouvelle, elle a beaucoup de points communs avec la moto de l’année dernière. Il s’agit plus d’une évolution que d’une révolution.  Cette moto a gardé les points positifs de la version précédente mais elle offre également des améliorations considérables dans plusieurs secteurs clés. Le package est bien plus compétitif cette année, comme nous l’avons vu lors des essais extra-européens et des tests IRTA où nous avons réduit l’écart assez significativement avec les autres constructeurs. »

Comme l’année dernière, le premier Grand Prix à Jerez sourit aux verts, et Shinya Nakano s’y qualifie en 3e position, égalisant ainsi sa meilleure qualification au Grand Prix de Malaisie en 2004, avant de rallier l’arrivée à la 7e place.

Shinya Nakano réalise une très bonne année en ce qui concerne les qualifications, puisque le pilote japonais partira 16 fois depuis le Top 9 sur 17 courses. Hélas, les résultats sont moins bons lors des courses, malgré un point d’orgue à Assen avec une 2e place, le meilleur résultat de Kawasaki en MotoGP.

Harald Eckl (team manager) : « Aujourd’hui est une journée très spéciale pour Shinya Nakano et le Kawasaki Racing Team. Shinya a marqué son meilleur résultat de tous les temps en MotoGP, mettant fin à la série de malchance que nous avons eu au cours des dernières manches. J’aimerais aussi dire un grand merci à l’équipe, qui a travaillé dur pour ce résultat aujourd’hui. Je suis désolé pour Randy. Encore une fois, il a été désavantagé sans faute de sa part, mais il s’est battu pour décrocher des points au championnat et accroître une précieuse expérience. J’espère que lors de la prochaine course à Donington, il aura la chance de montrer le potentiel qu’il possède sans aucun doute. »

On aperçoit sur la photo le nouveau carénage que le team Kawasaki utilise depuis le Mugello. Conçu par des ingénieurs Kawasaki au Japon, en collaboration avec le même institut de technologie impliqué dans le développement aérodynamique du célèbre train à grande vitesse japonais Shinkansen, le nouveau carénage est censé offrir un certain avantage dans les lignes droites.

En fin d’année, Kawasaki rétrograde à la 6e place du championnat constructeurs avec 109 points, derrière Honda, Yamaha, Ducati, Suzuki et même le team de Kenny Roberts : la pilule est dure à avaler…

Souvent marquée par la malchance en course alors qu’il était souvent brillant en qualification, l’année de Randy de Puniet est plus difficile que celle de son coéquipier, couronnée par une 10e place au Portugal. Le Français a marqué 37 points lors de sa première année chez Kawasaki et dispose d’un contrat de deux ans.

Malgré les 92 points inscrits par Shinya Nakano au terme de sa troisième année chez les verts, le natif de Chiba et résident de Barcelone quittera la ZX-RR en fin d’année pour le team Konica Minolta Honda de Gianluca Montiron.

Harald Eckl : « Shinya a décidé de quitter Kawasaki à la fin de la saison, aussi nous devons chercher un autre pilote. Aoyama a un contrat avec KTM et je pense que nous devons respecter les engagements des différentes parties concernées. »

Après deux années passées à développer la ZX-RR, Olivier Jacque se voit finalement titularisé aux côtés de Randy de Puniet. 

En novembre 2006, Kawasaki se sépare de Harald Eckl qui dirigeait son équipe MotoGP depuis 2002, en raison de sa «participation sérieuse aux activités MotoGP d’un concurrent».  Il s’agissait alors de Ilmor, entreprise fondée en 1984, par le Suisse Mario Illien et le Britannique Paul Morgan, deux anciens ingénieurs de chez Cosworth, qui aligneront en 2007 la X3 en collaboration avec Eskil Suter… mais avaient déjà fait rouler la moto au Portugal et à Valence.

Du coup, Kawasaki rompt également toute relation avec ce dernier et les cadres de la ZX-RR 2007 seront produits en interne.

Techniquement, la grosse nouveauté sera le passage du MotoGP à 800cc, mais ceci est une autre histoire que nous vous conterons prochainement…

A suivre.

Retrouvez le premier chapitre sur la KR500 ici

Retrouvez le deuxième chapitre sur la genèse de la Ninja ZX-RR ici

A suivre avec la fin de l’histoire…

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