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Aleix Espargaró a signé sa première victoire au terme de son 200e départ en MotoGP ce dimanche sur le circuit Termas de Río Hondo, en Argentine, au guidon d’une Aprilia RS-GP de plus en plus aboutie. En effet, elle était jusque là la seule machine du plateau MotoGP à ne pas avoir encore gagnée. Et pour cause, la route d’Aprilia vers la gloire en MotoGP a été l’une des plus difficiles de tous les temps !

Aprilia est pourtant une marque qui n’est pas étrangère à la victoire, l’usine de Noale comptabilisant d’innombrables victoires et titres mondiaux dans tant de catégories, mais pourtant, pour une raison quelconque, la victoire leur a échappé dans la catégorie reine. Le chemin a été long et remarquable, et une rétrospective s’impose, car l’histoire ne date pas d’hier.

 

 

À l’aube de l’ère MotoGP, en 2002, Aprilia est entrée en scène avec la légendaire RS Cube. C’est l’une de ces machines qui est entrée dans l’histoire pour être magnifiquement défectueuse, sans doute trop en avance sur son temps.

C’était aussi une machine très en avance sur son temps, propulsée par un 3 cylindres en ligne de 990cc à 4 temps développé avec des entités dérivées de la F1 via Cosworth, apportant de nombreuses fonctionnalités jamais vues auparavant dans le développement de motos, telles que les soupapes à rappel pneumatique, le contrôle de traction ainsi que le ride-by-wire. Les rumeurs dans le paddock l’annonçaient comme la moto la plus puissante à l’époque.

Malheureusement, la puissance phénoménale du moteur est à l’origine des soucis d’Aprilia en MotoGP : ce moteur associé à un système de contrôle très innovants était mal adapté au châssis, qui était trop rigide et impitoyable. Les pneus de l’époque n’étaient pas en mesure de gérer une telle puissance : il y n’avait pas encore de système anti-wheeling ni de contrôle de traction avancés. La seule façon d’essayer d’apprivoiser cette puissance folle et délivrée de manière assez fougueuse était de les atteler dans le meilleur châssis possible. Mais malheureusement, Aprilia a beau être le maître des cadres de moto, la marque n’a pas réussi à trouver un compromis qui fonctionne. Pas même lorsque le projet RSV 1000 Superbike a également été arrêté pour canaliser toutes les ressources du département Racing sur le projet MotoGP.

 

 

Au fur et à mesure que le projet avançait, Aprilia a essayé sans relâche d’apprivoiser la RS Cube et sa puissance démoniaque, sans grand succès.

Régis Laconi a fait ses débuts sur la RS3 en 2002, sans succès. En 2003, Colin Edwards, fraichement titré champion du monde SBK a proclamé qu’elle était « mal née », et qu’elle avait « tellement de choses qui doivent être repensées », y compris son appétit pour les wheelings, le manque de sensation à l’avant, le chattering aux deux extrémités, et une réponse imprévisible de son accélérateur ride-by-wire. Son coéquipier dans l’équipe Aprilia de 2003, Nori Haga, a chuté avec le Cube pas moins de 28 fois en une seule saison.

 

 

Mais en dépit d’être entre les mains de nombreux pilotes ayant chacun leur propre style de pilotage, personne n’a réussi à l’apprivoiser.

Malheureusement sans grands résultats, c’est aussi, ou surtout, la raison pour laquelle la société vénitienne s’est retirée du MotoGP à la fin de la saison 2004 : trop d’argent dépensé par rapport aux fruits récoltés, cela a décrété la mort du projet et l’abandon de la compétition pour la firme de Noale, qui avait développé l’une des machines les plus intéressantes de l’ère moderne du MotoGP, mais trop en avance sur son temps. Et il faudra attendre 11 longues années avant de voir Aprilia signer son retour dans la catégorie reine.

 

 

Ainsi, 11 ans plus tard, Aprilia a signé son retour dans la catégorie MotoGP avec sa propre machine en 2015.

Néanmoins, partir de 2012, Aprilia a été impliquée dans la catégorie CRT (Claiming Rules Team), via le team ART, puis dans la catégorie Open qu’elle est devenue plus tard. Dès le début de saison, Aleix Espargaró ne se fait pas prier : pilote de pointe d’ART, il réalise une année fantastique. Au général, il pointe à la 11e position devant des pilotes satellites ! C’est le succès qu’ils ont trouvé ici qui les a conduits à leur retour à grande échelle en 2015 : le pilote espagnol remporte le championnat de la catégorie CRT en 2013, puis la catégorie open en 2014, en se classant 7e au général en 2014 !

Et donc pour 2015, le projet Aprilia RS-GP est né, largement basé sur la superbike RSV4 et avait donc un moteur V4 à 75º et une philosophie générale très similaire à la RSV4.

Alvaro Bautista, Marco Melandri et Stefan Bradl ont roulé sur la moto tout au long de la saison. Alors que les pilotes arrivaient à terminer régulièrement dans les points, il était clair que la moto avait un long chemin à parcourir pour rattraper les leaders de la catégorie.

 

 

La saison 2016 a vu de réels progrès pour Aprilia. Ils étaient peut-être encore à l’arrière du peloton, mais entre Alvaro Bautista et Stefan Bradl, Aprilia a réussi à entrer 16 fois dans le top 10.

 

 

Aleix Espargaro et Sam Lowes ont rejoint l’équipe Aprilia en 2017. Ce fut une année difficile pour Sam Lowes, arrivant du Moto2, il a eu du mal à s’adapter à l’Aprilia qui se débattait elle-même. Une malheureuse rupture de relation entre le pilote et l’équipe l’a amené à revenir en Moto2 après une seule saison dans la catégorie reine et à ne jamais vraiment pouvoir montrer son potentiel.

Aleix Espargaro a quant à lui eu une première année décente avec Aprilia, mais au cours de la troisième année du projet, Aprilia stagnait toujours à un niveau similaire à ce qu’il était à la fin de 2015. Un manque d’accélération et de vitesse de pointe les a vus se battre en fond de peloton, et cela ne s’est pas amélioré l’année d’après.

 

 

L’année 2018 a probablement été la saison la plus difficile d’Aprilia à ce jour. Après avoir développé le prototype 2018, ils ont rapidement découvert qu’ils s’étaient perdus dans le développement, Aleix Espargaro déclarant souvent qu’il sentait que sa machine avait fait un pas en arrière.

La saison a été difficile, l’équipe de Noale ne rentrant que quatre fois dans le top 10. Aprilia avait du pain sur la planche pour se remettre sur les rails pour 2019.

 

 

Effectivement, l’équipe de Noale a entamé la saison 2019 avec une RS-GP dotée de nombreuses évolutions. Certes, elle avait encore le V4 à 75º mais le moteur était meilleur, le châssis, le bras oscillant et l’aérodynamique ont tous été retravaillés pendant l’hiver et Aleix Espargaro a estimé que c’était le niveau technique qu’ils auraient dû avoir en 2018.

Néanmoins, 2019 était la dernière année de cette génération de RS-GP. Les équipes techniques d’Aprilia sentaient qu’ils avaient atteint le sommet de l’évolution avec cette philosophie et il était donc temps de changer.

Bien que la moto 2019 n’ait peut-être pas eu l’accélération ou la vitesse de pointe des autres machines, elle avait en fait un excellent châssis, ce point n’étant pas plus évident que lorsqu’ Andrea Iannone a mené le GP d’Australie pendant quelques tours et s’est battu pour une très belle 6e place, à moins d’une seconde du podium.

 

 

En 2020, la nouvelle philosophie d’Aprilia a initié une nouvelle ère. Le V4 à 75º a disparu et a été remplacé par un V4 à 90º plus puissant. Il a tout simplement transformé la machine.

L’équipe de Noale disposait désormais d’un moteur en phase avec la concurrence, développant une puissance et une accélération similaires. Mais alors que les équipes techniques ont réalisé des pas en avant dans certains domaines, des problèmes subsistaient.

Le prototype 2020 avait un gros défaut : il souffrait d’un manque d’adhérence à l’arrière. A son guidon, les pilotes ne pouvaient pas bien sortir des virages et n’étaient donc pas en mesure d’utiliser toute la puissance que la machine leur offrait, et il y avait d’autres problèmes. La spécification du moteur qu’ils espéraient utiliser au début de 2020 avait des problèmes de fiabilité, ils ont donc dû commencer l’année avec une définition technique qui n’était pas aussi performante que prévue.

Mais il y avait aussi du positif : son châssis semblait bon, stable en courbe et offrait une grande stabilité sur les freins.

 

 

Alors que le prototype 2020 était une révolution, celui de 2021 a été une évolution basée sur la RS-GP de l’année précédente. Tout ce que les équipes de Noale ont appris de 2020 leur a permis de faire évoluer leur machine en 2021, avec pourtant un prototype qui ne partageait littéralement aucune pièce avec la RS-GP 2020. C’était une refonte complète et c’était le coup de maître d’Aprilia pour revenir à la compétitivité.

Un nouveau moteur, un nouveau châssis, leur premier bras oscillant en carbone, un nouveau package aérodynamique. Tout cela a donné à la RS-GP une meilleure accélération, une meilleure adhérence et une meilleure maniabilité, ce qu’Aleix Espargaro a brillamment exploité. Chaque fois qu’il a terminé une course en 2021, il a terminé dans le top 10, ce qu’aucun pilote Aprilia n’a jamais fait dans la catégorie MotoGP jusqu’à présent.

 

 

Place à la dernière évolution de l’Aprilia RS-GP, qui les a finalement amenés au sommet de la catégorie reine. Les évolutions de l’année dernière sont plus difficiles à repérer que les années précédentes, mais il y en a encore beaucoup. De légers changements ont rendu l’Aprilia plus agile, meilleure sur le flan du pneu, plus stable et offrant une meilleure adhérence à l’arrière.

Ce prototype semble maintenant être un package solide, le résultat de toutes ces années passées par Aprilia à chercher des solutions. Il a un excellent moteur, est efficace en sortie de courbe, stable au freinage et est l’un des meilleurs V4 dans les morceaux sinueux. L’Aprilia RS-GP 2022 est l’aboutissement de plus de 20 ans de travail acharné et de connaissances, et tout ce travail a été récompensé en Argentine le WE passé.

 

 

Cela a également mis en exergue le travail acharné d’un pilote, Aleix Espargaro, qui a toujours cru en ce projet, a subi des hauts et des bas, et n’a jamais rien lâché !

 

Photos : Dorna Sports

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