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Jaume Masiá Parlons MotoGP

La plus grande injustice de 2023 débuta le Dimanche 19 novembre à 15 h 37. Comme depuis le début de saison, j’étais en train de raconter le déroulé de la course Moto3 pour votre site favori. L’épreuve était sensationnelle, et couronna Jaume Masiá, pilote Honda Leopard Racing. Je décidais de titrer « la course de l’année », car j’en étais convaincu ; nous n’avions pas vu un tel niveau de tension depuis mi-mars. Et pourtant. Quelle ne fut pas ma surprise quand je vis l’avalanche de commentaires négatifs concernant le vainqueur. Alors, aujourd’hui, « Parlons MotoGP » va tenter d’aider à arrêter le harcèlement qui touche Jaume Masiá depuis trois jours. Car oui, il n’a rien fait de mal.

Cette analyse, comme les autres, vise à donner un point de vue subjectif argumenté, et recueillir vos avis en commentaires. Sur un sujet aussi sérieux, contribuons tous à la bienveillance sur les réseaux sociaux.

 

Jaume Masiá a été grandiose

 

Non seulement j’affirme que Jaume Masiá n’est pas en tort, mais en plus, il a été grand. Après Valence, je reviendrai en détail sur l’intégralité de la saison Moto3, avec ses enseignements, ses leçons, et ses figures. Mais pour l’instant, concentrons-nous exclusivement sur le Grand Prix du Qatar, même si l’ajout de contexte sera parfois nécessaire, notamment dans la troisième partie.

Commençons par rappeler les faits. Jaume Masiá arrivait à Losail en tête du mondial Moto3, devant Ayumu Sasaki, pilote pour l’équipe Husqvarna Intact GP. Avec 13 points d’avance, le matelas lui garantissait le titre s’il gagnait et que le Japonais ne terminait pas dans les quatre premiers. Une fois les feux éteints, les deux se retrouvent en piste, aux avant-postes, et nous offrent une somptueuse bataille, comme c’est l’usage dans la plus petite des catégories. C’est tout. Sasaki termine sixième quand Masiá s’impose, ce dernier est donc titré.

 

Jaume Masiá Parlons MotoGP

Les deux nous ont offert du grand spectacle. Photo : Leopard Racing

 

Voici le premier point qui fait parler, et qui conduisit au harcèlement de Jaume Masiá. Le pilote Leopard aurait été trop dur sur l’homme, notamment en raison d’un dépassement appuyé – plutôt, un blockpass – sur Sasaki. La vidéo intégrée au tweet ci-dessous nous le montre, ainsi que d’autres actions similaires.

 

 

Alors, oui, il est, ferme, viril. Mais dans les règles. Personne ne s’offusque quand Brad Binder ou Marc Márquez font de même. D’ailleurs, l’octuple champion du monde est actuellement en tête du sondage concernant le dépassement de l’année pour un énième blockpass avec contact sur Pecco Bagnaia au Mans. C’est presque hypocrite de la part des votants. Il est vrai, j’ai déjà critiqué le Sud-Africain pour ce type de dépassements relativement sales, sauf qu’il existe deux différences majeures entre les deux contextes.

Premièrement, le Moto3 est réputé et apprécié pour ce genre de passe d’armes. Elles sont monnaies courantes, et rien qu’au Qatar, elles furent aussi nombreuses qu’à l’accoutumée. Deuxièmement, un titre mondial est au bout. Tous les moyens sont bons pour faire déjouer l’adversaire, et justement, cet enjeu donne du sens au pilotage de Jaume Masiá.

C’est un phénomène commun dans l’histoire, et c’est pour cette raison que je peine à comprendre l’acharnement sur Jaume. À Valence, lors de la saison 2013, Jorge Lorenzo devait absolument mettre le plus de pilotes entre lui et Marc Márquez. « Por Fuera », toujours très propre dans ses trajectoires, n’avait pas hésité à ralentir intentionnellement le peloton pour que d’autres s’intercalent, quitte à toucher Dani Pedrosa, qui lui, désirait s’échapper. Même si le plan n’avait pas fonctionné, c’était héroïque, et personne n’avait rien trouvé à redire.

 

Jaume Masiá Parlons MotoGP

Beaucoup allument le vainqueur parce qu’il célèbre. Que devrait-il faire d’autre ? Pleurer ? C’est suffisamment rare de gagner pour s’adjuger un titre. Photo : Leopard Racing

 

Ici, Jaume Masiá a piloté avec le cœur. D’accord, cet appui sur Sasaki était limite. Mais déjà, il écopa d’un avertissement pour mauvais comportement en piste, et ensuite, le Japonais ne s’est pas démonté non plus ; lui aussi est venu au contact de l’Espagnol, comme le prouve la vidéo ci-dessous. Ensuite, il s’agissait plus d’une erreur, car Masiá aussi perdit beaucoup de temps sur la tête à ce moment-là de la course (voir la vidéo plus haut).

 

 

Pour rester succinct, je pense qu’il n’y a rien à redire sur le pilotage de Jaume Masiá si ce n’est qu’il est allé chercher ce championnat avec la manière. Ces dépassements étaient difficiles, mais lidée d’un titre mondial à prendre sur la ligne d’arrivée est la seule qui justifie un pilotage plus musclé que d’habitude. Attendez, ne rêvez-vous pas de voir un Jorge Martín aussi incisif sur Pecco Bagnaia dimanche ? L’enjeu justifie les moyens, surtout en Moto3 et c’est parfaitement malhonnête de le reprocher à Jaume Masiá.

 

« L’idée d’un titre mondial à prendre sur la ligne d’arrivée est la seule qui justifie un pilotage plus musclé que d’habitude. »

 

Sasaki, lui-même, a déclaré ne pas avoir été dérangé par son vis-à-vis, précisant que ça n’était « pas grave ».

 

L’aide du coéquipier

 

Deuxième point de départ de la polémique, le dépassement d’Adrián Fernández (frère de Raúl), coéquipier de Jaume Masiá, sur Ayumu Sasaki. C’est celui-ci qui fit rétrograder le Japonais dans le classement au pire moment.

 

 

Mais là encore, il n’y a pas de raison de s’enflammer, et encore moins d’accuser l’équipe Leopard Racing de tricheurs. La manœuvre est ambitieuse, certes, mais ô combien commune en Moto3 ! Sur la même action, on voit David Muñoz, derrière, écarter au large pour la même raison. Dans les derniers tours de chaque course, nous assistons à des actions similaires.

Je ne dis pas que le petit frère Fernández n’a pas fait exprès, mais n’est-ce pas là… son rôle ? Que trouvez-vous plus anormal ? Qu’un coéquipier aide son compère dans une course au titre, ou que la direction de course, normalement impartiale, vienne demander au même Adrián Fernández, à Sepang, de ne pas suive Ayumu Sasaki ? Mon choix est fait, et je ne trouve pas l’attaque en piste illégitime. Ce sont deux pilotes, l’un se sentait plus rapide ; il devait le tenter pour l’intégrité du sport. Coéquipier ou pas.

Et dans tous les cas, même si « Pitito » avait fait tomber Ayumu Sasaki, en quoi cela justifierait-il le harcèlement et la décrédibilisation du sacre de Jaume Masiá ? Car c’est ce dont il est question.

 

Personne ne pourra jamais l’enlever à Jaume Masia. Photo : Leopard Racing

 

La honte

 

Place à la dernière partie, la plus importante. Sur les réseaux sociaux, principalement, Jaume Masiá est attaqué de toutes parts, violemment. En règle générale, je n’accorde pas beaucoup d’importance à la haine sur ces plateformes, car ce sont, pour la plupart, des attaques gratuites qui suivent le courant défini par la masse. Le public avait décidé d’aimer Sasaki, pas de chance pour Masiá.

Mais quand un ex-professionnel et légende des Grands Prix comme Mick Doohan s’en mêle, alors je ne peux y rester insensible. J’ai été profondément déçu par son commentaire sur Instagram, que je vais vous copier ci-dessous.

 

« Je suis sous le choc. Aucune sanction contre le pilotage du pilote vainqueur, et contre l’équipe. Les courses doivent être dures, mais justes, et le vainqueur n’a pas gagné à cause de son talent, il savait qu’il n’avait pas celui de Sasaki, qui a tout donné. »

 

Ce n’est pas de son niveau. Sans rien enlever à son immense palmarès, l’Australien a tout faux. Il implique que Jaume Masiá (qu’il n’ose nommer, c’est dire le courage) aurait dû recevoir une lourde pénalité. Ce qui n’a aucun sens au vu de la physionomie de la course, mais aussi et surtout, que l’Espagnol « n’a pas gagné grâce à son talent », car il savait qu’il n’avait « pas celui de Sasaki ». Pouvez-vous imaginer un instant la violence d’un tel propos ?

Tout d’abord, je peux affirmer qu’Ayumu Sasaki serait perdant au jeu du « mérite » sur la saison, même si ça veut pas dire grand-chose. Mais puisque c’est le terrain choisi par Doohan, allons-y. Sans victoires, il s’est fait battre en duel à sept reprises, notamment par Jaume Masiá. L’Espagnol n’a pas réalisé une grande campagne lui non plus ; et j’y reviendrai après Valence, mais toujours plus belle que celle du Japonais, ça ne fait aucun doute. En termes de talent, Masiá n’a absolument rien à envier à Sasaki, c’est même l’inverse. Il y a juste à revoir le bouillon qu’a mangé Ayumu par Jaume à Assen pour s’en convaincre. Ou pire, la leçon que Deniz Öncü lui infligea au Sachsenring.

 

Sasaki est le battu de l’histoire, mais il ne perd certainement pas le titre ici. Photo : Intact GP

 

Mais peu importe les résultats. Mick n’avait pas à dire cela, car sa légitimité nourrit les commentaires haineux des gens. Si Doohan, cinq fois champion 500cc, le dit, alors ça doit être juste, non ? Là est le danger.

 

Conclusion

 

Non seulement Jaume Masiá n’a rien fait de mal, si ce n’est que de se battre ardemment pour un titre de champion du monde dans les règles (excusez-le), mais il fait un bien plus beau champion qu’Ayumu Sasaki, sans pour autant rentrer dans les annales du mondial Moto3. Je pense qu’il paye sa nationalité, moins aimée car surreprésentée au plus haut niveau, en comparaison avec les Japonais discrets toujours appréciés du grand public.

Votre avis m’intéresse grandement ! Qu’avez-vous pensé de cet article ? Dites-le moi en commentaires !

Photo de couverture : Leopard Racing

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