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Claudio Costa

Initiée lors du premier Grand Prix de la saison MotoGP au Portugal, ce que l’on peut appeler « L’affaire Marc Márquez » vient de connaître une conclusion à priori surprenante pour les passionnés que nous sommes tous.

Mais il existe un monde entre la passion et la loi, et c’est pour cela qu’entre notification de sanction, application de sanction et décision concernant l’appel fait par Marc Márquez et le HRC – REPSOL HONDA TEAM, nous avons demandé à Maître Jérôme Henry, Avocat à la Cour de Paris qui connaît le milieu du MotoGP sur le bout des doigts, de nous donner son avis de professionnel.


Avis sur l’affaire Marquez, suite

Par Maître Jérôme Henry, Avocat à la Cour de Paris

La Cour d’appel MotoGP a rendu sa décision le 9 mai 2023, et beaucoup de commentaires publiés dans les média sont, à nouveau, totalement erronés.

1. Pour commencer, la décision n’arrive pas hors délai car l’article 3.4.4. du Règlement FIM MotoGP dispose que la décision doit intervenir dans les quatre semaines à compter du dépôt du mémoire d’appel de l’appelant.
En l’occurrence, le mémoire a été déposé le 17 avril donc la Cour avait jusqu’au 16 mai pour statuer.

2. Sur le fond, nous écrivions deux choses dans notre précédente analyse :

« Il est donc très vraisemblable que les juges de la Cour d’appel vont soit accorder le sursis à exécution dans un premier temps, soit prendre leur décision suffisamment vite pour ne pas avoir à se prononcer sur la demande de sursis ».

« Dès lors, à mon avis, la Cour d’appel MotoGP ne peut pas faire autrement que d’invalider la décision du 28 mars 2023 »

C’est exactement ce qui s’est passé, et pour les raisons que j’avais évoquées.

a) La Cour a d’abord prononcé un sursis à exécution, pour permettre à Marc Márquez, le cas échéant, de prendre part au(x) GP suivant(s) sans effectuer ce « double tour long » en attendant une décision de la Cour sur le fond du litige,

b) Puis le 9 mai elle a rendu sa décision sans attendre l’expiration du délai de quatre semaines, sans doute pour que cela intervienne avant le GP de France, où Marc Márquez doit faire sa rentrée.

La motivation de la Cour d’appel pour annuler cette seconde décision est principalement qu’aucune disposition du règlement FIM MotoGP n’autorise les Stewards à modifier une décision disciplinaire, sauf si sa rédaction était ambiguë ou imprécise, ce qui n’était pas le cas.

La Cour d’appel exprime sa sympathie pour la motivation des Stewards, à savoir que le pilote subisse une sanction pendant une vraie course, ce qui n’est pas le cas à leurs yeux si le pilote est empêché de prendre part à la course, mais ils font appliquer la loi et ils annulent la décision du 28 mars.

Accepter une seconde décision pour les mêmes faits sans qu’il y ait un besoin d’interprétation est inacceptable, tout spécialement dans un contexte où il semble bien que la question a été expressément posée par le pilote et/ou son équipe aux commissaires, qui auraient répondu verbalement que, si Márquez ne prenait pas le départ en Argentine, la sanction serait considérée comme purgée.

Est-ce que les Commissaires avaient compris que Márquez pourrait ne pas venir du tout en Argentine ?
Je n’en suis pas sur : il est possible qu’ils aient compris que la question posée concernait le cas où Márquez, sur blessure par exemple, ne pourrait prendre le départ de la course.
Quoi qu’il en soit, il semble qu’ils aient répondu à Márquez et Honda de façon claire.

3. À noter encore trois choses intéressantes :

– La Cour relève que l’appel de Marc Márquez et de Honda était hors délai en réalité, la décision du « FIM Sporting Manager » de leur donner 24h n’étant pas conforme au règlement (qui prévoit un délai d’une heure). Mais compte tenu des circonstances, la Cour, tout en relevant qu’il n’appartenait pas à ce FIM Sporting Manager d’accorder un tel délai, surtout qu’il n’a donné aucune raison pour ce faire, décide de ne pas évoquer elle-même ce moyen d’irrecevabilité, que la FIM n’a pas soulevé non plus. Il est vrai que si la FIM avait demandé et/ou obtenu le maintien de la décision du 28 mars à cause d’un délai d’appel non respecté alors même qu’elle a pris 24h parce que le représentant de la FIM le lui avait permis, ça aurait fait encore plus scandale.

– La Cour condamne la FIM à assumer les frais administratifs de la procédure d’appel, et rembourse à Honda les 1.320 € de caution, mais ces derniers, qui demandaient que la FIM prennent en charge leurs frais d’avocats, sont déboutés. La Cour a ainsi voulu souligner que certes, les Stewards avaient commis une erreur qui justifiait que leur décision du 28 mars soit annulée, mais que Márquez s’en sortait bien.

– Enfin, la Cour relève que la FIM a communiqué le 30 mars un document non daté par lequel elle précisait que la philosophie des Stewards est qu’un pilote sanctionné effectue réellement sa peine, de sorte qu’en cas de sanction elle doit être appliquée lors de la prochaine course à laquelle le pilote concerné participera, sauf en cas de blessure intervenue après et sans relation avec l’incident lui ayant valu la sanction, mais elle écarte l’application de ce document dont la FIM n’établit pas qu’il ait été porté à la connaissance de Marc Márquez et de Honda avant les deux sanctions des 26 et 28 mars 2023.

En conclusion, je trouve cette décision parfaitement justifiée et argumentée et je n’y vois aucune collusion entre les autorités et Honda, comme certains maniaques du complot le soulignent.

Jérôme Henry
Avocat à la Cour


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