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MotoGP dépasser

Nous venons d’assister à la course de l’année. Une véritable joute à l’ancienne, une course d’attente qui sentait la fin des années 1980, avec une explication mémorable dans les derniers instants. Pour dépasser, nos pilotes MotoGP trouveront toujours un moyen, ailerons ou non. Ce Grand Prix de Thaïlande a fini de balayer ce mythe qui avait la dent dure, et ça n’est pas trop tôt. Pour cet épisode de Parlons MotoGP, revenons sur cette manche historique en quelques points.

 

La crème de la crème

 

Qu’est ce que j’aime les Grands Prix, et ces Grands Prix en particulier. Pas ceux qui voient s’affronter cinq, six pilotes ; je n’ai jamais voulu voir du Moto3 avec des 1000cc. Mon plaisir, c’est de pouvoir discerner la simplicité de la discipline ; le corps-à-corps, à deux, ou trois, pas plus. Simplicité, car le MotoGP est l’un des sports le plus limpides du monde. Vingt-deux pilotes (quand ils sont tous en forme) s’affrontent pendant une vingtaine de tours. Peu de gestion des pneus – en comparaison aux autres classes, pas d’arrêts aux stands, pas de communication avec l’équipe et pas de questions à se poser. À fond de l’extinction des feux jusqu’à la ligne d’arrivée, où une poussière les séparent. Il s’agissait du quatrième podium le plus serré de l’histoire.

 

MotoGP dépasser

Le top du top. Photo : Michelin Motorsport

 

Si en plus de ça, on a, devant, trois des quatre meilleurs pilotes du monde qui s’affrontent, alors on obtient un spectacle inégalable. La vision de ces pilotes en train de croiser le fer est juste magnifique. D’un côté, Brad Binder, l’outsider fou au style peu orthodoxe. De l’autre, Jorge Martín et Pecco Bagnaia, aux approches similaires, deux aliens avec de la vitesse et du QI course à revendre. C’est ce qu’il se fait de mieux sur la planète, voilà le show MotoGP. Et il est plutôt rare de le voir aussi pur, héroïque, aussi, car sous une chaleur écrasante. D’autres ont abandonné pour cette raison, mais cette pensée n’effleura même pas l’esprit de ces trois gladiateurs.

 

La meilleure course de Jorge Martín

 

Je suis presque obligé de commencer avec le vainqueur. Le « Martinator » a brillé de mille feux, avec une performance digne d’un champion du monde. D’une manière plus générale, il pilote avec la maturité des plus grands. Après deux désillusions consécutives en Indonésie et en Australie, le voilà qui se relance sans pression, au terme d’un week-end maîtrisé de bout en bout alors qu’il ne partait pas favori sur ce tracé au vu de ses dires de vendredi.

Sa performance du dimanche est parfaite, ni plus, ni moins, et seul Pecco Bagnaia a déjà pu atteindre ce niveau en 2023. Même après s’être fait dépasser par Brad Binder, il n’a rien lâché jusqu’à reprendre le Sud-Africain. Et toujours avec cette propreté, cette vitesse de passage en courbe sensationnelle, ce sentiment de contrôle sur la machine qui le rend si puissant. Peu importe sa place finale au championnat, il aura été l’un des prétendants au titre les plus fort depuis l’avènement de l’ère MotoGP en 2002. Nous aurons l’occasion d’en reparler quand la couronne sera sur la tête du roi.

À part « bravo », il n’y a pas grand-chose de plus à dire. C’était chirurgical.

 

MotoGP dépasser

L’effort du Martinator pour reprendre Binder était spécial. Digne des légendes. Photo : Michelin Motorsport

 

Brad Binder malchanceux ? Pas tant que ça

 

Comme c’est souvent le cas depuis plusieurs mois, Brad Binder ne me surprend plus. D’une part, parce qu’il fait partie des cinq meilleurs pilotes MotoGP depuis la fin de saison dernière ; Il est à sa place, il ne faut plus le voir comme l’opportuniste. De l’autre, parce que son style est malheureusement prévisible. Il y a peu, j’avais souligné son manque de propreté évident en bataille. C’est tout bonnement impressionnant, et j’ai compté pour vous ; de ce qui a été filmé par la réalisation internationale, il a effectué un seul dépassement sans forcer l’autre à se relever durant les 26 tours du Grand Prix.

Mais d’un autre côté, je me dis que son évolution stylistique dépend beaucoup de la KTM, et peut-être qu’elle aussi joue un rôle dans son expression. Jack Miller n’est jamais devant, donc nous n’avons pas de point de comparaison significatif. En tout cas, il faudra que ça s’améliore, et pour son bien. Encore dimanche, il perd une position pour être sorti dans la partie verte – incontestablement, cette fois – mais c’est parce qu’il est trop précipité sur la moto, trop à la limite, trop brouillon.

 

Trio titanesque. Photo : Michelin Motorsport

 

Et puis, selon moi, humblement, je pense que pour un pilote de son rang, il y avait mieux à faire dans le dernier virage. Depuis le Sprint de samedi, il était mathématiquement éliminé de la course au titre. Normalement, avec autant de talent, Jorge Martín ne doit jamais passer la ligne d’arrivée aussi sereinement, Brad doit au moins tenter quelque chose, et il existe plusieurs arguments pour soutenir cette théorie.

Premièrement, Jorge Martín a été extrêmement défensif à l’approche du dernier virage, mais il est étonnant que Brad Binder n’ait pas anticipé ceci. S’il y a bien un pilote qui excelle dans l’art du blockpass musclé, c’est bien lui. Ensuite, Des pilotes résolument moins offensifs comme Fabio Quartararo rookie en 2019 et Andrea Dovizioso en 2018 ont essayé de se porter à la hauteur de Marc Márquez lors des éditions mentionnées. Certes, l’octuple champion du monde était moins intérieur, mais si vous regardez bien le replay dans le tweet ci-dessous, Binder fait le choix de se déplacer à l’extérieur très tôt, en voulant repiquer le « Martinator » plus loin. Connaissant la puissance de freinage du pilote Pramac, c’était peine perdue.

 

 

Nous ne pouvons être sûrs de rien, mais il y a fort à parier que Martín aurait davantage été inquiété s’il avait eu Bagnaia dans son dosseret de selle. Je suis convaincu que Brad avait le talent nécessaire pour faire un « Márquez-Lorenzo Jerez 2013 » par exemple, un vrai divebomb dans les règles – ou pas. Ça n’aurait pas changé sa réputation, et il n’aurait peut-être pas gagné. Mais Jorge dut être le premier étonné de franchir la ligne sans se faire harponner de quelconque manière.

C’est tout pour aujourd’hui ! Demain, nous reviendrons sur le week-end de Pecco Bagnaia, en se penchant sur l’évolution de la dynamique des deux protagonistes de cette saison. Dites-nous ce que vous avez pensé de cette course en commentaires !

Photo de couverture : Michelin Motorsport

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