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Inutile de vous présenter Valentino Rossi. Tout le monde l’a vu évoluer, certains plus de deux décennies durant, au sein de notre championnat préféré. En plus de vingt ans de carrière, « The Doctor » a accumulé les récompenses et les records en tout genre, des plus prestigieux (plus grand nombre de victoire en catégorie reine), aux plus obscurs (victoires avec le plus de cylindrées différentes, quatre, à savoir 500cc, 990cc, 800cc et 1000cc). D’ailleurs, nous sommes – partiellement – revenus sur ses différents accomplissements dans un article dédié. La plupart de ses records sont certes fous, mais atteignables. Cependant, il y en a un dont nous sommes persuadés qu’il ne sera jamais battu, jusqu’à la fin des temps : son nombre de podiums.

Valentino Rossi est monté sur la boîte à 199 reprises, de 2000 à 2020. C’est près de deux fois le total de Marc Márquez, qui en cumule 100 à l’heure où ces lignes sont écrites. À vrai dire, les statistiques concernant la performance pure sont toujours accessibles, quel que soit le pilote du moment. Mais celles portant sur la longévité requièrent un tout autre niveau de grandeur, et surtout, un contexte particulier. Afin de vous rendre compte de la folie qu’incarne ce total, nous avons établi quelques comparaisons.

Près de 200 podiums en 21 années de carrière en MotoGP, cela représente une moyenne de 9,5 par saison. Pecco Bagnaia en a acquis 10 sur sa campagne de champion du monde, ce qui est déjà énorme. En 2021, Quartararo totalisait 10 réalisations lui aussi. Détaillons l’exemple de Pecco. En MotoGP, il a déjà enregistré 20 podiums, ce qui est très sérieux. Pour atteindre les 199 de Rossi, il lui faudra faire des saisons similaires à celle où il fut titré pendant… 18 ans, soit un passage de flambeau à l’horizon 2040. Ce chiffre paraît totalement absurde, même pour Márquez, avec 100, qui devrait « refaire une deuxième carrière » pour égaler Vale’.

 

Rossi en jaune, en 2006. C’est ici qu’il a perdu son dixième titre, bien qu’il ne le savait pas encore. Photo : Mr. Negative


Cela semble paradoxal, car nous avons longuement évoqué le rajeunissement de la grille MotoGP, et pourquoi le trop rapide renouvellement des effectifs pourrait poser problème. Ainsi, nous ne manquons pas de jeunes loups. D’ailleurs, nous avons même parlé il y a quelques jours de la longévité croissante au très haut niveau, constatable dans tous les sports et liée à la prise en compte de la nutrition, du repos et de la condition physique, sans compter l’évolution de la sécurité de nos tracés. Alors pourquoi pensons-nous qu’il est totalement inaccessible ? La raison est simple. L’ère dans laquelle vous performez compte plus que votre performance intrinsèque, au moins pour aller chercher des records.

En 75 ans d’existence, la MotoGP a connu différents règlements. Sa dynamique suit celle de tous les sports mécaniques, et il est possible de résumer l’histoire de tous les championnats de cette manière : les règles sont créées pour que tout le monde joue sur un pied d’égalité, puis des marques dépensent plus d’argent que les autres, et commencent à dominer. S’installe une ère de domination partagée ou non, et cela se transforme en un spectacle ennuyeux au possible. Ainsi, les instances reviennent sur le règlement et remettent tout à plat, jusqu’à ce qu’une firme amène plus que les autres, car comme le disait Bernie Ecclestone : « on ne peut pas empêcher les gens de dépenser leur argent ».

Mais depuis quelques temps, ce schéma ancestral ne tient plus. Les sports mécaniques changent, et doivent évoluer. L’époque actuelle demande du spectacle à outrance, des batailles, de l’action, courte si possible, et aucune formule ne peut se permettre de voir un pilote gagner avec 10 voire 20 secondes d’avance, alors que ce n’était pas si rare il y a 15 ans encore. DORNA, avec l’introduction de l’ECU unique en 2016, apporta une solution pour créer de la compétition. Désormais, nous voyons plus de vainqueurs différents, et les équipes satellites sont dans le coup. Cependant, cela n’empêche pas Ducati de dominer largement avec une nouvelle stratégie : procurer du matériel de pointe à d’autres équipes. Comme quoi, les vieux principes ont la vie dure et Bernie n’avait pas tout à fait tort.

 

Rossi avec la tunique Repsol, c’est 31 podiums en 32 courses. Saurez-vous trouver l’exception ? Photo : Box Repsol

 


L’équivalence historique est très compliquée à appréhender, notamment quand nous avons d’aussi importants changements fondamentaux en moins de 10 ans. Alors, quand on additionne une époque favorable (fin des 500cc et 800cc, en plus des 1000cc sans électronique unique, grosso modo de 2002 à 2015) à la longévité et au talent incroyable de Rossi, on se retrouve avec des saisons entières passées sur le podium, ou presque. Quelque chose de totalement inimaginable de nos jours… Et d’autant plus à l’avenir.

Tous les sports mécaniques tendent vers l’uniformisation, cela va avec l’époque. La compétition coûteuse ne fait plus rêver, et même vendre. Il y a fort à parier que dans quelques années, tout engagement en compétition, s’il n’est pas justifié, aura mauvaise presse. C’est pour cette raison que nous ne verrons plus un seul homme marcher sur toute une catégorie pendant 10 ans, et pourquoi ce record de Rossi ne sera jamais battu.

Finalement, qu’est ce que tout cela signifie ? Que le nombre brut de podiums ou de victoires ne reflète pas la grandeur d’un pilote, car il est beaucoup plus difficile pour Quartararo ou Bagnaia de prendre 15 podiums par saison, même s’il y a plus de courses de nos jours. Cela n’enlève rien à la légende de Valentino, mais il faut user d’autres outils pour comparer nos héros entre eux, et dès lors, la pertinence des totaux de carrière absolus et/ou rapportés (les pourcentages ne tiennent pas compte de l’époque) s’amenuise. Cela renseigne aussi sur l’importance capitale du contexte dans chaque analyse historique.

Qu’en pensez-vous ? Verrons-nous un autre pilote à plus de 100 podiums en catégorie reine, chiffre totalement délirant ? Dites-le nous en commentaires ! Par ailleurs, nous aurons l’occasion de reparler de ces époques distinctes dans un article dédié, car ce sont aussi les moments, dans l’histoire, où il est le plus difficile de s’imposer.

 

Quarta ne pourra – sans doute – pas le rattraper. Mais est-ce si important ? Photo : Michelin Motorsport

 

Photo de couverture : Michelin Motorsport

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