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Parlons MotoGP Marc Márquez

Cet article n’était initialement pas prévu. Mais face à l’engouement et la qualité des réponses concernant la publication d’hier – qui concernait le départ de Márquez, Parlons MotoGP s’adapte. Je voulais d’abord vous remercier pour tous vos retours, qui furent d’une grande pertinence. Merci de prendre du temps et de votre passion pour interagir avec moi et les autres. Vous êtes l’âme de ce format. Beaucoup n’étaient pas d’accord, et une bonne partie ont pris la peine d’écrire de longs commentaires – que j’ai tous lu, sans exception. Dans l’incapacité de répondre à tout le monde au vu du temps que cela prendrait, j’ai décidé d’en faire un article, où je vais tenter, d’une part, de préciser ma pensée concernant le cas Márquez, et surtout, vous répondre, à vous ! Si ce nouveau format vous plaît, je réitérerai l’expérience.

 

Parlons MotoGP et Marc Márquez, une grande histoire

 

Les débats sont toujours déchaînés concernant Márquez, l’un des plus grands pilotes de tous les temps. Sur ce point, j’ai constaté que nous sommes tous sur la même longueur d’onde. Mais hier, quelle ne fut pas ma surprise quand j’ai constaté que personne, ou presque, ne partageait mon avis sur plus d’une centaine de commentaires.

Débutons avec l’argument suivant : « Márquez est en partie (ou totalement) responsable de la descente aux enfers de Honda ». Il revient très souvent. Selon moi, il est totalement fallacieux et je vais tenter d’expliquer pourquoi en quelques points très concis car il y a beaucoup à traiter.

Premièrement, Honda est une grande marque, la plus grande de toute l’histoire des sports motos, et c’est pour cette raison que j’ai poussé la comparaison avec la Scuderia Ferrari. C’est elle qui conçoit la moto. Un pilote est un employé ; par le fait, il ne peut pas être responsable du déclin technique. C’est à la firme de mieux pousser dans le sens du développement, ce n’est pas au pilote phare de s’adapter aux demandes des autres. Honda a conçu une RC213V pour Márquez ? Et alors ? Pensez-vous que la Benetton B194 ne favorisait-elle pas plus Michael Schumacher plutôt que Jos Verstappen ? Que la Ferrari F399 n’était pas mieux réglée pour le Kaiser que pour Eddie Irvine ? C’est un phénomène courant dans l’histoire du sport automobile, et l’on décèle des traces jusqu’à la grande époque des Grands Prix dans les années 1930. Certes, c’est un peu moins courant en MotoGP mais ça n’a pas empêché Honda de le faire. C’est la marque qui choisit, le pilote n’est pas responsable de la philosophie de son employeur. Son job, c’est de gagner. S’il peut assumer ce statut, pourquoi s’en priver ?

 

Parlons MotoGP Marc Márquez

Dire, en 2023, qu’un Márquez 2014 ou 2019, aussi flamboyant, magnifique, royal, a desservi Honda plutôt que lui rendre service, me paraît injuste. Photo : Box Repsol

 

Le deuxième point découle du premier. Ceux qui affirment la phrase en gras deux paragraphes au-dessus, ne tenez-vous pas compte des résultats ? Depuis 2013, Marc Márquez a pris six titres mondiaux, a gagné 59 fois, est monté sur le podium à 101 reprises. De 2013 à 2019, il était quasiment intouchable et pire, de plus en plus fort ! En 2020, il s’est gravement blessé alors qu’il revenait comme une balle à Jerez, l’une de ses performances les plus folles. Puis, en 2021, il remporte encore trois courses, poursuit en 2022 avec des podiums et remonte sur la boîte il y a moins d’une semaine à Motegi ! Avant Álex Rins au COTA en 2023, personne d’autre n’avait plus gagné avec la RC213V depuis l’Argentine en 2018. Comment est-ce possible d’affirmer que c’est Marc Márquez qui est responsable de cette descente aux enfers que l’on constate réellement depuis 2020, date de son absence ?

Honda a fait un pari avec Marc. Il a payé. La firme Japonaise ne troquerait jamais ses titres pour une meilleure régularité. Maintenant, la situation est plus difficile simplement parce que les ambitions de la marque ailée ne sont plus à la hauteur, elle s’est reposée sur l’octuple champion du monde – les résultats sont indéniables. Notre pensée tient en une phrase ; Marc ne fut pas responsable de la chute, mais de l’escalade jusqu’au point duquel Honda s’est jeté. C’est comme si on lui reprochait d’avoir trop gagné à lui tout seul ! De ne pas prendre en compte les préférences de Takaaki Nakagami, et bien d’autres !

 

Marc ne fut pas responsable de la chute, mais de l’escalade jusqu’au point duquel Honda s’est jeté.

 

 

Honda au plus mal

 

Passons au deuxième argument le plus souvent relevé dans vos commentaires. À la toute fin de l’article, j’émettais de gros doutes concernant la capacité de Honda à se relever, mais que cette question était toujours en suspens, comme une simple piste. De ce fait, j’en profite pour rappeler que je n’ai jamais écrit qu’il n’y avait plus aucun espoir pour Honda.

De ce que j’ai compris, beaucoup me trouvent trop pessimiste avec les Japonais. Tout d’abord, revenons rapidement sur le fameux statut de « plus grand constructeur mondial ». Le nombre de motos vendues n’a strictement rien à voir avec la qualité de la production de machines de course d’une part, ainsi que l’orgueil de l’autre. Parce que Honda a plus d’argent, alors ils ont plus faim qu’Aprilia ? Mais où sont-ils depuis quatre ans ? Que dire de la promotion de Pol Espargaró, Joan Mir ou même, d’un vieux Jorge Lorenzo au sein de l’équipe officielle ? Il y a dix ans, Pedro Acosta aurait accepté d’être payé moins pour aller chez Honda Repsol. Aujourd’hui, tous se battent pour s’en aller. C’est ça, le plus grand constructeur du monde ?

 

Il y a dix ans, Pedro Acosta aurait accepté d’être payé moins pour aller chez Honda Repsol. Aujourd’hui, tous se battent pour s’en aller.

 

Parlons MotoGP Marc Márquez

Oui, Honda a existé avant Márquez. Mais Honda n’a jamais été aussi dépendant d’un pilote, même avec un Mick Doohan à plus de 20 points par course en 1997. Photo : Box Repsol

 

De nombreux commentaires tous aussi riches les uns que les autres, j’insiste et vous remercie, rappelaient que Honda s’est toujours relevé, et que l’équipe existait avant Marc Márquez. Vous avez tout à fait raison, c’était une institution. Mais elle n’a jamais été aussi mal en point de son histoire. J’ai pu voir beaucoup de références à la NR500 quatre temps mal-née, employée pour la saison 1979. Déjà, cette moto était caractérisée par son innovation, c’est bon de le rappeler. D’accord, la moto n’était pas compétitive face aux RG500. Mais alors qu’il s’agissait d’un autre temps, Honda a réagi en moins de trois ans ! À l’époque, il était fréquent de voir les mêmes machines s’affronter plusieurs années de suite, mais à l’heure où nous écrivons ces lignes, une marque ne peut pas se permettre d’attendre quatre ans pour voir débarquer un prototype qui marche enfin. La défection de Marc signifie aussi que la RC213V 2024 n’était pas à la hauteur.

À l’ère moderne, soit depuis le début des années 1990, Honda n’a jamais été aussi mal en point. Pour moi, la situation est directement liée au manque d’ambition, et surtout, au contexte japonais, que j’avais tenté d’analyser dans l’article que vous pouvez retrouver en cliquant ici. Et puis, il ne faut pas oublier qu’aucune institution n’est éternelle. Ce n’est pas parce qu’il s’agit de l’usine Honda qu’elle va continuer à rouler au très haut niveau des décennies durant. Il existe plein d’écuries toutes aussi mythiques les unes que les autres qui ont cessé leur activité alors que quelques années auparavant, on aurait jamais imaginé qu’ils nous quittent ou qu’ils ralentissent ! Nous pensons à Mercedes-Benz au Mans, jamais au sommet après plusieurs retours infructueux, Lancia en rallye, ou pire, Lotus en Formule 1, un autre exemple absolument criant. Suzuki en MotoGP est l’illustration même que ces entités mythiques ne sont pas inaltérables, même si la firme d’Hamamatsu avait déjà dit au revoir auparavant. Encore une fois ; je n’affirme point que Honda ne se relèvera pas, car il existe toujours des pistes quand vous disposez de la puissance financière. Mais au vu du contexte, un tel propos est loin d’être blasphématoire.

 

Je n’affirme point que Honda ne se relèvera pas, car il existe toujours des pistes quand vous disposez de la puissance financière. Mais au vu du contexte, un tel propos est loin d’être blasphématoire.

 

Rien n’allait, ou presque sur cette NR500. Mais l’époque n’était simplement pas la même, c’est tout à fait incomparable. Et puis, justement, à cette période, Honda revenait seulement et n’avait pas toute l’expérience, la grandeur du statut dont elle jouit aujourd’hui, ce qui est d’autant plus dommageable. Photo : Rainmaker47

 

Conclusion

 

J’espère que ce nouveau format interactif vous aura plu. En effet, j’adore discuter avec chacun de vous mais parfois, le volume de commentaire m’empêche de réellement prendre le temps de dire ce que je veux à tout le monde. Aussi fan du style journalistique des années 1920, j’espère avoir rendu un bel hommage à la plume de Charles Faroux dans L’Auto qui n’hésitait pas à s’adresser directement aux lecteurs, à la première personne. Dans cet article, je n’ai pas tout abordé et j’aurais adoré évoquer le rôle de Dani Pedrosa de 2013 à 2018, sur lequel je ne suis pas d’accord avec certains, entre autres, mais il faut aussi que cela reste lisible et pas trop rébarbatif. Quoi qu’il en soit, merci à tous pour votre passion, votre engagement, et que le débat continue !

Plus que jamais, n’hésitez pas à me dire ce que vous avez pensé de ce format en commentaires !

 

Malgré tout, cela reste triste. L’histoire était magnifique. Photo : Box Repsol

 

Photo de couverture : Box Repsol

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